Entre la cime et l’abîme

Entre la cime et l’abîme

L’histoire d’Icare raconte comment un adolescent insouciant et joueur endossa des ailes artificielles façonnées avec des plumes d’aigle grace au génie de son père, Dédale.  Les deux hommes attachèrent cette nouvelle invention à leur corps par de fines pointes de cire. Ainsi équipés, il prirent gaillardement leur envol, laissant derrière eux le labyrinthe qui les retenait prisonnier. Lorsque ces drôles d’oiseaux apparurent dans le ciel, un pêcheur, un pasteur et un agriculteur furent témoins de la scène. Ils virent Icare, ne faisant aucun cas des conseils avisés de son père, s’élever d’une force ascensionnelle inouïe vers de téméraires hauteurs. Visant le Soleil, ses ailes battirent de toute leur force pour rejoindre l’astre du jour. Et puis, soudain, la chute. Aux approches du luminaire incandescent la cire devint molle puis fondit. Les ailes perdirent leurs attaches. Las ! l’adolescent n’agita bientôt plus que ses bras nus, incapables de le soutenir sur cet air sans portée. En un éclair il tomba dans l’eau bleue de la Méditerranée. Bientôt, il ne resta plus de lui que quelques ondes éparses sur les flots. Dédale, qui assista impuissant à la scène, ne put que s’en vouloir d’avoir mis entre les mains de son fils un outil aussi puissant que dangereux. Tout en se lamentant sur la dureté du destin qui l’assaillait au moment même où il retrouvait sa liberté il enterra son fils perdu sur l’une des îles des Cyclades. Elle porterait désormais son nom : Icarios.

Ce bref épisode mythologique devint, au XXè siècle, le sujet privilégié de nombreux livres, pièces de théâtre, films, sculptures et peintures. Pourtant l’antiquité gréco-romaine n’en fit pas le thème central de son iconographie. Elle préféra représenter le drame plus ample où Icare apparaissait comme une simple péripétie : les relations d’admiration et de rejet qui se jouèrent entre Minos - le roi de Crète - et Dédale, son ingénieur en chef. Si la passion des modernes pour Icare illustre l’une des problématiques de notre société - comment sortir du labyrinthe de toutes nos complexités créées grâce à notre intelligence technique afin de retrouver le Soleil-de-vérité – il reste que le personnage d’Icare est indissociable des aventures de Minos et de Dédale. Car ce dernier est le véritable héros de l’histoire. La seule raison pour laquelle nous n’avons plus besoin de le mettre en scène, c’est que la société moderne est devenue un véritable dédale. À quoi bon représenter ce qui est déjà là ? L’art a pour fonction d’annoncer le futur et d’exprimer les aspirations inaccomplies des peuples, mais aussi de les mettre en garde contre les dangers qui les menacent. C’est pourquoi aujourd’hui, la mésaventure d’Icare, le fils du constructeur génial qui élabora avec tant d’art un monde si artificiel et si fonctionnel, est importante à comprendre pour l’avenir de nos enfants.

Dédale, dont le nom signifie « ingénieux », appartient à la maison royale d’Athènes. Forgeron hors pair, il tient son habileté de la grande déesse Athéna. L’univers mythologique lui doit la construction d’une vache de bois qui permit à Pasiphaé de s’unir au Taureau blanc de Poséidon ; le fameux labyrinthe de Cnossos, en Crète, où fut enfermé le Minotaure ; la piste de danse destinée à Ariane aux beaux cheveux ; le fil que celle-ci donna à Thésée pour ne point s’égarer dans le labyrinthe ; les ailes artificielles qui seront pour Icare l’instrument de sa mort ; des statues qui semblaient si vivantes qu’il fallait les attacher afin qu’elles ne s’enfuient pas ; de nombreux bâtiments d’une magnificence irréprochable et enfin des jouets pour les filles de Cocalos. Cet archétype pousse l’homme à façonner l’univers en fonction de ses besoins. Il est bien sûr pleinement présent dans notre civilisation. Le monde extérieur est pour Dédale un objet à façonner, à transformer et à améliorer. La philosophie de l’Ingénieur est à cent lieues de celle d’Orphée qui enchante les pierres, les végétaux et les animaux par le son mélodieux de sa lyre. Orphée pense que l’univers est un sujet sensible à la résonance et à l’harmonie ; Dédale l’imagine comme une immense carrière où son désir va pouvoir prendre forme grâce à l’emploi de son intelligence. Nous sommes également très loin d’un autre archétype, celui de Prométhée pour qui la connaissance est synonyme d’une promesse de bonheur pour l’humanité future. Mais le Titan ne s’intéresse pas à la réalisation pratique de ses inventions, il lance quelques idées brillantes dans la nuit de l’ignorance humaine puis repart vers la conquête d’un nouveau soleil. Il serait vain de chercher à personnaliser les archétypes dans nos catégories en affirmant par exemple que Prométhée est un inventeur, Dédale un ingénieur et Orphée un artiste. Il existe des artistes prométhéens, comme Mozart et Beethoven ; des inventeurs orphiques et des artistes dédaliens. Personnaliser l’archétype dans un monde qui hausse la réussite individuelle sur le piédestal des valeurs les plus enviables est évidemment une tentation. Il faut cependant se rappeler que l’importance de la « personne » est une émergence récente dans l’histoire du monde occidental, lentement élaborée dans le grand creuset des idées chrétiennes[1]. Par de-là la réduction de l’archétype à la personne, parlante mais limitante, nous cherchons ici à évoquer la philosophie et par suite la vision du monde qui se trouve « au-delà ». Avec ce double présupposé : une civilisation équilibrée devrait être consciente de ses mythes fondateurs afin de dialoguer avec eux et être à même d’établir avec d’autres cultures fondées sur d’autres mythes des relations d’enrichissement mutuel. Alors seulement la mondialisation ne sera plus l’exportation collective d’une unique représentation du monde mais le réveil d’une multiplicité de modèles capables de révéler, via l’expression humaine, la richesse des possibles.

C’est dans cette perspective que nous développons cette série d’ouvrages sur l’analyse symbolique des mythes Grecs : afin d’évoquer la possibilité fonctionnelle de multiples rapports au réel. Ces idées sont très concrètes : si notre civilisation n’était pas dans une phase faustienne de son histoire nous précipiterions-nous, alors que les glaciers arctiques fondent du fait du réchauffement climatique, pour creuser de nouveaux puits de pétrole dans l’espace ainsi libéré par les glaces ? C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui. La fascination pour l’or noir éclipse la prévoyance prométhéenne (Prométhée, « celui qui prévoit) et étouffe la voix d’Orphée qui pourrait, par exemple, proposer d’en faire un sanctuaire mondial pour la faune et la flore. Or « Faust » ne voit le monde qu’à travers trois mots : puissance, richesse et connaissance. Toute connaissance est là pour lui donner plus de puissance secrète  et de fortune. Du reste le grec « Hadès » signifie « invisible » et le latin « Pluton » désigne le « riche ». Mais ce sont aussi les deux noms du même dieux de la mort. Il y a à l’œuvre, dans ce côté prédateur de l’être humain, qui va extraire des entrailles de la terre arctique un surcroît de poison pour la biosphère, un puissant instinct d’autodestruction, une sorte de désir de mort inconscient qui nous pousse vers une destruction collective. Thanatos n’habite pas seulement les consciences individuelles mais aussi notre culture inventive. N’est-il pas urgent de découvrir sa cachette ?

La dernière manifestation d’Icare connut son apothéose en juillet 1969, lorsque la mission Apollo 11 (Apollon, le « soleil », précisément) alunissait sur le sol poussiéreux de notre satellite. Armstrong, Aldrin et Collins accomplissaient alors physiquement le vieux rêve de l’humanité : sortir de son bocal, quitter la biosphère pour tutoyer le monde des étoiles. Mais Dédale ne partage que modérément cet enthousiasme pour l’ivresse des hauteurs. Il connaît les dangers de la démesure et les rappellent prudemment à son fils : « Je te conseille de te tenir à mi‑distance des ondes, de crainte que, si tu vas trop bas, elles n'alourdissent tes ailes, et du soleil, pour n'être pas, si tu vas trop haut, brûlé par ses feux : vole entre les deux. Et je te recommande de ne pas regarder le Bouvier, ni l'Hélice, ni l'épée nue d'Orion. Prends moi pour guide de la route à suivre[2] ».

Comme Prométhée, Icare s’élève vers le soleil. Comme Faust, il finira démembré par les forces du Monde-d’En-Dessous. Ce mythe est donc une plaque tournante entre Prométhée et Faust, les deux grands schémas archétypaux qui hantent notre modernité fascinée par la démesure des « gratte-ciels » qui défient les étoiles et attirée par l’exploration des secrets enfouis au cœur des failles abyssales. Que ces dernières soient psychiques avec la psychanalyse ou physiques avec les plateformes pétrolières, le symbolisme reste le même : un désir d’explorer le monde des ombres, le royaume d’Hadès. A Dédale nous devons la technologie spatiale et celle des exploitations off shore, la conquête de la lumière réfléchie par la Lune et l’extraction de l’ombre des entrailles de la Terre. Pourtant Dédale n’est pas un philosophe mais un technicien. Il construit ce que les dieux lui demandent. Longtemps l’ingénieur cultive la raison et l’objectivité. Il affirme haut et fort sa liberté vis-à-vis des croyances religieuses et mythologiques puisque sa représentation du monde veut une réalité objective. Pourtant le technicien, qu’il en ait conscience ou non, est nécessairement mû par une image du réel : méfiance viscérale de la démesure, prise de risques calculés, croyance que la matière doit être transformée par l’intelligence pratique, pragmatisme, besoin de « faire », souci du détail et maintien des liens familiaux transgénérationnels. Tout cela produit une vision du monde et, par suite, un monde.

Ce sont ces présupposés anthropologiques que nous allons à présent explorer afin de mieux comprendre l’univers mythologique de la technique et ses conséquences.



[1] Frédéric Lenoir, Le Christ philosophe (Plon)

[2] Ovide, Les métamorphoses (Flammarion)

Les pathologies de Prométhée

Les pathologies du prométhéen

Les « pathologies prométhéennes » résultent d’un dysfonctionnement non pas psychologique mais mythologique. En d’autres termes la cause de la pathologie n’est ni à rechercher dans les gènes ni dans une perturbation due à l’environnement affectif ou social, mais dans l’accomplissement encore imparfait du mythe fondateur dont la personne est porteuse. Les « maladies mythologiques » sont des appels de l’âme. Elles signent les nécessaires réajustements entre un appel intérieur impérieux et un comportement extérieur qui se refuse encore à la grande aventure. Nous en avons ici répertorié quelques-unes, sans prétention à l’exhaustivité.

Précisons qu’une même pathologie peut avoir au moins quatre causes fondamentales :

-                 Une cause physique : si je mange trop j’aurai mal au ventre

-                 Une cause systémique : si j’ai peur de mon environnement j’aurai mal au ventre

-                 Une cause mythologique : si je refuse ma créativité mentale j’aurai mal au ventre

-                 Une cause ontologique : le mal de ventre est un processus normal de naissance à soi-même.

Avant de traiter une maladie il convient donc de s’interroger sur sa cause possible : faut-il soigner avec un médicament qui aide à la digestion (cause physique) ; faut-il modifier ma manière de vivre (cause systémique) ; est-ce un l’appel puissant de mon âme, c’est-à-dire de mon besoin fondamental (cause mythologique) ; ou encore faut-il laisser s’accomplir le processus initiatique qui m’habite (cause ontologique) ?

Nous ne traitons ici que des maladies d’âme. Une migraine, par exemple, n’est pas nécessairement prométhéenne, même si elle peut l’être.

L’anorexie, une maladie des hauteurs

Prométhée refuse toutes les chaînes, la première d’entre elles étant l’incarnation de l’âme dans le corps. Il existe ici une révolte contre le fait d’être né et un impérieux désir de retourner vers l’essence des choses en se dématérialisant toujours plus, en retrouvant aussi ce feu dynamique et puissant que confère automatiquement toute expérience volontaire de privation de nourriture. Par l’anorexie, le prométhéen tente de revenir vers Ouranos, vers le Ciel Etoilé, là où brille la clarté de l’Esprit et la légèreté du souffle alliés à la toute puissance de l’intention. Pour lui « incarnation » signifie  être enchaîné au rocher de la matière corporelle. L’alliance qu’il devrait apprendre à sceller passe par la reconnaissance du corps.

Le mal de tête, une créativité inaboutie

Nous avons déjà noté la relation miroir entre la « pense du haut » et la « panse du bas » : la  même structure labyrinthique apparaît dans la forme du néocortex et celle des intestins, ce dernier terme signifiant par ailleurs « dans la tête » (in-testus). Souvent, chez l’enfant, le « mal de ventre » se manifeste lorsqu’une information n’est pas digérée. Le ventre est une soupape de sécurité à une tête encombrée, la diarrhée une élimination de pensées inassimilées. Or le prométhéen, nous l’avons vu, manque de sel biliaire : les intestins ne jouent pas leur rôle d’exutoire à une tête en danger d’asphyxie par une nourriture intellectuelle surabondante. L’énergie des pensées sauvages inabouties engendre alors pression dans la tête. Après l’anorexique regret du monde de la toute puissance stellaire voici les pensées créatrices inexpérimentées, encore incapables de trouver leurs chemins vers une réalisation matérielle. Alors la tête subit la pression de leur sarabande.

L’absence de « digestion » symbolique entraîne donc des « mi-graines ». C’est-à-dire, dans la langue des oiseaux, une semence coupée en deux. Cette « graine »  là, cette pensée inaboutie, n’a donc aucune chance de germer.  Deux désirs essentiels se font de l’ombre, s’empêchant mutuellement toute croissance. L’absence de « d’I-gestion » (gérer à partir de son axe vertical, le I) entraîne un risque de dissociation de la volonté : on veut deux choses en même temps sans pouvoir exprimer (faire pousser) ni l’une ni l’autre (mi-graine).  La « mi-graine »  reproduit exactement la forme du cerveau avec ses deux hémisphères. Au pire elle signe un état de schizophrénie, de dissociation de la personnalité entre deux objectifs fondamentaux et contradictoires : liberté et sécurité, indépendance et dépendance, etc. Elle manifeste la dimension d’ambivalence qui accompagne  l’ensemble de la geste prométhéenne.

Les problèmes de digestion, une assimilation imparfaite des émotions

Le rôle symbolique de la digestion est, nous l’avons vu, de « gérer à partir du I ». C’est-à-dire d’assimiler les informations en provenance de notre environnement  pour les rendre consubstantielles à soi-même, à notre verticalité, à notre nature particulière d’être humain. Ce rôle d’assimilation, la digestion l'exécute tant sur le plan biologique que sur le plan symbolique. Chez le prométhéen cette fonction est accomplie plus aisément par le feu végétal (le fenouil porteur de braise) que par le feu liquide (les acides biliaires). En d’autres termes il assimile les chocs grâce au fonctionnement extrêmement sensible de son corps de vitalité bien plus que par une acceptation émotionnelle. Le végétal correspond en effet symboliquement à l’énergie vitale car la plante se nourrit de lumière ;  le liquide, on le sait, image les émotions. Il arrive toutefois un moment où le feu vital ne peut plus complètement compenser le déficit en sels biliaires. Alors le processus de digestion récrimine.

La colère, une révolte inaboutie de l'Enchaîné

Après la tentation des étoiles au risque de l’anorexie, après le poudroiement de la créativité intellectuelle au risque de la migraine,  vient la colère refoulée. Celle-ci se focalise naturellement sur le foie puisque sa détérioration est la conséquence de la colère de Zeus qui envoie son aigle mangeur de chair. La médecine chinoise, par une toute autre voie, considère également le foie comme le siège de la colère. Dans cette structure les maladies du foie (hépatites, cirrhoses) sont la conséquence d’une contradiction psychique insoluble : le désir d’aventure, de prendre des risques, d’innover et d’aller de l’avant, confronté à un sentiment de culpabilité et une peur de l’échec. Cette nouvelle ambivalence  provoque une d’inhibition « résolue » par la maladie du foie. En ce moment mythologique particulier le prométhéen sait dans sa chair que l’aventure de la liberté pourrait générer un déluge dans sa vie personnelle. Enchaîné au rocher de son impuissance, il se refuse à exprimer sa nature essentielle par peur de l’échec. Emprisonné dans la tour d’ivoire de sa hautaine solitude il refuse l’humble amour des « petits oiseaux » et subit les outrages de l’orgueilleux aigle noir. La clé consiste ici à retrouver sa foi, son foie, sa confiance en soi, sa capacité à s’exprimer dans sa différence puis pour sa différence. La clé a aussi pour nom modestie et simplicité.

Les maladies du foie ou le futur incertain

La blessure de culpabilité infligée par l’aigle du remord – il « re-mord » en effet chaque jour – détruit automatiquement le moindre projet d’avenir. Aucun devin, si doué soit-il, ne lira jamais dans un foie déchiqueté. Le sentiment de ne pas avoir d’avenir, d’être sans projet, est si douloureux chez le prométhéen qu’il demande à son foie de le prendre en charge sous la forme d’une maladie. Rien ne sert alors de soigner le viscère, il est préférable de reconnaître le pressant appel de l’âme à une remise en route vers des futurs de lumière, car tous les futurs ne conduisent pas au déluge.

L’acuité visuelle : pour vivre dans le présent

L’organe de la vision du futur est attaqué par l’oiseau à l’œil perçant, le foie est dévoré par l’aigle.  L’aveuglement de Prométhée sur l’avenir, sur son avenir, est compensé par la vue à nulle autre pareille de l’oiseau de Zeus fixant le monde à partir d’inaccesibles sommets. Tout se passe ici comme si la vision dans le temps, la vision du futur, était remplacée par une vision de l’espace. Un nouveau retournement de la conscience point à l’horizon de l’expérience du prométhéen. Car que fait l’œil ? Il capte le feu de la lumière. Les ondes sont ensuite réinterprétées par le cerveau pour construire une image de la réalité. L’Enchaîné apprend à regarder l’ensemble de ce qui est plutôt que l’idéal de ce qui pourrait être. Il apprend à recevoir la lumière de l’existant plutôt que de distribuer aux hommes la vision d’une utopie. Généralement, le prométhéen affiche une grande acuité visuelle qui lui enseigne sans cesse l’importance de ce qui est là, ici et maintenant. Elle lui rappelle que le présent est un présent offert par l’univers… à condition toutefois de le vivre dans la présence à soi-même, comme immobilisé au rocher de sa nature profonde. C’est ainsi que les enfants de Prométhée  reconstruisent le sens de leur propre valeur et leur unité intérieure. Une unité que la vision déçue des lendemains que chantent avait passablement entamée.

La dépression, une régression du feu

Qui joue avec le feu se brûle, qui s’est brûlé craint même les allumettes. Une expérience des sommets est suivie d’une descente dans l’ombre de la vallée. La dépression prométhéenne est un reflux du feu : la vie ne se déroule plus, les choses ont perdu de leur éclat. Plantes, animaux et humains ne prospèrent plus. C’est là l’une des conséquences de l’aventure prométhéenne de l’homme occidental. L'homme moderne éprouve une diminution de sa joie de vivre et de son énergie, l’enthousiasme a cédé devant les assauts répétés de la tristesse. Les voleurs de feu de la Renaissance nous laissent ce lourd héritage. Après l’enthousiasme pour un monde de Progrès où le feu des Lumières devait éclairer l’humanité vint la jarre de Pandore avec ses maux : le travail, la maladie, la vieillesse, le désespoir mêlé à l’utopie.  Sur le plan individuel la dépression signe une régression du feu. Mais c’est aussi une maladie de notre civilisation car, collectivement, notre feu régresse par la prise de conscience des conséquences et des dangers du vol de la connaissance. Le prométhéen dépressif rencontre alors l’opportunité, voire la nécessité intérieure, de passer d’un feu à l’autre. La toute puissance du désir, interdite de projection sur les choses, devrait d’élever vers le cœur. Deucalion, le créatif inspiré par ses tripes, devrait remonter vers Prométhée, le créateur inspiré par l’esprit. Les prométhéens sentent avec plus d’acuité que d’autres les limites d’une société de consommation essentiellement préoccupée par le bien-être du ventre, ils sentent dans leur chair la nécessité de développer le feu du frêne : l’intelligence du cœur. Les dépressifs vivent une inconfortable transition entre deux feux : la sexualité, la reproduction et la production ne les intéressent plus, ils aspirent à une autre lumière, à la satisfaction d’un désir plus essentiel.

Parfois l’intensité du feu de l’esprit stimule de manière excessive celui des fesses. La part d’ombre de l’être est alors mise en lumière sous la forme d’une augmentation de l’instinctivité et de troubles sexuels. L'ange devient bête.

L’incendie volontaire représente une autre forme de la régression du feu.  L’individu inapte à assimiler l’intensité de l’appel de sa transformation intérieure la projette en son extérieur. Incapable de se brûler dans la flamme de la métamorphose l’incendiaire accomplit tout de même son acte de néantisation : la forêt part en fumée, sacrifiée au dieu du feu. Seul ce rituel impérieux peut satisfaire un temps l’inexorable génie de la transformation qui habite l’être hanté par son dieu. Le plus souvent ce feu est d’ordre sexuel car il s’agit du plus matériel des feux. Ne pouvant devenir plus tangible encore il n’a d’autres choix que de sortir de la sphère symbolique pour se manifester dans la flamme ardente qui anéantit les forêts et les frênes.

D’une manière générale le prométhéen est sensible aux maladies en « hyper » en raison de sa tendance à « jouer avec le feu ». Lorsque ce feu nouveau – qu’il soit sexuel ou spirituel - est trop violent, il stimule excessivement  un centre psychique ou un organe.

L’argent, une gestion difficile

Sans développer ici une analyse argumentée signalons que le sucre est l’analogue symbolique de l’argent. Or le foie gère la diffusion et le stockage du glucose sanguin. Le prométhéen risque par conséquent d’alterner entre le trop (stockage) et le trop peu (diffusion) dans l’emploi de son argent liquide. Entre la prodigalité et l’avarice au quotidien son foie oscille.

La blessure scandaleuse

Et puis il y a la blessure. Une blessure intrinsèque à l’épopée du Titan. Jusqu’à présent les pathologies prométhéennes étaient dues à un non-accomplissement du mythe : refus de l’incarnation (anorexie),  créativité mentale inaboutie (migraine),  sentiment d’insuffisance personnelle joint à un désir d’aventure (pathologies du foie) et opportunité de changer ses valeurs profondes (dépression). Pourtant la blessure est une donnée immédiate de l’histoire de Prométhée. Tout prométhéen porte en lui un lieu de souffrance qui est aussi la signature de son identité spirituelle. Le scandale de cette souffrance injuste qu’aucun événement de sa vie biologique ou psychique ne saurait ni expliquer ni justifier lui semble d’abord inacceptable. C’est néanmoins en cherchant à la comprendre et à vivre pleinement sa dimension symbolique qu’il accomplit sa destinée. Beethoven eut des crises de surdité dès son plus jeune age, malgré cela il accomplit son destin de compositeur hors norme ; Fulgence Bienvenüe, l’ingénieur  qui fut à l’origine du métro parisien, eut le bras gauche arraché par accident à l’age de 20 ans, malgré cela  il consacra sa vie à la réalisation de ce projet de construction jugé scandaleusement novateur à son époque. Et, non sans ironie, il fonda la première station de métro à « Mont-Parnasse », précisément là où Deucalion s’échoua après le déluge et créa une nouvelle race d’hommes. Le prométhéen devrait donc s’interroger sur le lieu corporel de sa souffrance, car là est la clef de sa mission spirituelle.

 

La naissance d’un Titan

Les Grecs l’appelaient Gaïa. De son corps et de ses amours avec le Ciel étoilé naquirent une vaste et étrange progéniture aux noms familiers et mystérieux : des cyclopes avec un œil unique planté au milieu du front, des monstres agitant cent bras en une seule volée, des Titans à l’incroyable force. Mais Ouranos – c’est le nom du ciel empli d’étoiles – n’était alors qu’un sexe avide de couvrir chaque nuit le corps soumis de Gaïa. À tous ses enfants, il refusait la lumière. Jamais Cyclopes, Monstres et Titans n’avaient encore vu leur géniteur car celui-ci les enfouissait dans le corps endolori d’une Terre gémissante. Certes Gaïa était enceinte du Ciel mais jamais elle n’avait accouché. Ivre de souffrance elle ne put longtemps accepter ce régime qui la torturait dans sa chair. Un Appel, elle lança. Les sons de sa voix parvinrent à la conscience de son dernier-né » encore prisonnier de sa chair, le Titan Cronos. Peut-être l’entendit-il parce qu’il était le préféré de sa mère, ou en raison de sa condition de dernier-né encore proche de la conscience de son éternité. Peu importe pour le moment. Gaïa arma le jeune Titan d’une serpe munie d’une lame d’acier et lui donna quelques instructions radicales. L’Enfant les suivit scrupuleusement. Le soir venu Ouranos, comme à son habitude, vint s’étendre ivre de désir sur le corps souffrant de Gaïa. Cronos sort de sa cachette « étendit la main gauche ; de la droite, il saisit la grande, longue serpe aux crocs durs, et bondissant, les couilles de son père, il les trancha ; il les rejeta vite pour qu’elles tombent derrière lui[1] ».  Grâce à cet acte inespéré d’héroïsme les enfants de Gaïa et d’Ouranos allaient enfin pouvoir accéder à la lumière du jour, libérant en même temps le corps de la Terre des souffrances d’un enfantement perpétuellement inachevé. Mais Ciel Etoilé n’avait pas dit son dernier mot, ou plutôt posé son dernier acte fécondant. Les gouttes sanglantes issues de sa blessure se répartirent sur les continents. Au contact de la terre naquirent encore les Erinyes, les Géants et les nymphes du frêne qu’on appelle les Méliades. Les organes génitaux immortels du créateur insatiable furent engloutis par les flots… Et une fille en naquit : la divine Aphrodite, déesse de la beauté. Délicate et pudique, l’herbe poussait sous ses pieds exquis à mesure de sa marche.

Ainsi s’achève le premier épisode de l’aventure prométhéenne. Certes, nous n’en avons pas encore parlé, mais il suffit de dire que Prométhée est fils d’un Titan, d’un des onze frères de Cronos qui délivra la Terre du désir insatiable du Ciel Etoilé. Un Titan et non un Dieu, une force fondatrice qui sut défier le Ciel, non un acolyte qui a pour mission de le servir.

Prométhée est donc fils de Titan. Son père, Japet, épousera une fille de l’Océan qui lui donnera quatre enfants mâles : Epiméthée, Prométhée, Atlas et Ménœtion.

Né de la première génération après l’Origine Prométhée possède dans son code génétique l’extraordinaire force créatrice de son grand-père Ouranos et la matérialité de sa grand-mère Gaïa. C’est peu dire que ce sera un enfant turbulent ! Comme tous les êtres issus des commencements il n’a pas d’enfance et apparaît sur la scène du monde déjà glorieux et empli de ses réelles capacités. Comme tous les êtres issus des commencements sa vie et ses actes imagent sa nature profonde.

Revenons un instant à Cronos, le Titan « au penser fourbe » selon la curieuse expression d’Hésiode. Ayant détrôné son géniteur il ne lui reste plus qu’une chose à faire : prendre sa place. Puis, avec sa sœur Rhéa, il peupla le monde des dieux en donnant naissance à des personnages familiers comme Hadès, Poséidon, Zeus, et Déméter. Pourtant la chose ne fut pas si simple car Cronos souffre de la même pathologie que son père Ouranos : il refuse la lumière du jour à ses enfants. La crainte de subir le sort qu’il infligea au Ciel étoilé, la crainte de se faire détrôner par sa progéniture, lui fit adopter une bien étrange stratégie. Ses enfants à peine nés, il les avala et les conserva dans son ventre. Ainsi tout irait bien. Las ! Rhéa ne l’entend pas de cette oreille ! mécontente de l’attitude de son mari, elle soustrait son dernier-né à l’avidité dévoratrice de Cronos et, en remplacement du nouveau-né, lui fit avaler une pierre emmaillotée dans un lange. Cronos n’y vit que du feu. Bientôt le petit Zeus, qui avait échappé au ventre du Titan grâce à l’ingéniosité de sa mère, entrera en rébellion contre son père et le forcera à vomir les dieux qu’il maintenait enfermés dans son vaste ventre. Une chose était de libérer ses frères et sœurs, une autre était de détrôner le roi du Monde. Une telle entreprise n’eut rien de facile car Cronos est un Titan, une force titanesque fermement accrochée à un pouvoir chèrement acquis. Longtemps le combat resta incertain, longtemps les jeunes dieux furent tous tenus en échec par la remarquable  résistance des Titans rassemblés pour maintenir l’ordre du monde. Comment détrôner ce puissant père qui a refusé à ses enfants le droit de grandir et de vivre leur vie ?  La solution viendra de Prométhée. « Celui qui prévoit », tel est son nom, comprit bien vite que les nouvelles divinités pourraient l’emporter grâce à une nouvelle manière d’être, que la ruse vaincrait la force. Le Titan fit donc alliance contre son camp naturel. Sur les conseils de Gaïa, Zeus délivra les Géants, les cyclopes et les monstres que Cronos avait enfermé au Tartare et, grâce à ses frères et à l’appui du Titan transfuge, gagna  le difficile combat pour la royauté du monde au terme de dix années d’intenses batailles.

Le vainqueur impose toujours sa loi au vaincu, même chez les dieux. Atlas et Ménœtios, deux frères de Prométhée, furent sévèrement punis par le nouveau roi de l’Olympe. Le premier dut porter éternellement sur sa tête la voûte du Ciel, quant au second il fut foudroyé sans autre forme de procès.

En tant qu’unique représentant de l’ancien  monde, le monde des origines empli du désir créateur d’Ouranos et de la corporéité divine de Gaïa, Prométhée tourne en rond et s’impatiente. Sa place, il ne la trouve pas dans cette Olympe trop conservatrice à ses yeux, trop occupée à des affaires de cœur, à des jalousies mesquines, à des trivialités indignes de la force créatrice qui coule dans ses veines et léguée par ses grands-parents. Aussi ne tarde-t-il pas à fomenter une nouveau scandale cosmique lorsque Zeus se mit en tête d’imposer aux hommes la suprématie des dieux. En effet, du temps de Cronos, les hommes et les Titans mangeaient à la même table, partageaient les mêmes mets, discutaient dans les mêmes assemblées. Zeus voulut mettre un terme à cet age d’or en imposant aux êtres humains la suprématie divine. À Mykonos il les rassembla et institua le sacrifice rituel afin de séparer la part des dieux de celle des hommes. Chargé de la division d’un superbe bœuf égorgé sur l’autel, Prométhée fit deux parts à répartir entre Zeus et les humains. D’un côté il posa les chairs, les intestins et les morceaux les plus gras qu’il empaqueta dans la peau de l’animal sacrifié ; de l’autre il rassembla ses os blanchis et les recouvrit d’une belle graisse bien luisante. Puis, non sans arrière-pensée, il demanda à Zeus, à tout seigneur tout honneur, de choisir la part qui lui semblait la plus appétissante. Attiré par la blancheur immaculée de la seconde part l’Olympien la saisit à pleines mains… et n’y trouva que des os dénués de toute chair. Furieux de s’être ainsi laissé floué par Prométhée, Zeus décida d’une redoutable mesure de rétorsion. Il décida sans autre forme de négociation de ne plus envoyer le feu sur le frêne. Qu’adviendrait-il des hommes privés de la flamme ? La mort n’allait-elle pas sceller leur destin ?

C’était sans compter sur les ressources du Titan en passe de devenir un bienfaiteur de l’humanité. Avec un peu d’argile tiré du lit d’un fleuve voisin il façonna de ses mains une forme humaine et demanda à Athéna de lui insuffler la vie. Elle accepta cette requête d’autant plus volontiers que c’était une vieille amie du Titan. Mais à ces hommes-là, doués du souffle, il manquait toujours le feu. Que faire ? Rusant une fois encore, Prométhée s’éleva jusqu’au ciel et vola une étincelle de feu en approchant sa torche de l’ardent soleil. Une braise il détacha, et il l’enfouit dans le creux d’une tige de fenouil avant de la donner aux hommes. Grâce à ce feu volé, l’humanité développera bientôt les arts, les sciences et toute la civilisation.

Zeus, fou de rage de voir son châtiment ainsi détourné, décida d’en finir une fois pour toutes avec ce fauteur de troubles qui ne manifestait aucun respect pour l’ordre des choses, son ordre à lui bien sûr. Avec le concours des autres dieux et déesses il fabriqua la première femme. Car à cette époque reculée de notre histoire seuls les hommes de sexe masculin existaient. La belle, la magnifique Pandore naquit des mains habiles des divinités de l’Olympe. « Celle-qui-possède-tous-les-dons », c’est son nom, fut envoyée sur terre avec, dans ses bras, en guise de cadeau des dieux, une mystérieuse jarre scellée. Sa mission ? épouser Prométhée et lui confier le présent en guise de cadeau de mariage. Mais c’était sans compter une fois encore  sur l’impertinence de « Celui-qui-prévoit ». Faisant honneur à son nom il comprit aussitôt le secret de la jarre : il  décela tous les maux qu’elle renfermait. Sans hésiter une seule seconde il refusa la séduisante Pandore et conseilla à son frère Epiméthée, le seul survivant parmi ses frères, de l’imiter. Las ! Épiméthée n’eut pas la sagacité de son aîné. Fasciné par la Belle il finit par l’épouser, ouvrir la jarre et laisser s’échapper son contenu sur le monde des hommes. C’est ainsi que naquirent le travail, la maladie, la vieillesse, la folie, le vice, la passion… et l'espérance qui resta en équilibre sur le bord du vase.

Les hommes façonnés dans la glaise possèdent le souffle d’Athéna, le feu de Prométhée et le contenu de la « boîte » de Pandore. C’est là un cocktail incroyablement explosif pour qui sait lire le sens des symboles ! Et il suffit de peu d’imagination  pour comprendre que notre XXIe siècle matérialiste (la glaise) et inventif (le feu), oscillant sans cesse entre des inspirations merveilleuses pleines de sagesse (le souffle d’Athéna) et des attitudes barbares indignes de l’animal le plus vil (la jarre), réitère de manière radicale la geste prométhéenne. La conséquence mythologique de ce cocktail de glaise, de souffle et de feu sera le déluge qui engloutira tous les hommes créés par Prométhée, à l’exception d’un seul couple, Deucalion et Pyrrha. Or, ce déluge, ne sommes-nous pas occupé à lui donner figure de réalité « grâce » au dérèglement climatique ?  Travaillés par des mythologèmes inconscients ne sommes-nous pas occupés à façonner une nouvelle arche de Noé – l’équivalent biblique de Deucalion, le neveu de Prométhée – en envoyant dans l’espace un grand oiseau blanc contenant le savoir de l’humanité, un peu de sang humain pour la conservation du code génétique, et quelques autres babioles ? Cet oiseau-satellite, nommé Kéo, reviendra sur terre dans cinquante mille ans[2]. Après le Déluge ?

Mais avant de détailler l’analyse symbolique et de montrer comment les symboles sont vivants jusque dans nos actes les plus quotidiens revenons à Zeus, floué une fois encore dans sa tentative de se venger de Prométhée et de son incroyable irrespect de l’ordre établi. Cette fois s’en est trop ! Non content de l’avoir trompé lors du partage sacrificiel, d’avoir contourné le retrait du feu imposé aux hommes, le Titan se permet le luxe de refuser catégoriquement  le « cadeau » des dieux. Que faire de définitif, cette fois ?

La seule solution consiste à s’attaquer à la personne physique de Prométhée. L’olympien opte sans hésiter pour les grands moyens. Il demande à Héphaïstos, le divin forgeron qui apprête les armes et sculpte les bijoux des dieux, de confectionner de lourdes chaînes pour y immobiliser le Titan récalcitrant. Aussitôt dit, aussitôt fait. Prométhée est conduit sur le mont Caucase où il subira l’outrage des chaînes pendant, nous dit Hésiode, trente mille ans. L’indomptable orgueil du Révolté se transforme en injures bien senties vis-à-vis de l’injustice des dieux. Mais rien n’y fait. Zeus, non content de faire la sourde oreille, envoie son aigle dévorer le foie du prisonnier chaque jour durant, car l’organe repousse pendant la nuit. À ce supplice éternel Prométhée est condamné. Pour avoir défié les dieux et refusé l’assujettissement des hommes à ces mêmes divinités il endure une solitude et une souffrance sans fin.

Sans fin ? Pas tout à fait. L’heure de la délivrance approche.

Les gémissements de l’infortuné Titan passent de montagnes en vallées, leur écho arrive un jour aux oreilles d’Hercule, ce héros magnifique  que toute la Grèce révère pour son courage, sa force, son habileté… et surtout ses douze travaux réputés incroyablement difficiles.  Hercule est justement occupé à accomplir son troisième travail, la recherche des pommes d’or des Hespérides, ces pommes que d’autres traditions associent à la connaissance et à l’immortalité. Attiré par les gémissements il s’approche et voit la scène. Un aigle immense, de son bec acéré, a entamé le premier repas de sa journée, il se délecte du foie de Prométhée. Sans hésiter le héros sort une flèche de son carquois, vise soigneusement et abat l’envoyé de Zeus. Puis il s’approche du rocher fatal et libère enfin le prisonnier de ses chaînes. Pour ne point se dédire de son serment, ce qui lui aurait fait perdre la face, Zeus ordonne que Prométhée porte toujours au doigt une bague de fer où le chaton est un fragment de roche du Caucase, ainsi qu'une couronne de saule. Ainsi, le sens symbolique primant sur la réalité physique, Prométhée restera toujours attaché à son rocher.  Finalement Chiron, le centaure immortel, désirant la mort pour mettre un terme à ses souffrances, lui donnera son immortalité. C’est ainsi que Prométhée sera réintégré dans le royaume des dieux.

Le drame de Prométhée, son sens et sa force, se déploie sur quatre époques mythologiques, depuis la naissance du Monde jusqu’au terme du déluge en passant par la trahison envers Zeus et l’enchaînement au rocher caucasien. Cette histoire fondatrice nous conte aussi la création de l'homme et ses conséquences. Son analyse symbolique apporte un éclairage nouveau pour comprendre la nature de l’être humain, et, surtout, les dangers qui risquent de broyer la civilisation prométhéenne dans laquelle nous nous sommes engagés depuis un peu plus de deux siècles.

Cette histoire, tracée plus haut à grands traits, n’a de sens que si elle est scrupuleusement observée dans ses détails, dans la mesure du possible toutefois puisque les textes que nous possédons immortalisent une tradition orale ancestrale. C’est pourquoi nous allons questionner à nouveau les quatre grands épisodes de la geste prométhéenne afin de leur arracher quelques-uns de leurs secrets.



[1] Hésiode, Théogonie p 43-44 (folio, Gallimard 2001).

[2] Voir le site Internet du projet : http://www.keo.org

Inner Worlds, Outer Worlds – Part 1 – Akasha

Voici une vidéo remarquable, sous-titrée en français (aller sur CC pour régler la langue), sur les correspondances entre monde intérieur et monde extérieur. Une vision du monde profondément vécue qui rappelle à quel point la vie est aussi une danse. C'est la première d'une série de quatre publications faciles à trouver sur  www.innerworldsmovie.com. Les autres traitent de "la spirale", "du serpent et du lotus" et "au-delà de la pensée".

Les saints, les sages et les yogis qui ont regardé profondément au fond d'eux-même ont découvert un réseau d'informations et d'énergies qui relient toutes choses. Cette matrice sonore forme la racine du monde matériel objectif et des expériences spirituelles. L'Occident la connaît sous le nom de l'Ame du Monde.

Pourquoi réenchanter le monde ?

A vrai dire nul ne réenchante le monde, il s’agit seulement d’une question de regard. L’œil utilitariste rend la nature utile, la vision poétique la rend belle et lumineuse. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’améliorer notre savoir technique, il nous faut aussi découvrir un ordre sensé du monde et notre place dans celui-ci. Tel était déjà le programme de Descartes. Un projet dont seul le premier pas est en voie d’accomplissement, et avec quel brio ! Il faudrait aujourd’hui compléter cet immense succès qui nous conduit droit vers des déséquilibres psychologiques et planétaires mortels par un « Traité de la Mythode », une jolie expression que nous empruntons à Gilbert Durand. C’est-à-dire explorer le monde imaginal, cette réalité invisible qui est comme la racine céleste des choses visibles. En ces espaces inconnus fleurissent les mythes ; les légendes ; les sources d’inspirations des créateurs, des inventeurs et des mystiques ; les esprits des plantes ; les ondines et l’âme du Monde. Cet univers, que toutes les cultures, à l’exception notable de la notre, ont exploré à le pouvoir, pour celui qui le contacte, de susciter de la joie et de le transformer profondément. C’est à cette exploration que nous souhaitons consacrer ce site, sur la base de nos travaux en symbolisme, mais aussi en consacrant des espaces aux différentes initiatives qui « réenchantent le monde », que ce soit dans les arts, la politique, la littérature, l’économie, le développement intérieur ou la science.

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réenchanter le monde

 

Qu’est-ce qu’un symbole ? 

C’est un langage. Grâce à lui nos rêves nous parlent, la nature s’exprime, l’univers murmure. Le lecture symbolique est un formidable moyen pour entrer en contact avec les autres mondes, avec ces "énergies signifiantes" qui organisent notre vie quotidienne au moins autant que les forces mécaniques. La racine grecque sumbolon signifie « rassembler » et désigne un « objet de reconnaissance ». Le symbole est un pont entre le visible et l’invisible. Une fleur, une situation, un événement, un style de vêtement, une couleur, un mot, une lettre, un son, une parole, un geste, un rêve… tout est symbole pour celui qui sait voir ce qui transparaît derrière ce qui paraît. Pour l’esprit mécanique ces choses précédemment citées sont logiques et de l’ordre du démontrable. Pour le symboliste ces même choses existent afin de montrer quelque chose, car l’univers n’est pas seulement une immense horloge, c’est aussi un éternel dialogue où s’échangent en permanence des flux d’informations palpitantes.

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Gémeaux

Les Gémeaux

Curieux de tout, aspirant à tout voir, à tout faire, la personnalité Gémeaux se disperse très souvent dans des activités multiples.

Cela pourrait ressembler à un lâcher de petits ballons multicolores par une brise légère, à un feu d'artifice réalisé dans l'intimité d'un cercle d'amis. Ainsi, la curiosité des Gémeaux est-elle insouciance, légèreté, papillonnage, très différente de celle du Bélier qui va droit au but. Les jumeaux du zodiaque procèdent par petites touches, un pas à droite, un pas à gauche, un détour par-ci, un détour par-là, jusqu'à ce qu'ils arrivent à leurs fins. L'être transforme sa vie en une aventure au quotidien, il va à la découverte de son milieu physique, émotionnel et intellectuel en testant les différentes possibilités, mais aussi les limites essay writer is easier than never. Contrairement au Sagittaire - signe opposé - il se sent peu attiré par le monde lointain des idées philosophiques et de l'exotisme culturel. Il a besoin de comprendre le kaléidoscope du réel qui affleure dans "l'ici et maintenant". Chaque événement, même le plus insignifiant, suscite en lui une avalanche de questions entraînant avec elles une kyrielle de réponses possibles. L'être s'ingénie à suivre les mille chemins du monde où il vit, en croyant naïvement qu'il suffit d'en démonter le mécanisme pour le connaître. Aussi ne cesse-t-il de faire des découvertes extraordinaires... pour lui seul, tel l'enfant émerveillé portant son regard pour la première fois sur une fleur.

gemeaux

Sa joie consiste à découvrir des choses auxquelles il n'avait encore jamais pensées. Il imagine des scénarii à partir d'idées éparses prises ça et là. Le cheminement de ses processus mentaux n'est évident que pour lui seul, il est l'inventeur des associations d'idées, le sportif émérite du neurone... Cependant, son mental s'appuie sur le sens des réalités tangibles développées dans le signe du Taureau. Les idées qu'il manipule le concernent directement, il se réfère aux expériences de sa vie quotidienne, s'occupe de ses problèmes, élabore des cadres de références conceptuels personnels. Il tisse ainsi la toile de ses idées et l'attache solidement au rocher de l'expérience afin que la personnalité, encore potentielle, puisse s'épanouir en un lieu sûr. Aussi n'est-il pas surprenant de constater que les mots sont aux Gémeaux ce que les objets sont au Taureau : un outil de valorisation de soi, un moyen de s'étendre, et devenir plus que lui-même. Dans la langue des oiseaux, le NOM s'oppose au MON, tout comme le Gémeaux polarise et inverse l'énergie du Taureau. Pour lui, le langage est un jeu, il s'amuse à assembler les mots pour jouir de leurs consonances rares ou originales. Or nommer une chose c'est la connaître, la définir dans notre conscience. De cette façon, nous pouvons l'objectiver, la mettre dans une catégorie connue et ainsi court-circuiter les valeurs archétypales inconscientes auxquelles elle se rattache. Elle ne suscite plus la peur. C'est le poète piégeant l'imaginaire et le fantasque dans le filet des mots afin de transformer l'univers hostile et mystérieux de sa psyché en un lieu connu et familier. Les Gémeaux, par le jeu des mots et le jeu de mots, apprivoisent leur environnement. Par-delà cette curiosité qui les caractérise si bien, il y a un profond désir de se protéger de l'emprise de l'objet et de la sensation telle qu'elle fut expérimentée en Taureau. L'individu comprend peu ses sentiments profonds, il intercale le verbe entre lui et l'intimité qu'il n'ose établir avec lui-même ou avec l'autre : "je sais qui tu es, comment tu t'appelles, je suis donc différent de toi, je peux t'objectiver, mettre une barrière entre ma nature encore incertaine et ta présence".

La personne sensibilisée aux énergies Gémeaux apparaît comme une éternelle adolescente, l'esprit toujours en alerte, accompagné d'une pointe de naïveté. Elle se regarde agir, s'observe, dialogue avec elle-même, se raconte des histoires drôles. Lequel de ses nombreux moi est-elle vraiment ? Grossièrement, il existe deux types de Gémeaux, selon que le thème indique une dominante extravertie ou introvertie. Dans le premier cas, l'être accentue le côté mental de sa personnalité. Il peut afficher un certain cynisme, une ironie mordante, de telle sorte qu'il ferait un parfait pamphlétaire, à moins qu'il n'apparaisse sous les traits d'un petit lutin, l'œil pétillant de malice, amoureux des farces et des calembours. Les Gémeaux introvertis sont aux prises avec une sensibilité à fleur de peau : on ose à peine l'effleurer de peur de la blesser. Il traverse parfois des périodes de morosité sans bien savoir pourquoi. En effet quelque soit la dominante du thème, un des problèmes-clés de ce signe est de reconnaître les sentiments et les émotions qui l'habitent. Il peut se sentir complètement paralysé lorsqu'il se trouve contraint à exprimer directement son affectivité. Il s'en tire généralement par une pirouette intellectuelle, à moins que ce ne soit par une remarque tranchante qui coupe court à toute discussion. C'est peut-être le signe du zodiaque le moins porté à l'introspection émotionnelle. Cependant, il sent intuitivement que, au-delà de celle-ci, existe un lieu de lumière pure débarrassée des ombres de ce qu'il nomme parfois la "sensiblerie" humaine.

Gémeaux:Photo

Il possède une remarquable faculté d'adaptation et établit facilement des contacts avec tout le monde. Sa vivacité d'esprit le rend apte à saisir instantanément la teneur du discours de l'autre et à y répondre du tac au tac. Une telle facilité de compréhension conduit quelquefois la personnalité à s'intéresser à une multitude de sujets sans jamais rien approfondir. Trop confiante en ses facultés intellectuelles, elle ne peut se concentrer longtemps sur un problème sans en éprouver de l'ennui. La diversité, les expériences multiples et toujours renouvelées sont une condition sine qua non à sa joie de vivre. Un des mots-clés de ce signe pourrait être "instabilité". Contrôlée, elle est la garantie d'une riche moisson d'expériences ; non contrôlée, elle est la source d'un papillonnage pouvant aboutir à un sentiment de fragmentation de la personnalité et par suite, à un épuisement nerveux.

La personnalité s'étend grâce au nombre de ses relations. En d'autres termes, la sensation intime de son importance est proportionnelle à la densité et à l'étendue du réseau de connaissances dont il est le centre. Très souvent, il parle plus qu'il n'écoute, et n'a que faire des projets sociaux et des théories intellectuelles qui n'ont aucune incidence sur sa vie. Il se meut dans la bulle de son environnement, plus ou moins large selon le niveau du vécu, en explore toutes les circonvolutions, en démonte tous les mécanismes, note, classifie, ordonne selon ses concepts personnels, expérimente... Puis, saturé de vagabondages, il daigne tourner son regard - et non son cerveau ! - à l'intérieur de lui-même. Il réalise alors que sa motivation la plus inavouée est la recherche de l'âme-sœur qui abolira la dualité qui le partage et le disperse sans cesse.

Il devient alors de plus en plus conscient qu'il en est du savoir comme de l'énergie électrique ou de l'énergie nerveuse : on ne peut le stocker ! Afin de conserver ses découvertes, il peut être tenté d'écrire. Il consignera dans un journal ses expériences personnelles ainsi que toute association d'idée nouvelle. Cela est également pour lui un bon moyen d'acquérir une plus grande stabilité. Ce monde intellectuel, tout frémissant de l'instant présent, commence ainsi à s'inscrire dans la durée. Mais si les paroles sont éphémères, les écrits se vident par perte du sens. On peut stocker des signes, mais pas la signification dont ils sont porteurs. C'est ainsi que le troisième signe achève la mission dont il est investi en préparant le terrain à l'étape suivante : le Cancer. Après avoir découvert la multiplicité du réel, rayonné et raisonné en son sein, tenté de le fixer en un éternel présent, la personnalité Gémeaux qui a usé de tous les possibles, aspire maintenant à une tâche nouvelle : approfondir et laisser mûrir cette riche moisson sur la base d'une union conjugale exclusive.

Vidéo sur les Gémeaux

Taureau

Le Taureau

Ce signe se manifeste ici sur un mode de sensorialité pré-rationnelle. L'être perçoit le monde par le flair, d'une façon très physique, bien plus que par la raison. L'individu "sent" instinctivement ce dont il a besoin sans se donner la peine d'analyser les situations : il possède un "bon sens" naturel très sûr. L'élan du Bélier devient enracinement, la spontanéité se mue en puissance. Les ardentes flammèches de l'origine perdent leur liberté d'expression en entrant dans la substance. En d'autres termes, l'être acquiert une secondarité de réaction. Il s'efforce de réaliser ses objectifs de façon aussi parfaite que possible, d'où un certain nombre d'hésitations avant de se lancer dans un projet examples on stem cell research help. Il peut également vérifier et re-vérifier longuement et avec minutie le travail déjà réalisé afin de se rassurer sur sa qualité.

taureau

L' être réceptif aux inergies "Taureau" juge choses et gens en fonction de la sensation de bien-être qu'ils lui procurent. En conséquence, la personnalité de ce type doit lutter contre une certaine inertie, contre une tendance naturelle à se laisser vivre dans un égoïsme confortable. Ce signe de terre attache de l'importance aux valeurs concrètes, il éprouve une nécessité profonde de s'enraciner dans le réel afin de trouver stabilité et nourriture. Point d'envolées philosophiques ni de problèmes métaphysiques : ce qui est est. La personnalité aime, par exemple, se sentir bien dans ses meubles (généralement robustes et rustiques) ou se promener sur ses terres, riches et cultivables. L'inergie Bélier, toujours présente, est simplement recouverte d'un manteau qui la canalise en vue de la réalisation d'un but utile. En effet, ce signe attache beaucoup d'importance à la grandeur du labeur, au travail bien fait. Les préoccupations peuvent être "organiques" et, par exemple, induire chez la personne un intérêt prononcé pour la nature et les problèmes écologiques, ou encore un goût particulier pour les plaisirs de la table et les nourritures simples. Si le but est social, l'être coopère avec d'autres, il démontre une grande capacité de travail, une patience à toute épreuve, il fait preuve d'endurance, de résistance physique et psychique, mais aussi d'entêtement et d'obstination si des obstacles se dressent devant lui. Lorsque le soleil franchit les premiers degrés de ce signe, le feu du Bélier n'est pas encore totalement apprivoisé, il "couve sous la braise" et éclate quelquefois en de violentes colères. La personnalité, mue par de puissantes passions, est capable de remettre en cause, sur un coup de tête, des résultats patiemment acquis.

L'être chez qui les inergies Taureau prédominent a besoin de se sentir propriétaire pour se sentir être, il découvre son identité à travers ce qu'il possède. L'étendue de sa personnalité est à la mesure de celle de ses biens... des biens dont il lui faut palper la réalité concrète ! Souvent son sentiment de sécurité est tellement identifié à ses possessions qu'il éprouve beaucoup de difficultés à accepter le moindre changement. A l'extrême, il proclame : "j'ai toujours été comme cela, je ne changerai jamais". Il se sent blessé dans sa propre chair si quiconque entreprend de toucher à ses acquis. Le besoin de posséder représente une expérience indispensable à la construction de sa personnalité.

Taureau

Le trait de son tempérament le plus caractéristique est une forme de respect inconditionnel de la vie et de la nature qui peut le conduire au don de l'amour universel. L'être "sait" instinctivement que la matière est "grosse" de la vie. Au niveau individuel, il œuvre patiemment pour révéler au monde le secret intime de l'objet : la beauté. Puis, plus tard, il le percevra comme le manteau radieux de la Divinité.

L'inergie sexuelle et la possessivité sont deux qualités-clés de ce signe. Toutes deux trouvent leur résolution dans le signe opposé, le Scorpion. Au niveau socio-culturel, la sexualité a un but utile, procréateur, celui de la venue au monde d'un enfant afin que puisse se construire dans le Cancer, un foyer : elle est instinct de reproduction. Au niveau individuel, elle représente une inergie capable de mettre en contact le "petit soi" avec le Soi : elle relie la personnalité à l'âme. Au niveau spirituel, elle devient pouvoir créateur. L'artiste du Taureau est avant tout un sensitif qui perçoit au plus profond de sa chair l'harmonie et la beauté. Ses domaines de prédilection peuvent être la poterie ou la peinture... et plus généralement toutes les disciplines liées au sens du toucher, représentatives de la plasticité de l'objet. Les œuvres d'art ne sont pas forcément réalistes, mais elles expriment toujours la puissance et la densité du réel. Ainsi, l'artiste de la Balance sera plus sensible à l'harmonie des couleurs alors que le Taureau vibre à l'unisson d'un bleu ou d'un vert particuliers.

La personnalité se construit et s'affirme progressivement au fil des rondes zodiacales. A l'étape Taureau, elle va tout d'abord à la découverte de la matière, de son corps et de ses besoins biologiques. Elle expérimente toutes les sensations que procure la jouissance de la matière. Puis, socialement, elle se construit une identité en développant un statut de propriétaire. Au niveau individuel, la personnalité réalise que si la possession fût une aide, elle est à présent l'entrave. De profonds bouleversements s'annoncent. Le Taureau devient alors le signe de la mort de la forme afin que le désir puisse céder une place croissante à l'aspiration. Essayons de définir le sens attribué à ces termes :

Le désir est l'attrait de la personnalité pour le monde extérieur "objectif". Dans le Bélier, c'est le désir pour le désir. Dans le Taureau, c'est le désir pour la satisfaction du désir. L'aspiration se manifeste lorsque la personnalité tourne son regard vers l'intérieur, vers la "vie", ou vers l'âme qui incorpore sa matière. Dans ce cas, elle acquiert une puissante volonté capable de renverser les montagnes. Cependant, celle-ci peut être mise au service de l'ego : il s'ensuit alors des personnalités qui bouleversent tout sur leur passage, hommes-bulldozer aux idées bien arrêtées. Il est particulièrement difficile de leur en faire changer, pour le meilleur comme pour le pire, car ils se sentent guidés par une profonde conviction intérieure et un besoin inconscient de domination, de modeler l'univers selon leurs désirs. Positivement, la formidable inergie taureau, précédemment orientée vers la recherche d'un bien-être organique, est maintenant utilisée consciemment pour concrétiser les idées-semences du Bélier. Tel fut le cas de Karl Marx, avec le Soleil, la Lune et Vénus dans le Taureau, l'ascendant est en Verseau.

Lorsque l'individu n'est pas occupé à remodeler la matière mentale, émotionnelle ou physique de son environnement, il s'oriente tout entier dans un effort de fusion avec le Soi. Citons Pierre Teilhard de Chardin et Jean Marie Vianney (curé d'Ars) qui ont respectivement six et quatre planètes dans le signe du Taureau. Nous observons alors un effort de spiritualisation de la substance. En effet, Teilhard de Chardin considère que la matière couve une puissance spirituelle. Par une ascèse de détachement, il parvint à déchiffrer en filigrane, à travers le cosmos, la figure divine du Christ. Si l'on accorde quelque crédit à la tradition spirituelle de l'humanité, il semble que Bouddha reçut l'illumination à la suite d'une pleine lune de mai. Or, le Bouddhisme est essentiellement une philosophie qui éveille l'être à la façon de réorienter le désir et d'éliminer la souffrance. Sa profonde sagesse sur la nature et l'impermanence du réel conduit au détachement et à la découverte d'un centre de conscience indépendant. Ainsi, les valeurs du Taureau (permanence de la substance, beauté, richesse...) sont relativisées. La personnalité ne s'y identifie plus. En d'autres termes, Bouddha indiqua, six siècles avant notre ère, comment réaliser ce changement de centre de conscience, de quelle façon transmuer le désir en aspiration. Quoi qu'il en soit, que l'option choisie soit une transformation des valeurs matérielles (Marx) ou un détachement de celles-ci (Bouddhisme) le sujet de préoccupation de l'être reste le même.

Vidéo sur le Taureau

Le Bélier

 

Le Bélier

"Désir" est ici le mot-clé. Non pas le désir du Taureau , qui est volonté de posséder et de conserver, mais le désir de désirer. Peu importent le but ou les résultats de l'initiative, l'important est de se sentir porté, soulevé, enivré par l'expérience même de l'impulsion qui passe à travers soi : l'être se donne tout entier à la jouissance de la vie qui le traverse. L'action, la vitesse, le sport, ne sont que des moyens par lesquels il expulse le trop plein d'inergie qui bouillonne en lui. Rien n'épuise plus le Bélier que le repos. Ce signe est celui des multiples recommencements : que le désir soit satisfait ou abandonné pour cause d'inaccessibilité immédiate, l'activité s'exprime en dents de scie. Tantôt enthousiasme et passion sont les mots-clés de son existence ; tantôt il recule, las de devoir toujours aller de l'avant et tout à coup incertain de ses propres motivations. Cette attitude de "moi d'abord", ponctuée de périodes de doutes, apparaît paper format includes introduction, results, vue de l'extérieur, comme de l'égoïsme, mais il s'agit d'un égoïsme inconscient, l'être étant tout entier plongé dans la subjectivité. Les trois signes de Feu présentent ce caractère individualiste : Le Bélier est mû par un "égoïsme sacré".

belier

Il pressent au fond de lui-même qu'avant de tenir compte des autres il doit construire sa personnalité - coûte que coûte. C'est un égoïsme par excès d'inergie. Le Lion manifeste un égoïsme de type "moi-je". Persuadé de l'unicité de sa personnalité, il s'affirme. Il s'agit d'un excès de conscience de sa propre valeur. L'égoïsme du Sagittaire est plus subtil. Il tend à enfermer les autres dans une vision du monde qu'il démontre de façon implacable. Il comprend ses compagnons, mais peut combattre leurs idées avec la plus grande intolérance. Porté par les ailes du désir, le Bélier se construit une personnalité. Il cherche sa voie en exagérant son indépendance et ses revendications. Ses paroles sont franches et directes, quelques fois involontairement blessantes car il en mesure mal la portée. Peu enclin à la diplomatie, il a tendance à dire ce qu'il pense, peu importe si on le lui demande ou non. Il apporte avec lui la fraîcheur de la spontanéité, la puissance de l'authenticité. Mais aussi l'étincelle qui embrase les situations délicates. Au fond de lui-même le Bélier ne sait pas très bien qui il est, d'autant plus qu'il ne prend que rarement le temps de s'arrêter pour regarder vers l'intérieur. Cette situation est symbolisée par les deux hyperboles du glyphe : l'une se dirige vers la gauche, en direction des Poissons ; la seconde, orientée vers la droite, indique la recherche perpétuelle de nouveaux possibles. Dans le premier cas l'être ressent confusément une attirance vers le passé, un désir inconscient de se réfugier dans la sécurité d'une famille ou d'un groupe qui rayonne chaleur et protection. Au fond de lui-même le Bélier sait intuitivement que sa quête effrénée d'aventures est la meilleure façon de se protéger de son passé. L'inactivité signifierait pour lui un retour dans les brumes de la confusion émotionnelle. Au pire, il peut développer certaines qualités de médiumnité ou imiter inconsciemment les comportements de son compagnon ou de sa compagne dans une recherche désespérée d'identité. Tout cela signe une réceptivité non contrôlée à l'inconscient collectif symbolisé par les Poissons. Dans ce cas, dans l'intimité de son cœur, l'être mû par des inergies Bélier sait que ses exigences d'indépendance - et d'égalité avec les hommes s'il s'agit d'une femme - sont incertaines et fragiles. Sa plus grande angoisse est d'être dévoré par un passé auquel il échappe en se jetant dans de nouvelles passions et dans de nouvelles revendications. Le Bélier a constamment besoin d'être rassuré et soutenu de l'extérieur, tout en voulant croire de toutes ses forces à l'illusion de son indépendance. Il recherche un personnage idéal auquel il puisse s'identifier, qui puisse lui donner une raison de vivre. S'il se sent épaulé il est capable de toutes les audaces, dans le cas contraire il hésite entre la nostalgie et l'aventure, le romantisme et la passion, la sécurité prison et l'incertitude de la liberté. Puis, devenu conscient de sa puissance, l'être commence à créer et à entreprendre, il se lance dans les affaires, s'investit dans une association, ou devient le chevalier d'une noble cause, selon le contexte thématique. Dans tous les cas il aspire à une réussite qui le mènera loin du contexte traditionnel de sa jeunesse. S'il adopte les modes de vie imposés par la collectivité, c'est que ceux-ci représentent une commodité pour arriver à ses fins. Mais il est très capable d'une subite volte-face et de brûler ce qu'il a jadis adoré.

Bélier

Rien ne l'empêche de défendre avec acharnement et conviction un idéal pendant une partie de sa vie, cependant si celui-ci ne répond plus à son attente il peut le laisser choir et s'engager tout aussi passionnément dans une autre aventure. A présent le désir n'est plus une sollicitation confuse du monde extérieur mais une aspiration à se réaliser en tant que personne. L'individu cherche à incorporer en lui les qualités de l'Homme Idéal qu'il admire chez d'autres. Ces êtres sont constamment dans le feu ; partout où ils vont ils apportent purification et inergie, stimulent leur environnement, lancent spontanément des idées, initiatrices de nouvelles aventures. L'aventure - physique, émotionnelle, ou mentale - devient son leitmotiv car, par ce moyen, il sent l'inergie vivifiante de l'Univers couler en lui. La tradition associe à chaque signe du zodiaque une partie du corps : la tête pour le Bélier. Cela signifie que l'inergie du signe se focalise particulièrement dans et par ce lieu, ainsi que la fonction qu'il symbolise. A un niveau superficiel on lira qu'il est sujet aux accidents à la tête (coups, rupture d'aponévrose, éventuellement forceps à la naissance) en raison de la tension à laquelle celle-ci est soumise. A un second niveau, la tension n'est plus extérieure mais intérieure. La tête est le berceau des idées, là où naissent les pensées semences. Devenu conscient de l'inergie du signe sur le plan physique (vitalité, capacité de passer à l'action) et sur le plan émotionnel (diriger le désir vers un but), il lui reste à l'apprivoiser sur le plan mental. Ce sont les fameuses cavales mangeuses d'hommes du mythe d'Hercule. Les pensées non contrôlées dispersent l'inergie de l'être, éparpillent son sentiment d'intégrité. A cette phase de son développement il devrait apprendre à cultiver le silence et se rappeler sans cesse cette remarque de William Thackeray : "Sème une pensée, tu récolteras une action ; sème une action, tu récolteras une habitude ; sème une habitude et tu récolteras un caractère ; sème un caractère et tu récolteras une destinée." Le contrôle conscient du mental ouvre la porte du royaume spirituel, l'être entre alors en contact avec l'inergie pure du signe qui est Vie et Amour se manifestant au moyen de l'Idée. Chaque pensée-semence apporte avec elle la puissance d'impact nécessaire à sa croissance et l'amour nécessaire à son intégration dans le monde. Le processus-clé est ici celui de la Résurrection. Dans la nature le Feu du Bélier éveille et stimule l'Étincelle de Vie de chaque forme et la pousse à progresser. Du point de vue spirituel il s'agit peut-être du signe de plus grande liberté - et de plus grande incertitude ! C'est le moment où l'appel de l'âme au renouveau de la personnalité est le plus pressant. La pression exercée sur cette dernière est si intense qu'elle se sent littéralement contrainte par la toute puissance du désir divin. Du point de vue de l'âme, l'équinoxe de printemps est la période du cycle annuel qui lui offre la plus grande liberté, le moment où elle peut potentiellement insuffler une nouvelle étincelle de vie au sein de l'être en incarnation.

Vidéo sur le signe du Bélier

L’entreprise icarienne

L'entreprise, se sont avant tout des individus. Or l'individu est à la fois un être rationnel et un être symbolique. Quelque soient ses objectifs les deux voies sont toujours indissociables et intimement mélangées. Si je désire une voiture c'est à la fois pour des raisons rationnelles (me déplacer) et symboliques : la voiture est aussi l'expression de ma propre valeur, de ma réussite, une manière d'afficher l'image ma personnalité. La voiture doit donc être à la fois efficace, rapide, économique et esthétique, puissante, confortable.

Nos sociétés occidentales ont développé depuis trois siècles des outils physico-mathématiques extrêmement performant pour maîtriser et appliquer les lois du monde physique régi par la rationalité. D'où notre extraordinaire savoir-faire en termes d'infrastructures, de ponts, de téléphones, de voitures, de cartes à puces, de grattes ciel et autres merveilles technologiques.

Il  nous manque encore la connaissance des lois du monde symbolique pour prendre en charge et déployer l'aspect esthétique, l'aspiration à la beauté et au sens, de la nature humaine. Une entreprise qui saurait répondre à ces aspirations, loin d'être défavorisée dans la course à la compétitivité, serait immédiatement reconnue comme nouvelle et, répondant aux besoins du plus grand nombre, fructifierait en dehors du système actuel. Un système devenu mécanique et robotisé à force de rationalité.

Nous vivons dans un univers économique extrêmement efficace qui a éradiqué les famines et les épidémies, qui donne à certains beaucoup plus que leurs besoins. Mais nul ne sait où va ce système, beaucoup ont l'impression d'être l'otage d'une machine soudain emballée qui roule pour elle seule.

Aveuglément. Elle distribue richesse et facilités à tous ceux qui ont su ou pu se placer au bon endroit au bon moment comme le suggère la spéculation boursière. A tel point que la question n'est plus de savoir s'il faut ou non aller vers la mondialisation de l'économie : c'est un fait qui est en marche, que nous le voulions ou non, imposé par l'histoire et ses aléas.

La question serait plutôt de savoir de quelle mondialisation nous voulons, et quel sens nous voulons lui donner. Il faudra peut-être un jour inverser les priorités : le sens devrait gouverner l'économie. Aujourd'hui c'est la richesse économique, individuelle et collective, qui donne sens à nos vies et à nos efforts.

L'entreprise icarienne, c'est une entreprise qui se construit des ailes pour échapper au labyrinthe infernal des chemins de traverse ne conduisant nulle part, pour s'évader de ces itinéraires touffus, semblables aux circuits financiers, semblables aux parcours des marchandises sur le globe, semblables à la multiplicité des "idées" et des "conseils" qui, sous couvert de nouveauté, promettent des ersatz d'autoroute pour sortir de la complexité.

L'entreprise icarienne, c'est aussi une entreprise qui ne se brûle pas les ailes au soleil de midi, car elle connaît son rôle et son sens au sein du plus grand tout où elle produit et dont elle dépend. Evitant ainsi de se croire à l'image Dieu (ou de la vérité, ou de la pensée dominante, ou le héraut d'un système idéologique) elle évite la chute. Une banque prête et reçoit des capitaux : pour qui ? pour faire quoi ? quelle image de la société défend-t-elle inconsciemment (ou non) ? Bref! avant de se servir, à quoi sert-elle ? La NEF est un bon exemple de banque qui annonce aux épargnant à quoi sert leur argent. Un producteur d'électricité doit, certes, fournir la population en énergie. Est-ce suffisant ? Que signifie "alimenter le corps social en énergie ?". L'industrie nucléaire, par exemple, ne devrait-elle pas se pencher sur la teneur symbolique du mythe de Faust pour comprendre son identité, les peurs irrationnelles qu'elle soulève, les réels dangers qu'elle fait encourir à l'humanité et enfin les conditions pour ne pas être broyée par son aventure faustienne ? Le développement de la métaphore du fonctionnement du corps humain avec le cœur (biologique / nucléaire) qui pulse la force vitale (sanguine / électrique) vers toutes les cellules du corps (physique / social) n'enrichirait-elle pas AREVA en lui fournissant de nouvelles valeurs sur la manière de concevoir son travail ?

L'entreprise icarienne c'est une entreprise qui connaît et honore son identité et sa mission. celles-ci conditionnant et soutenant sa notoriété et ses productions. Un marchand de salades qui sortirait de la "logique financière"- plus expressément de la folle spirale concurrentielle qui anime notre société - pourrait-il encore vendre des produits emplis de pesticides, d'engrais chimiques, d'insecticides et autres poisons violents ? Combien de paysans ont leur jardin "bio" pour leur consommation personnelle à côté de leurs champs "industriels" dont les produits sont réservés à la vente ?

Une entreprise icarienne, contrairement à une entreprise libérale, ne vit pas sur un seul niveau de réalité car elle comprend que, créée par et pour des hommes, elle se doit de résonner avec la nature humaine dans sa globalité, une nature physique mais aussi émotionnelle, mentale, spirituelle....

Une entreprise icarienne, contrairement à une entreprise libérale, ne s'échine pas à parcourir le plus rapidement possible les chemins complexes de la concurrence pour monter sur la plus haute marche du podium du profit. Ayant réalisé sa note, étant fermement en accord - au sens musical - avec l'idée directrice qui l'anime, elle comprend l'importance de la coopération pour accomplir ensemble une mondialisation non concurrentielle.

Une mondialisation qui serait comme une symphonie où chaque entreprise aurait sa partition à jouer, mais où aucune ne répéterait indéfiniment le même morceau en laissant croire au public hypnotisé qu'il s'agit là du véritable chant de la Terre! Nous parlons par images, mais comment faire autrement ? La vision précède toujours la réalisation. Dire ou tenter de dire d'une manière non métaphorique ce que devrait être la mondialisation serait une gageure car, ici comme ailleurs, l'avenir se construit par épigénèse.

La forme de la civilisation mondiale dans cinquante ans est à peu près imprévisible. Mais ce qui est prévisible, ce qui est laissé à notre volonté, c'est le filum de sens sur lequel l'humanité va s'accorder - toujours au sens musical ! - pour réaliser l'unité planétaire. Si ce mythe est darwinien alors les cinquante prochaines années seront marquées par la victoire des tenants de la lutte pour la vie, de la concurrence, du non sens généralisé érigé en justification d'un pouvoir sans limites des uns sur les autres.

Peu importe à vrai dire de qui sur qui. Si le mythe est icarien et orphique, s'il inclue la multidimensionnelle de l'être humain, s'il reconnaît la complémentarité des savoirs technologique et symboliques - de la science et du sens -, alors les cinquante prochaines années seront telles. Tout cela ne dépend pas de notre savoir-faire, de nos prouesses technologiques, d'une invention nouvelle, mais de quelque chose de beaucoup plus simple à la portée de chacun : du regard que nous portons sur le réel.