À quoi servent nos cinq sens ?

À quoi servent nos cinq sens ? (extrait du Parchemin magnifique vol. 5 : les cinq sens)

Dans un premier temps, les cinq sens préparent et servent la sexualité du petit bassin. Le baiser sur la bouche dit le désir des petites lèvres et du pénis métaphorisé par la langue ; l’odeur de la peau confirme plus sûrement que n’importe quelle déclaration enflammée la compatibilité amoureuse ; le timbre de la voix est un puissant outil de séduction et se regarder les yeux dans les yeux ouvre la relation amoureuse vers l’indicible. Dans un deuxième temps, les cinq sens servent le ventre avec ses besoins de sécurité et de reconnaissance. Écouter, voir, parler, toucher et renifler préviennent des dangers. Chaque sens sert l’instinct de survie et les besoins de protection fondamentaux de tout être vivant : l’oreille se met aux aguets, la parole s’enroule comme une seconde peau qui protège le sujet d’un contact direct avec l’autre, parfois jusqu’à l’enfumer ; les yeux scrutent les changements et déjouent les mauvaises surprises ; le contact avec des mains amies rassure tout en maintenant une distance. C’est seulement dans la psychologie du ventre que s’applique pleinement la « logique du miroir » devenue si à la mode dans notre société de consommation : parler pour être vu, écouter pour être aimé, toucher pour se sentir exister, regarder pour se reconnaître dans l’œil de l’autre. Plus tard, lorsque la conscience-énergie se posera dans l’espace cardio-pulmonaire, ces facultés se retourneront vers l’intérieur. Elles se métamorphoseront en intuitions et en sentiment d’unité avec le non-moi. Car nos sens ont aussi des contreparties immatérielles, si peu développées dans l’humanité moderne ! Le sujet avec un cœur ouvert et un cerveau au repos « touche » la présence de son/sa bien-aimé(e) quelle que soit la distance qui les sépare ; de nombreux saints furent gratifiés du charisme d’osmogénésie : ils marquaient leurs présences par des parfums qui émanaient naturellement de leur corps. Padre Pio est un bon exemple de ce phénomène olfactif. Côté audition, Beethoven « entendait » les sons de ses futures symphonies avant de les offrir au papier et, pour la vue, Swedenborg « vit » à plusieurs centaines de kilomètres de distance le grand incendie de Stockholm du 17 juillet 1759, au moment précis où la ville s’embrasait[1]. Les sens de celui qui s’identifie progressivement au Soi ne sont plus limités par l’espace ordinaire. Car la poitrine, ce repaire du divin en l’homme, est le lieu corporel où la conscience s’émancipe du réel objectif pour pénétrer dans le mystère du sacré.

Pourtant, malgré les services qu’ils rendent à la reproduction, à la sécurité du sujet et à la réalisation du Soi, nos sens ne se situent ni sur nos membres inférieurs, ni sur notre ventre, ni même autour du thorax mais bien sur la tête. Seul le toucher se répartit sur l’ensemble du corps. Utile mise en garde symbolique envers la fascination pour des expériences sensuelles où les saints eux-mêmes pourraient se perdre.

Nous explorons le symbolisme des cinq sens en suivant le schéma de la remontée le long du visage : d’abord le toucher, avec une peau délocalisée sur l’ensemble du corps, puis le goûter par la bouche, le palais et la langue ; sentir ensuite par le nez ; entendre au moyen des oreilles et enfin voir grâce aux yeux. Cette séquence qui va du toucher au voir est aussi celle des Éléments qui débute par le dense pour s’élever jusqu’au plus subtil : la Terre du toucher que le visage réunit autour du menton, un terme qui se traduit par « montagne » ; l’Eau de la salive et du goût ; l’Air chargé des matières fines flairées par le nez ; l’Air pur du Souffle faisant vibrer les tympans qui n’en conservent que le mouvement déjà immatériel et, finalement, le Feu de la lumière reçu par les yeux. La fréquence vibratoire des perceptions s’élève à mesure que nous montons le long du visage. La Terre solide du toucher précède l’Eau fluide du goût, puis viennent l’Air mélangé de la respiration et l’Air pur des perceptions auditives, finalement le Feu intouchable est reçu par la pupille. Posés dans cet ordre naturel, chaque sens de l’homme « voit » plus loin que le précédent : le toucher a besoin d’un corps à corps, une dizaine de mètres suffit à l’odorat pour apprécier une odeur, l’ouïe perçoit des sons jusqu’à une centaine de mètres et la vue élargit l’horizon des perceptions jusqu’à quelques kilomètres, parfois beaucoup plus loin sous un ciel étoilé.

Au cours du développement embryonnaire l’ordre de mise en route des sens suit la même séquence. Le fœtus déploie des perceptions tactiles à la fin du second mois, puis il acquiert simultanément le goût et l’odorat au cours du quatrième et ses tympans sont définitivement formés à six mois. Finalement ses paupières s’ouvrent et son œil devient sensible à la lumière au cours du septième mois[2].

En dernière analyse, il n’existe qu’un seul sens : le toucher. Les autres organes – œil, oreille, nez et bouche – sont des spécialisations de la peau destinées à toucher plus loin ou encore de manière plus fine et plus subtile. Tous conduisent à des sensations de plus en plus raffinées qui demandent, pour être appréciées, une sensibilité croissante. Nous appelons cela beauté ou laideur (vue), harmonie ou disharmonie (ouïe), agréable ou désagréable (nez), bon ou mauvais (goût) selon l’organe qui les génère. Ces informations ne deviennent des sensations qu’après être entrées dans le temple du corps et reconstruites pas le cerveau[3].

Se pose alors l’ultime et grande question à fleur de peau de tout être humain : celle de la transparence, de son identité consciente en relation avec le Tout. Pourquoi la transparence est-elle le pas ultime de l’évolution ? Parce qu’elle boucle l’aventure du vivant. Il y a longtemps, très longtemps, une première petite cellule se referma sur elle-même et se sépara pour toujours de son milieu. Comme tout ce qui vit sur la Terre, nous sommes ses descendants. Avec la transparence la séparation originelle prendra fin. Le sentiment d’unité d’abord perçu dans l’espace de la poitrine deviendra, dans la tête, une conscience de l’identité. En chemin, l’univers s’est construit une kyrielle de consciences séparées afin de se sentir sous tous ses angles possibles et s’éveiller à sa propre nature. Par exemple, côté vue, des milliards d’yeux humains et non-humains, comme les poissons dans les abysses, les mouches dotées d’une vue panoramique, les rats dans les champs et les astronomes derrières leurs télescopes, observent en permanence les plus fins recoins du réel. Et autant de nez le reniflent sans cesse, autant de bouches le dévorent sans modération afin qu’il connaisse son propre goût.  Pour accomplir cette grande boucle, pour que l’univers prenne conscience de lui-même, il lui a fallut élaborer des corps biologiques, puis des structures psychiques appelées « moi » et enfin un « Soi » capables de transformer l’immense richesse de sa nature en états de conscience.

Le corps ressemble à une pierre posée dans l’eau vive, traversé par le flux ininterrompu du temps ; le moi est le tourbillon de son courant et le temps s’organise déjà en rituels, habitudes et calendrier. Le Soi ressemble au fleuve, conscient de sa source et déjà avide de sa fin : le retour vers la grande mer qui unifie tout.

Selon les cultures et les époques, les sens firent l’objet d’une ascèse, d’un interdit ou d’une exacerbation hédoniste comme aujourd’hui en Occident. Pourtant, ils ne sont destinés ni au refoulement ni à la prééminence. Ce sont des médiateurs entre le moi et le non-moi, des outils qui aspirent à accomplir l’idéal de la peau : devenir transparente au monde, sans s’y perdre.

Chaque sens déploie un langage aux mille nuances. L’Homo Sapiens en a surtout développé deux : celui qui sort de sa bouche et celui qui entre par ses oreilles. Même si la parole et la musique furent de tous temps des moyens d’expression privilégiés de l’homme, ce ne sont pas les seuls possibles. Il y a encore le langage muet des formes et des couleurs, que nous appelons « le symbolisme » capté par les yeux, et le parler spécial des odeurs, si familier aux autres mammifères. Quant au goût, chaque repas pris en commun dit « je t’aime ».

L’homme communique par la parole, la musique, les odeurs, l’amour partagé et le signe. En terre chrétienne son odorat fut longtemps considéré comme un sens mineur supposé le ramener vers l’animalité. Quant au goût, il est resté l’apanage de l’intime. C’est tellement vrai que les déficients auditifs ou visuels souffrent d’un handicap reconnu par la société et pris en charge médicalement, il n’en est pas de même des altérations de l’odorat et du goût. Ceci se traduit dans le vocabulaire. Tout le monde sait ce que sont l’aphasie, la surdité et la cécité mais peu sauront dire ce que signifient « anosmie » et « agueusie » qui désignent respectivement la perte de l’odorat et du goût, signant ainsi la moindre valorisation culturelle accordée à ces deux autres sens.

Or le goût et l’odorat sont stimulés par les molécules de l’environnement extérieur alors que la vue et l’ouïe reçoivent des vibrations. Ces deux derniers sont sensibles à la géométrie des ondes bien plus qu’à la forme matérielle des molécules. Est-ce la raison pour laquelle nous les considérons comme des sens plus « nobles » car moins matériels ? Quant au toucher il reçoit à la fois la forme dense et la vibration subtile. Il reçoit le proche et le lointain, la matière des choses immédiates aussi bien que l’immatériel lorsque surgissent des pressentiments et des frissons révélateurs sans cause objective.

Les sens du lointain comme la vue et l’ouïe se laissent plus facilement analyser symboliquement que ceux de la proximité comme le goût et l’odorat. En effet, la lumière et le son, en tant que phénomènes vibratoires, sont décrits par seulement trois grandeurs physiques : la fréquence, l’intensité et la polarisation de l’onde. Il n’en est pas de même pour une odeur qui peut intégrer un grand nombre de substances chimiques. Même en se limitant à quelques composés purs une molécule ne se laisse pas caractériser par trois paramètres. C’est pourquoi les sens du lointain sont régis par des « lois » générales alors que les sens de la proximité s’attachent aux cas particuliers. D’où le fait que les visuels et les auditifs conceptualisent des grands systèmes alors que les nez et les gourmets jouissent des particularités du vivant.

Notons enfin que les doigts de la main, si importants dans le processus d’hominisation[4], connaissent le langage de tous nos sens puisque l’on peut « se fourrer le doigt dans l’œil » (se tromper) ; parler vivement au risque de « s’en mordre les doigts » (regretter) ; atteindre ses objectifs « les doigts dans le nez » (facilement) ; mettre « le doigt sur une plaie » ou « toucher un point sensible ». Il sera enfin souhaitable d’« écouter son petit doigt » (suivre son intuition) pour éviter tous ces désagréments.

Chacun de nos sens porte donc une spécialité. La bouche raconte l’intime ; le nez parle de la vie et de la mort ainsi que des processus de métamorphose ; l’oreille bannit la peur avec sa sensibilité aux accords et aux harmonies ; la vue informe sur ce qui transparaît derrière ce qui paraît et le toucher ose la transparence. Chacun de nos sens développe un langage qui, mis ensembles, permettent de conter la totalité du réel.

Et, surtout, chaque sens représente une porte d’entrée vers le temple crânien en métaphorisant une voie de réalisation spirituelle. La bouche choisit la jouissance de l’expérience mystique ; le nez médite immobile, il observe le va-et-vient du Souffle, les mouvements de l’âme du monde ; l’oreille écoute les sons inaudibles et inouïs des mondes subtils ;  l’œil plonge dans le vide, dont l’anagramme forme les lettres du mot « Dieu[5] » et enfin la peau se colore du dieu tutélaire du sujet et confirme ainsi la jonction Esprit-Matière.

Notes et références

[1] Emmanuel Swedenborg est un chercheur d’origine suédoise. Dans la première partie de sa vie, il fut un scientifique et un inventeur remarquable, ce qui lui valut le surnom de « Léonard de Vinci du Nord » et d’« Aristote de Suède ». À cinquante-six ans il réussit sa « troisième naissance » et commença à discuter avec les anges et les esprits, parfois avec Dieu Lui-même. Ses visions, dont celle que nous rapportons ici, ont beaucoup contrarié Kant qui, au nom de la raison, ne pouvait concevoir la possibilité d’une connaissance suprasensible, ce qui aurait ruiné sa philosophie. Or la philosophie kantienne fonde notre monde moderne, d’où la difficulté de reconnaître que les approches non rationnelles sont aussi des voies de connaissance.

[2] La position des organes des sens sur le visage se justifie par des arguments de type adaptatif ainsi que par la phylogénèse. Mais il ne faut pas surestimer cette lecture. Les papillons et les mouches à viande ont leur organe gustatif sur leurs pattes Il leur suffit de se poser sur un aliment pour en détecter le goût.

[3] Le Parchemin Magnifique Vol. 6, à paraître.

[4]Luc Bigé, Le Parchemin Magnifique Vol. 3, éditions Réenchanter le monde

[5] En ancien français le U et le V étaient confondus.

Le symbolisme, un outil de liberté

Orion et le Taureau

Dans ce second volume consacré aux relations entre astrologie et mythologie Marie-Paule Baicry explore le mythe du Minotaure, depuis ses origines avec la naissance d'Europe jusqu'à l'enfermement dans le célèbre labyrinthe.

Comment, dans nos vies soumises à la densité de la matière, rester relié à l’Essentiel ? Qui d’entre nous, devant les obstacles inhérents à leur mise en œuvre concrète, n’a jamais été tenté d’abandonner ses projets les plus enthousiastes, peu à peu dévorés par le poids des habitudes ?

Dans le deuxième tome de cet ouvrage, Orion-Scorpion, représentant de notre enfant spirituel intime, nous offrira quelques enseignements à ce sujet à travers son voyage en Crète, pays du Taureau. L’exploration du mythe du Minotaure nous entraînera vers une descente dans notre propre labyrinthe, afin d’aller y découvrir le trésor caché en son centre. La dernière rencontre d’Orion, avec la belle Artémis, déesse libre et sauvage sillonnant les forêts de l’inconscient, nous permettra d’entrer dans la complétude du signe du Scorpion et de ses métamorphoses en apprenant à nous ouvrir consciemment à notre féminin sacré lunaire.

Comme dans le tome 1, mythologie, astrologie et résonances psychologiques et spirituelles se mêlent, se tissent et se confondent en cette œuvre passionnante, profonde, vivante et colorée. Thèmes à l’appui pour les astrologues et astrophiles, des exemples concrets de personnalités connues illustrent le propos symbolique. Mais les non astrologues ouverts à la mythologie, au symbolisme ou à la psychologie, trouveront eux aussi de quoi progresser dans leur rapport à l’incarnation et aux métamorphoses nécessaires.

Bien sûr, inutile d’être Taureau ou Scorpion pour s’intéresser à cet ouvrage, chaque signe représentant, outre un tempérament, la phase d’un processus que tout un chacun traverse dans sa vie.

Pour aller plus loin :  son site internet  et sa chaine Youtube.

Egalement, sur Réenchanter le monde,  la série de vidéoconférences sur le mythe d'Icare et  le signe du Taureau

Géopolitique du futur

Dans cette seconde partir de la conférence de Luc Bigé sur le thème Astrologie et Histoire sont abordés le sens des grandes évolutions sur le très long terme, notamment le processus de désenchantement du monde mis en place depuis la formation des sociétés fondées sur l'agriculture et l'élevage. Le sens de cette coupure progressive du sacré jusqu'à son aboutissement contemporain est évoqué. Nous développons également un cycle de 4000 ans commencé lors du miracle grec du VIème siècle av. J.-C, ce moment historique que Jasper appela la période axiale de l'histoire. Nous évoquons enfin ce que pourraient être les 1500 années à venir, jusqu'au moment de la nouvelle période axiale dans les années 3370.
 
 
La première partie de cette conférence était consacrée à l'analyse des événements contemporains : pandémie de Covid-19 et guerre en Ukraine : https://youtu.be/NVJFu6KWLxs

Pour aller plus loin, voir notre ouvrage intitulé Archétypes et Histoire, volume 1 : l'Esprit du temps. https://reenchanterlemonde.com/produi...

Astrologie et Histoire, les enjeux actuels

Dans cette première partie d'une conférence donnée le 29/03/2022 à l'Agora (Paris) Luc Bigé évoque la situation actuelle au regard de deux cycles astrologiques importants, Saturne-Neptune et Saturne-Pluton. Cela permet de recontextualiser dans l'histoire sur le moyen terme deux événements géopolitiques qui modifient aujourd'hui le visage de l'Europe : la guerre en Ukraine et la pandémie de Covid. Dans la seconde partie intitulée "géopolitique du futur" nous abordons la question du sens de l'Histoire sur le long terme en Occident.

Pour aller plus loin https://reenchanterlemonde.com/astrologie/#astrologie-et-histoire

Les 33 années à venir

Le ciel, en 2020-2021, présente une triple conjonction entre Jupiter, Saturne et Pluton dans le signe du Capricorne.

Chaque planète symbolise un archétype, c’est-à-dire une force signifiante qui baratte l’inconscient collectif des peuples. Saturne, le Cronos grec, pose des limites, ferme des frontières et contraint à une plus grande intériorisation. Pluton, le maître du royaume des morts, détruit les formes obsolètes qui freinent l’évolution. Lorsque ces deux planètes se rencontrent tout se passe comme si l’ombre du collectif refaisait surface, suscitant en réaction un effort de contrôle. Les dernières conjonctions Saturne-Pluton du XXe siècle sont synchrones à des climats de paranoïa collective générant des mesures liberticides ou des conflits : 1914/1915 avec la première guerre mondiale, 1947/1948 et la guerre froide, 1982 et la pandémie du S.I.D.A. puis 2020 et la Covid-19.

Du point de vue psychologique, les conjonctions Saturne-Pluton entrent en résonnance avec les personnes et les groupes qui ont une prédilection pour l’élitisme comme la ploutocratie, l’intégrisme religieux, les « élites » d’une nation. C’est la peur de la mort qui motive l’ascèse et les efforts insensés de ces groupes sociaux. Elle les contraint à rester sérieux et raisonnables, bien loin de ces choses si contraires à l’éthique puritaine que sont la danse, la fréquentation des tavernes et les jeux de carte. L’ordre moral efface la joie de vivre au nom d’une rédemption espérée.

La dernière fois que Saturne et Pluton se sont rencontrés en Capricorne, c’était il y a exactement cinq siècles. C’était en 1517 lorsque Luther affichait ses 95 thèses et fonda le protestantisme en réaction aux trafic des indulgences. Puis la paix de Passau (conjonction SP de 1552) suivie des accords d’Augsbourg (1555) donnèrent une existence légale aux villes et aux États luthériens situés dans le très catholique Empire des Habsbourg. La conjonction qui suivit survint en synchronicité avec le traité de Nemours (1585). Puis ce sera le déclanchement de la guerre de Trente-Ans (1617-1648) entre catholiques et protestants. Ce conflit européen d’une rare violence commença et se termina également avec une conjonction Saturne-Pluton. Ces longs désaccords entre deux systèmes de valeurs aboutiront au traité de Westphalie (1648-1650) qui changea radicalement le visage de l’Europe en donnant naissance aux États-Nations tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Max Weber a montré que les différentes sectes protestantes ont donné naissance au capitalisme moderne qu’il décrit comme une « mécanique implacable dont les contraintes écrasantes déterminent aujourd’hui le style de vie de tous les individus nés dans ses rouages[1] ». L’éthique du travail « absurde et pauvre en joies » est en réalité une sortie de l’ascèse hors des monastères. Les capitalistes protestants puis laïcs fonctionnent comme des moines, ils visent la croissance financière au détriment des plaisirs. L’argent est devenu le substitut de la grâce.

C’est donc en 1517 que naquit le protestantisme qui changea le visage du monde occidental. En 2020 la nouvelle conjonction SP du Capricorne réactive l’ordre moral et le contrôle de la pensée. Néanmoins la période actuelle, en plus de mettre fin au gaspillage et de mondialiser l’éthique du capitalisme, a une plus grande portée encore.

Pour des raisons astrologiques impossibles à détailler ici, quatre cycles Saturne-Pluton ont une importance majeure en termes de métamorphose de la civilisation :

379-411 : une période de 33 années qui débuta en Bélier

1083-1115, un cycle qui commença en Poissons

1786-1820, le cycle du Verseau

2020-2053, le cycle du Capricorne

Gibbon situe la ruine du paganisme entre 378 et la mort de Théodose en 395[2]. C’est-à-dire entre la conjonction SP du Bélier et l’opposition de ces deux archès en 394-395. C’est donc dix-sept années de violence au nom d’une intuition transcendantale, typique d’un mode de fonctionnement Bélier, qui précipita la fin de Rome. Entre 1083 et 1115 le vent de la métamorphose soufflait sur un mode Poissons. Les hommes d’alors étaient habités par le mythe du sauveur, dont le Sauveur fut le parfait archétype. Le « monde d’avant » fondé sur le désir de réaliser Dieu par la prière et le jeune s’effaça au profit d’un désir irrépressible d’élargir le nombre d’âmes converties et de territoires conquis. La prise de Jérusalem par les croisés le 15 juillet 1099 se produisit de manière synchrone avec l’opposition Saturne-Pluton qui suivit la conjonction de 1083. Puis, entre les prémisses de la Révolution française (1786) et le début du monde industriel (1820), les valeurs changèrent à nouveau considérablement. Les régimes de droit divin sont remplacés par des régimes parlementaires et le libéralisme économique s’impose dans le monde. Ces notions de liberté politique et entrepreneuriale caractérisent le signe du Verseau. Les années 1786-1820 sont à la source du monde actuel finissant : un « monde libre ». Car voici venu le temps d’un autre archétype lié aux valeurs du Capricorne et de Cronos (2020-2053). Le Titan est le seul dieu mâle à être enceint de ses œuvres. À peine nés, il mangeait ses enfant. Avidité sans frein d’un côté, intériorisation du monde extérieur et art de laisser fructifier la vie de l’autre.

Si nous suivons cette logique des métamorphoses de l’histoire, 2020 est donc une année charnière qui clôt les passions de l’ancien monde fondées sur les libertés individuelles, les démocraties et les luttes sociales. Les valeurs du Verseau s’effacent au profit de celles du Capricorne. Déjà, des sociétés privées comme les G.A.F.A.M., au capital sans limite, s’arrogent des droits régaliens réservés aux États démocratiques comme la censure de l’information et la création de monnaie.

Le Capricorne est un signe solsticial. A partir du 21 décembre la longueur du jour croît. Un nouveau soleil se lève. C’est pourquoi cette date du calendrier fut choisie pour fêter la venue du Messie il y a deux mille ans. L’Appel du Soi murmure dans certains cœurs emplis de silence et de gratitude, bien loin de l’avidité sans frein d’une ploutocratie qui cherche le contrôle du monde. Il y aura à l’avenir des « César » pétris d’ambition et de dureté qui tenteront d’instaurer un gouvernement mondial, il y aura aussi des « Christ » qui reviendront vers la vie intérieure. De plus en plus de personnes profitent du confinement pour s’interroger sur les besoins de leur âme et revenir vers leur essence. Deux univers se préparent à diffuser leurs croyances et sans doute à lutter, rejouant ainsi sur un autre niveau de conscience les conflits entre catholiques et protestants des XVIe et XVIIe siècle. Luther professait la sola scriptura, la lecture directe de la Bible. Les « nouveaux Luther » aspirent à une lecture directe de leur âme, bien loin des excès générés par le capitalisme moderne né de l’éthique protestante. Et qui sait quels en seront les conséquences sur l’organisation de la civilisation ?

Les 33 années qui viennent seront donc cruciales pour l’avenir du monde occidental. Le carré de 2029, l’oppositions de 2036 et le second carré de 2044 verront des tensions intenses entre les nouveaux « convertis » à la présence de l’âme du monde et les adeptes de la prédation qui veulent toujours plus de biens matériels et de pouvoir personnel au détriment de ce que les peuples premiers préservent encore : la biosphère perçue comme l’épiphanie de la grande déesse.

Luc Bigé

[1] M. Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Champs classique.

[2] E. Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain. Laffont, collection Bouquins.

Archétypes et histoire

À de rares exceptions près, comme la bataille d’Actium (-31) et la vision de Constantin (313), les événements qui ont façonné l’histoire correspondent à des situations astrologiques remarquables. Depuis la fin de la ligue de Délos (-404) jusqu’à la pandémie de 2020/2021, en passant par le traité de Westphalie (1648/1650) et le sac de Rome en 411, aucune n’échappe à une rencontre significative et synchronique entre trois archétypes : la liberté qui divise (Uranus), le mythe qui fédère (Neptune) et la puissance qui coagule (Pluton). Presqu’aucune date ne se dérobe à des rencontres entre ces planètes lentes du système solaire, soulignant ainsi une évidente synchronicité entre histoire et état du ciel. Inversement, si nous choisissons au hasard un temps sur le calendrier, nous avons toutes les chances qu’il n’y ait ni événement fondateur, ni structure astrologique qui soit exceptionnelle. Cette simple observation nous a conduit à explorer ce que nous pourrions appeler une « métahistoire ». L’histoire que nous connaissons étant la forme que prennent les événements à partir de ce tapis comique tissé par un ensemble de « forces signifiantes » ou, pour reprendre l’expression que nous avons déjà utilisée en explorant le symbolisme du corps humain, une conscience énergie universelle ou « âme du monde ».

Dans ce premier volume intitulé l'Esprit du temps nous suivons l'élaboration des trois grandes phases de la civilisation occidentale qui se moule sur deux cycles Neptune-Pluton de cinq siècles chacune, soit des périodes de mille ans  : le monde gréco-romain (de -577 à 411), le Moyen Age (de 411 à 1399) et le monde moderne né avec l'humanisme de la Renaissance italienne (1399-1892). Nous explorons également les forces signifiantes qui animent notre période de civilisation (1892-2384).

L'astrologie, comme grille de lecture des grands processus historiques, est également développée sous la forme de vidéoconférences dans la formation proposée par Réenchanter le monde

LIVRE NUMÉRIQUE :

  • Taille du fichier ‏Kindl : ‎ 10255 KB
  • Nombre de pages de l'édition imprimée  ‏ : ‎ 228 pages
  • Editions Réenchanter le monde
  • prix : 9,99 €

Archétypes et Histoire: Volume 1 : L'Esprit du temps

Il est possible de lire cet ouvrage sans liseuse, sur votre tablette, votre mobile ou votre ordinateur en téléchargeant gratuitement le logiciel Kindl ici

Orion et le signe du Scorpion

Dans cet ouvrage, Marie Paule Baicry poursuit les travaux initiés par  Jacques Berthon en astromythologie. Elle expose avec finesse le sens symbolique des mythes d'Orion et d'Héphaïstos afin d'en dégager les significations psychologiques et spirituelles. Ce premier volume est essentiellement consacré au signe du Scorpion et à ses maîtres, Mars et Pluton. Il est aussi remarquable par les nombreux exemples d'interprétation qui sont autant de rappels utiles pour conduire la lecture du thème astrologiques, Nous recommandons vivement cet ouvrage.

À l'écoute de nos profondeurs. Tome 1: Orion et le Scorpion

Élargir notre perception du réel

Dans la première partie de cette vidéo, nous évoquons les quatre voies de la Connaissance : la voie scientifique, la voie systémique, la voie symbolique et la voie transcendantale celle de  la connaissance directe. Si nous décidions de penser globalement, alors toute question, toute thématique, devrait être explorée par ces quatre approches. Dans la deuxième partie, nous évoquons la question du « temps » en résonance avec ces quatre voies de la Connaissance. On peut distinguer les temps mythique, messianique, scientifique et enfin du celui du contact avec l’éternel présent. Si ces quatre temps se mélangent aujourd’hui, certains  ont prédominé selon les moments de l’Histoire pour produire de grandes civilisations. Le Passage est certainement aujourd’hui celui de l’accès au quatrième temps, l’éternel présent, le temps de l’instant, tout en conservant la conscience des cycles qui organisent nos manières de nous renouveler.