Remarques sur le processus de dialogue (David Bohm- fev. 1985)

Comme il est dit dans l'introduction, tout le monde s'attendait au début du week-end à une série d'exposés et de discussions informatives où l'accent serait mis sur le contenu. Il s'est avéré peu à peu qu'il se passait en fait quelque chose de plus important – la naissance d'un véritable processus de dialogue, une libre circulation de sens entre les participants.

Au début, les gens exprimaient des positions bien arrêtées, qu'ils avaient tendance à défendre, mais plus tard, il est apparu clairement que maintenir ce sentiment d'amitié dans le groupe était plus important que de défendre une position quelconque. Cette amitié a une qualité impersonnelle, dans ce sens qu'elle ne dépend pas du fait que les participants aient entre eux une relation personnelle très proche.

Ainsi s'établit peu à peu un nouvel esprit basé sur le développement d'une signification commune que le processus de dialogue construit tout en la transformant constamment. Les gens ne sont plus à priori en opposition, on ne peut pas dire non plus qu'ils sont en interaction mais plutôt, ils participent à cette mise en commun d'un sens qui peut évoluer et se transforme constamment. Et dans ce processus d'évolution, le groupe n'a pas de but pré-établi, bien qu'à tout moment il puisse en apparaître un qui reste libre de changer ultérieurement. Le groupe s'engage alors, dans une relation dynamique nouvelle d'où personne n'est exclu, ni aucun contenu particulier. Au point où nous en sommes, nous n'avons fait que commencer à explorer les possibilités du dialogue au sens où nous l'entendons ici ; mais en continuant dans cette direction, nous nous donnerions probablement la possibilité de transformer non seulement les relations entre les hommes, mais aussi, la nature même de la conscience particulière qui préside à la naissance de ces relations.

DAVID BOHM

Février 1985