Les symboles des planètes (I)

Le sens des planètes est codé dans la manière de les représenter. Ces glyphes obéissent à une règle de composition précise avec l’intervention de cinq signes élémentaires :

Le cercle : O

L’hyperbole : )

La ligne verticale et la ligne horizontale qui se combinent pour former une croix : +

Le point : .

Qui représentent :

Le cercle solaire : O

Le croissant lunaire : )

La croix terrestre qui marque l’espace-temps, le topos : +

Le potentiel non manifesté : .

On voit alors immédiatement que :

Le Soleil est formé du cercle et du point en son centre.

La Lune est représentée par un demi-cercle et une hyperbole.

Mars et Vénus sont inversés, si l’on accepte que la flèche de Mars est une croix en oblique. La croix est d’ailleurs dessinée telle quelle dans le symbolisme alchimique et par l’astrologie allemande.

Jupiter et Saturne forment un autre couple d’inversions, puisque la Lune se place respectivement sur la ligne horizontale et sur la ligne verticale.

Enfin Mercure est le seule planète du septénaire qui réunit les trois symboles du Soleil, de la Lune et de la Terre.

Voyons cela en détail.

Le point
Le point se situe aux confins du paradoxe, charnière entre le non-manifesté et le manifesté. Entité mathématique abstraite, il occupe par définition un espace nul. En lui résident pourtant à l’état de germe des potentialités infinies. La meilleur image est peut-être la singularité initiale, le fameux « Big Bang », qui contenait en germe l’ensemble de l’univers que nous connaissons dans un espace et un temps rigoureusement nuls. Leibniz, dans ses études des mathématiques binaires, disait déjà « un suffit à tirer tout de rien ». Le langage usuel est à l’avenant. N’avons-nous pas ces expressions contraires à propos du « point » : « un point c’est tout » et « il n’y en a point » ? En sa double facette, le point représente toujours l’unité absolue, qu’elle soit potentielle dans chaos indifférencié d’avant la Genèse ou Nirvana accompli empli de soi-conscience. En ce lieu originel et final tout à la fois la séparation pas ou plus.

La manifestation du potentiel du point dans toutes les directions de l’espace va produire la sphère, que nous réduisons au cercle sur la feuille de papier.

Le cercle

L’observation de l’environnement met en évidence deux catégories d’objets. Dans la première nous pouvons classer les pierres, le montagnes, les cristaux, les constructions humaines… alors que la seconde contient les arbres, les fleurs, les bactéries et les animaux. Ce qui les différencie ? La manifestation de la vie. Tout ce qui est vivant, en effet, possède des formes fondées sur la courbe. Alors que le règne minéral utilise des lignes droites et des angles. La cellule biologique et le cristal sont les représentants les plus simples de ces deux catégories. Le cercle et l’hyperbole appartiennent à l’univers du vivant, la croix au monde de l’objet, à la réalité matérielle. Pour être complet, il faudrait citer une troisième catégorie d’objets comme la fumée et le brouillard, composés de myriades de points en désordre. Ils relèvent de la symbolique des quatre éléments, le Feu, l’Air, l’Eau et la Terre dont nous ne pouvons discuter ici.

Le cercle est toujours centré, il est défini par une équidistance de ses points au centre. Il suggère un double mouvement d’involution-manifestation et d’évolution-retour-au-centre. Il pulse comme un expire et un inspire. Il représente donc le principe vital, que l’œuf et le soleil symbolisent si merveilleusement. Comme le point, et comme tout symbole, il est détenteur d’un paradoxe. En lui se côtoient l’énergie vitale (le soleil astrologique comme hyleg) et l’Esprit puisqu’il est aussi traditionnellement associé à l’or et à son sujet : Dieu. L’Esprit est pure volonté de vie qui pulse aux rythmes mystérieux du fatum, ce que Nietzsche avait déjà pressenti dans sa chair.

La croix
Elle se compose d’une ligne verticale et d’une ligne horizontale réunies par un point central. Son horizontale conquiert l’espace. Sa verticale creuse et s’élève dans une tension ascétique vers les extrême, la terre et le ciel. Cette ligne propose profondeur et hauteur. Elle appartient à la sphère du temps. La ligne horizontale sépare le ciel de la terre, le haut du bas, elle affirme la première dualité. La verticale réunit ce que l’autre à séparé. De la dualité produite par l’horizontale naît la conscience. Comment apprécier la musique, en effet, s’il n’y avait pas de silences entre les notes ? Comment savoir le jour en l’absence de la nuit ? Et que dire de l’appréciation d’un bonheur qui sort d’une période d’épreuves ! L’expérience de la dualité fortifie la conscience. Puis, la tension verticale permettra l’intégration de cette conscience dans un sujet concentré qui porte avec égalité ses racines dans l’ombre de l’humus et la clarté de l’azur. La croix est donc un principe d’évolution et d’incarnation. C’est pourquoi elle est associée au symbole de la Terre, une croix dans un cercle. Elle demande au sujet de découvrir un équilibre entre ses valeurs d’être (verticale) et d’avoir (horizontale), entre l’effort (verticale) et la joie (horizontale) car le sentiment de joie est la conséquence naturelle d’une expansion de la conscience qui reçoit plus d’amour, plus de reconnaissance, plus d’argent ou plus de contact spirituel. Plus simplement, une expérience humaine se place toujours au centre de la croix, dans un espace horizontal et un temps vertical réunis, dans ce que nous appelons communément « l’ici et maintenant ».

La conscience humaine naît de l’expérience de la croix. Ce qui en nous dit « je » est la résultante de nos précédentes croissances en possessions (partie gauche la ligne horizontale de la croix), de nos espoirs et ambitions à venir (partie droite de la ligne horizontale de la croix) et d’une énergie qui nous traverse. Cette dernière pourra venir d’en haut et s’appellera alors « inspiration », « volonté de vie », « dynamisme ». Et d’en bas, elle se nommera alors « racines », « ancrage », et « histoire ». La croix matérialise les ingrédients pour la naissance et l’évolution de la conscience dans un lieu particulier. Elle nourrit l’expansion du point central afin que celui-ci devienne au final un soleil conscient. C’est pourquoi la croix est aussi le grand symbole de l’Incarnation et de la Crucifixion, de la naissance divine. Elle matérialise, du point de vue astrologique, la projection en un lieu du « père-soleil » et de la « mère-lune » ou, si l'on préfère, la manifestation singulière de ces deux lumières ici-bas.

L’hyperbole
Ni cercle, ni croix, l’hyperbole pousse ses deux extrémités vers l’infini. Nous avons ici une image de la réceptivité à l’illimité[1]. Elle offre la possibilité d’une ouverture sur quelque chose de neuf et d’impensé. Avec l’hyperbole se déploie notre capacité d’intégrer de manière vivante et sensible un nouvel élément du plus-grand-tout. Ce sont des antennes tournées vers les mondes galactiques.

Ces symboles sont vivant. Nous sommes tous un point unique, empli de potentiels, qui a pour devoir de se déployer comme un Soleil, en évitant le brouillard des points dispersés. Nous avons tous une croix à porter, conditions de la métamorphose de notre conscience pour son envol. Et nous avons tous une sensibilité spécifique qui ouvre notre conscience au sens du mystère.

Ces trois signes, dans l'alchimie, correspondent au Soufre qui coagule (le feu solaire), au Mercure qui dissout (le croissant lunaire, humide) et au Sel qui cristallise ou précipite. Dans la tradition, il correspondent à l’Esprit (Soleil), l’âme (la Lune) et la matière (la croix). Enfin, si l’on se place du point de vue de la psyché, ce sera l’animus (soleil), l’anima (lune) et la materia (croix).

La lecture symbolique à ceci de déroutant de prime abord : elle ne se fonde pas sur une logique linéaire, causale, démonstrative, mais sur une pensée analogique où plusieurs niveaux de lecture coexistent et fonctionnement en même temps. Ainsi le « Soleil » dans un thème est à la fois le représentant de Dieu, de l’énergie vitale, de la conscience de soi déployée, de l’animus et du père.

Voyons à présent comment ces trois fondamentaux sont codés dans le sept des planètes traditionnelles.

Le Soleil et la Lune
Ils sont dessinés avec leurs propres symboles, le cercle et le croissant, sans la croix. Cette particularité les rend « immatériels » comme la lumière. Ceci est d’ailleurs souligné par leur nom astrologique de « luminaires ». Représentant des principes inaltérables, ils ne gouvernent qu’un seul signe, le Lion et la Cancer respectivement, alors que les autres planètes en gouvernent deux, l’un mâle et l’autre femelle (ou diurne et nocturne).

Le Soleil est un principe unitaire coagulant (le Feu) alors que la Lune est un principe multiplicateur dissolvant. L'unitaire étant considéré comme mâle du fait de sa capacité d'établir une loi générale. Le multiple, le double ou la division étant considéré comme femelle du fait de sa capacité de se dédoubler en enfantant. C'est pourquoi l’on parle d’une « cellule mère » pour désigner une cellule qui vient de se diviser, et non d’une « cellule-père » malgré la neutralité sexuelle. L’industrie qui multiplie les biens de consommation est également composée de « Sociétés mères » et de « filiales ».

Dans le glyphe du Soleil, le point et le cercle sont assemblés. L’énergie primordiale de l’univers, la volonté centrale de l’être, rayonne dans toutes les directions pour se fermer sur le cercle de la conscience. La circonférence marque les limites de son expansion, sa « largeur d’Esprit » précisément. Elle contient et organise l’énergie du point, comme le fait par exemple une cellule biologique pour l’information génétique codée dans son noyau. Le glyphe du Soleil évoque à la fois l’atome de Bohr et la forme du système solaire, deux autres systèmes unitaires, complets en soi. Le symbole solaire propose d’atteindre un équilibre entre la puissance du potentiel de l’être (le point) et sa résistance (le cercle) afin qu’une conscience se manifeste, afin qu’une œuvre de lumière apparaisse. En biologie le noyau et la membrane de la cellule jouent ces rôles.

Rappelons que, dans un thème, le Soleil n’est pas le Soi, mais notre manière particulière de Le contacter. Le glyphe solaire est un petit symbole de la Totalité au sein du grand Tout qu’est le Zodiaque. Chaque journée qui passe, l’astre se décale d’un degré environ. Ce degré est l’une des trois cent soixante facettes de la Totalité qui est, ce jour là, éclairé. La nature de cette cuvette de sens est précisée par les différents systèmes de degrés symboliques comme les symboles sabians et les degrés monomères. C’est pourquoi chaque jour est porteur d’une qualité particulière. C’est aussi pourquoi les révolutions solaires dessinent le « programme » du Soi pour l’année en cours.

Le symbole de la Lune se dessine en traçant un demi-cercle fermé par une hyperbole. Le demi-cercle rappelle le symbole solaire, il en a la nature mais est encore en voie de formation. Tel est d’ailleurs ce que nous suggère les phases de la lune. Le secret de ce luminaire « humide » qui représente la division et le nombre, le mouvement et l'animation des êtres ? Chaperonner la croissance en ses innombrables facettes afin que le « moi » devienne semblable à un Soleil, un miroir sensible du « Soi ». Par son hyperbole la Lune ouvre à l’illimité, par l’imaginaire elle propose les impossibles de la lucidité. Ces improbables nourrissent l’expansion du demi-cercle, jusqu’à sa complétude. Formulé autrement, la Lune est médiatrice[2]. Elle rend accessible à la psyché les forces sauvages et puissantes des archétypes, elle aplani aussi les angularités du réel. C’est la fonction de l’âme qui réunit l’Esprit avec le corps, de l’anima qui rassemble conscient et inconscient, de la femme qui accueille une étincelle spirituelle pour lui conférer un corps lors du processus de l’enfantement. La Lune est initiatrice, elle accompagne tous les passages. Dans le monde matériel, c’est à l’aide de sels d’argent, de « sels de Lune », que l’on faisait naguère des photographies, des images, ces « choses » qui ne sont ni des Idées platoniciennes (Soleil), ni des masses pesantes (Terre), mais des entre-deux. Sur le plan spirituel ce symbolisme s'est répercuté sur la Vierge Marie, dont les pieds reposent sur la Lune, et à qui les chrétiens demandent une intercession médiatrice. Elle « catalyse » la grâce divine sur le croyant exactement comme le satellite réfléchit la lumière du Soleil afin d’éclairer la Terre plongée dans la nuit du doute.

Dans les glyphes planétaires l’hyperbole, ou croissant lunaire, évoque la puissance dissolvante de l'eau, son pouvoir de division, de séparation, de multiplication et ultimement de mort. Car les nombres croissent et décroissent. Car l’eau est à la fois l’origine de la vie et le signe de la mort, cette grande dissolution de l’âme dans les eaux imaginales lorsque quelqu’un est « liquidé » et que ses feux s’éteignent.

La racine étymologique de « Lune » est mensis qui veut dire « mois ». A rapprocher également de mens, l’« esprit » au sens du mental. La lune réfléchit donc, dans les deux sens du terme. Au sens d’une multiplication de l’image comme un miroir, au sens d’une multiplication des pensées comme l’autre réflexion. Rappelons que le glyphe de Mercure, l’autre penseur, porte haut le croissant lunaire. La Lune, c’est une réflexion vagabonde qui, au grée de ses écoles buissonnières, nourrit la conscience de soi (le demi-cercle). Mercure, nous le verrons, propose une réflexion (Lune) centrée sur une identité (cercle) et capable d’une oeuvre incarnée (la croix).

Deux planètes arborent un cercle et une croix, Vénus et Mars (suite…)

[1] Marcelle Senart,  Le Zodiaque : Clef de l’ontologie appliqué à la psychologie 

[2] Luc Bigé, Le Chœur des planètes (éditons de Janus)

 Document lié : Le sens des planètes en astrologie (cours, abonnés)

Vers une Nouvelle Alliance

Les pays en voie de développement envient parfois notre modèle de société. Leurs habitants rêvent d’un monde d’abondance où la technologie libèrerait de l’effort et produirait plus de plaisir. Quand à nous, les habitants de ce monde développé, nous n’en comprenons que trop les limites avec la perte du lien social et l’ambiguïté du travail qui est à la fois un droit, une nécessité et un immense absorbeur de conscience et de liberté. Nous avons aujourd’hui la conscience plus où moins claire que notre modèle économique conduit l’humanité à sa perte en raison de la surexploitation des ressources naturelles et des conséquences des pollutions engendrées. Tout se passe comme si le modèle de société que nous avons choisi n’avait plus de maître à bord. Il roule pour lui-même et sa propre survie, sans se préoccuper des conséquences à moyen et long terme. La machine qui devait libérer l’homme de la servitude, dans l’esprit des Lumières, exerce en réalité un pouvoir subtil sur notre manière de vivre ensemble. Par un retournement de situation dont l’histoire à le secret l’esprit de la machine à absorbé l’être humain dans ses filets.

Qu’est-ce à dire ? Pour voir cela clairement il faut le recul d’un long séjour en Inde, en Amérique du Sud ou en Afrique, à moins que quelques semaines dans la solitude de la forêt ou du désert ne suffisent. Que voyons nous au retour ? Un monde ultramécanisé et froid, un monde qui impose sa volonté de domination à une nature blessée de toutes part par des routes, des tunnels, du béton, des pesticides… bref ! par une volonté de puissance sans failles ; un monde étrange où l’idéal est devenu un fonctionnalisme sans erreurs : pas d’embouteillages, pas de ruptures de stocks, pas de conflits, pas de manques, pas de peurs, pas de bruits, pas d’échec…. La sécurité et l’abondance sont devenus ses mots d’ordre. Or tous ces termes qualifient le fonctionnement d’une machine parfaite : alimentation, fonctionnement, production, sécurité, rendement, silence, efficacité et contrôle. L’homme « civilisé » perd peu à peu son humanité au profit de l’esprit de la machine : son corps est envisagé comme une mécanique, ses pathologies sont restaurées par des spécialistes qui changent ses organes, réparent ses dysfonctionnements grâce au bistouri et à la chimie et qui, bientôt, modifieront son programme génétique ; son environnement est perçu comme une carrière à ciel ouvert où il suffit de puiser ; la réussite de sa vie se mesure à la quantité de biens consommés et produits ; son seul objectif est de faire baisser une courbe : celle du chômage, enfin le degré de la civilisation est mesure au nombre d’objets fabriqués et à l’augmentation du PIB national.

Nous sommes devenus des barbares technologiques.

L’homme occidental qui a inventé la machine pour le libérer des servitudes du travail est en train d’échouer en raison même du succès de son entreprise : les qualités imputables à une machine idéale sont devenus des idéaux humains incontournables : efficacité, rendement, sécurité, abondance, production….

Allons nous nous laisser spolier de notre humanité par, qui plus est, l’extraordinaire désir de liberté et de vérité qui fut à l’origine de la grande aventure des Lumières ?

Le combat ne se joue pas dans la politique, la science ou même l’éducation et la redistribution des richesses. Il se joue dans notre esprit. Il se joue dans notre œil. Il se joue dans notre conscience. Car de notre manière de percevoir le monde que dépend notre action sur celui-ci et, par suite, le type de civilisation que nous construisons. Bien sûr, il faut un minimum d’adéquation entre la vision et le réel pour que cela fonctionne. Cependant tout décalage, si infime soit-il, entre le réel et notre représentation du réel finit par devenir un gouffre et ouvrir une béance. Nous imaginons alors qu’il faut lutter contre les dysfonctionnements sociaux, économiques et écologiques… alors que ceux ci sont des bénédictions. Ils nous montrent à corps et à cri que le modèle d’un homme-machine et d’une civilisation uniquement technologique et économique claudique quelque part. Ce déséquilibre risque de laisser un lourd héritage aux générations futures.

Et si le degré de civilisation se mesurait à la capacité des habitants d’une nation à vivre dans la joie ?

L’état d’humanité n’est pas donné à la naissance, c’est un état à conquérir : et si c’était cela l’idéal civilisé, aider l’enfant à accomplir sa condition d’homme ? Curieusement toutes les grandes civilisations, sauf la nôtre, ont produit un type humain spécifique : les Grecs ont créé l’orateur et le citoyen libre, les romains le guerrier et le sénateur, le Moyen-âge donna naissance à la chevalerie et même l’Angleterre victorienne produisit la figure du Lord. Qu’avons-nous à proposer comme accomplissement d’un type humain « idéal » au jugement de l’Histoire ? Un consommateur pollueur ? A moins que ce ne soient les figures du technicien, du savant et de l’expert ? Est-ce cela un idéal humain ?

Et si notre relation au monde n’était pas fondée sur la violence et le contrôle mais la confiance et l’accueil de l’incertitude ?

Et si… ?

Et si… ? Il est inutile voire dangereux de construire un nouvel idéal pour contrebalancer l’immense emprise de l’esprit de la machine sur la nature humaine. Car tout chercheur, qu’il soit spirituel, scientifique, artiste ou les trois ensembles, sait au moins une chose avec certitude : ce n’est jamais lui qui a raison, c’est la nature qui a toujours le dernier mot. En d’autres termes ce n’est pas une meilleure idéologie, une nouvelle religion, une société technique mieux raisonnée ou une révolution qui nous sortira de l’impasse où nous a conduit notre désir prométhéen de liberté.

Raisonner en termes de « solutions » est encore un souvenir du machinisme. On peut solutionner une panne, bricoler une adaptation, voire créer un nouvel outil. Mais tout cela s’appuierait sur le présupposé dont nous venons d’esquisser les désastreuses conséquences : l’homme est une mécanique et la civilisation se mesure à sa production.

Il n’y a pas de réponse.

S’il n’y a pas de réponse, il n’y a que des réponses.

La prise de conscience totale et sans illusions de notre situation présente ouvre d’immenses perspectives de liberté. La perception intime de nos conditionnements et l’acceptation sans réserve de notre incapacité à les changer… génère un immense fou rire qui fait voler éclat l’illusion du monde, l’illusion de nos représentations.

Alors quoi ? Alors rien.

Arrivé à ce point je ne puis user que de métaphores.

Chaque lumière de la ville participe à l’illumination de la cité et contribue au dessin d’un canevas dont elle ignore tout. Pourtant, sans elle, celui-ci serait incomplet.

Chaque étoile dans le ciel participe à une constellation, pourtant elle ne brûle que par elle-même et pour elle-même.

Héraclite, en son extraordinaire langage scientifico-poétique, l’avait déjà compris : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». A quoi bon chercher à créer des îlots de stabilité au milieu du courant des choses passagères ? Cela n’aurait qu’une seule conséquence : freiner et perturber le mouvement incessant de la vie.

Quelqu’un écrivit un jour « le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison ». Serions-nous devenus fous ?

Et Maître Eckart : « la rose est sans ’pourquoi’ ». Oserons-nous devenir semblable à la rose en son immense beauté ?

Une autre image empruntée à la mythologie grecque pourrait voler à notre secours pour percer le mur de la raison. Nous sommes les enfants des Lumières et de Prométhée qui, en leurs incroyable générosité pour aider l’humanité, osèrent la transgression des dogmes et des croyances ancestrales pour apporter aux hommes quelques éclats de feu. Pourtant le Titan, symbole de notre civilisation, à refusé un cadeau des dieux, Pandore dont le nom signifie « tous les dons » (Pan doros). Ce cadeau est difficilement acceptable car il représente ce qui angoisse la civilisation prométhéenne au plus profond de ses représentations.

Pandore et ses attributs symboliques sont des évidences aussi difficiles à intégrer que nécessaires pour celui qui aspire, ne serait-ce qu’un peu, à un monde plus humain[1]. Ce sont :

-       La partie féminine de lui-même. L’impatience créatrice du Titan supporte mal les valeurs d’accueil, d’ouverture et de réceptivité propres au féminin. Prométhée féconde les hommes par sa flamme, il leur donne l’intelligence et la passion, la passion de l’intelligence pour les plus prométhéens d’entre eux, mais il ne sait pas se laisser féconder comme le ferait une femme.

-       L’art du tissage ensuite. Une tapisserie résulte de l’entrecroisement de deux fils, la trame horizontale et la chaîne verticale. Le symbole du tisserand évoque bien plus qu’un simple vêtement. Il est là pour révéler une image secrète. Destin, dessin et dessein s’entrelacent dans le monde imaginal. En termes plus contemporains, les ficelles verticales du tapis cosmique représentent les différents archétypes, les fils horizontaux les multiples niveaux de conscience possibles. Quand au morceau de laine qui serpente entre les deux, il représente la manière dont la personne – le tisserand – dirige sa vie. Les croisements sont le lieu d’un  événement produit par deux facteurs : la force d’un sens qui cherche à se faire reconnaître par la voie des symboles et la logique des forces physiques, historiques et sociales dont l’individu est la fine pointe. C’est pourquoi un « événement » se lira à la fois symboliquement … et logiquement car il doit obéir aux lois de sa nature matérielle. Le motif que révèle le tapis achevé représente la destinée accomplie de l’homme. Pandore, qui manie à merveille cet instrument, accomplit son destin : elle sait créer et représenter exactement la volonté de la Vie. Sa création révèle le rêve de Dieu. Elle rend l’invisible visible. Évidemment, Prométhée ignore le secret du tissage. Il ne crée pas pour manifester l’invisible Destin : il transgresse pour révéler ce qui est caché par dieux. L’art du tissage signe exactement le complémentaire symbolique de la création Prométhéenne. La tisseuse révèle et accomplit le Destin, le Prométhéen force celui-ci en affirmant sa totale liberté. Sa construction est sa signature, alors que l’étoffe tissée par Pandore est la signature de la Vie. L’homme devrait alors s’interroger pour déterminer si sa créativité est « Pandorienne » ou « Prométhéenne » : il devrait se demander s’il invente pour révéler la beauté du Monde ou pour se révéler lui-même au monde et en être connu.

-       Aphrodite répand le charme autour de la belle Pandore. Certes, une lecture superficielle nous apprend que la demoiselle est charmante, douée d’une beauté sans pareil grâce à la protection de la déesse de l’amour. Mais le mythe nous a habitué à plus de sagacité. Le « charme » désigne aussi le pouvoir ensorcelant de la magicienne. Un savoir à la fois irrationnel et opératif, un savoir analogique fondé sur des liens de sympathie qui assemblent entre eux, au-delà de toute rationalité logique, les différentes parties de l’univers. La science contemporaine a redécouvert cela avec l’interdépendance quantique des particules élémentaires. Une fois encore les qualités de Pandore sont à mille lieues de la nature de Prométhée, le logicien de l’ultime qui ne jure que par la clarté des concepts. Pour lui le charme est ensorcellement, quand il n’est pas pure fadaise à reléguer au rang des illusions. Ce savoir « magique » manié par les sorciers et les sourciers, par les astrologues et les tireuses de cartes, par les méditants et les rêveurs, chacun selon son degré de sensibilité, est une action engendrée à partir de la mystérieuse tapisserie du Destin dont même les dieux ignorent le motif général. Chaque homme est un minuscule point de couleur sur cette Toile Inconnue, chaque dieu y est représenté par un territoire plus ou moins vaste. En tissant, Pandore voit peu à peu se dessiner le dessein de la Vie ; en charmant elle active les liens de sympathie qui unissent les différents acteurs de l’univers, sans jamais s’en séparer. Prométhée ne tisse ni ne charme. L’art du tissage rappelle au Titan qu’une action purement intelligente est insuffisante pour apporter le bonheur à l’humanité. Il lui manque la vision globale du Plan formé par la chaîne et la trame du Cosmos, la conscience de ce qui devrait s’accomplir pour que cette humanité-là évolue dans le sens rendu probable par la biosphère et souhaité par l’Esprit. Le mystère des charmes apprend au prométhéen que l’intuition logique et le maniement du paradoxe ne sont pas les seuls modes explicatifs du réel, mais qu’il existe une autre rationalité qui maintient le monde dans une trame serrée de liens « sympathiques », au sens de la physique du Moyen Age. Cette connaissance sensible, féminine, provient du cœur, d’Aphrodite, de la déesse de la beauté et de l’amour.

-       Les Grâces ornent le cou de Pandore de colliers d’or. Les Grâces sont les divinités de la beauté. La gorge désigne le lieu d’où la parole sort de l’ombre, aussi le collier marque-t-il la dimension créatrice de Pandore. Une créativité solaire, royale, lucide (l’or) autour de la question de la beauté (les Grâces). Une création porteuse de joie et d’enthousiasme. Une fois encore Pandore intervient en contrepoint de Prométhée, le savoir joyeux de la dame équilibre l’enthousiasme froid[2] du Titan.

Ainsi Pandore apporte avec elle tous les dons : l’acceptation de se laisser féconder par l’Esprit, la sensibilité féminine, le sens de la totalité, l’intuition du destin, une création joyeuse en harmonie avec la nature et une parole pédagogique. Par sa présence elle rappelle que le mot grec « cosmos » signifie aussi « beauté » et pas seulement « ordre ».

Accepter Pandore c’est déjà, simplement, accepter un cadeau. Le Prométhéen vole le feu de la connaissance et le donne aux hommes. Mais grande est sa difficulté à recevoir quelque chose ou quelqu’un qui pourrait le féconder.

Accepter Pandore c’est laisser s’éveiller sa dimension féminine, le sens du multiple, du renouvellement et de l’impermanence spontanée de toutes choses. C’est sentir que le présent est un cadeau, un présent sans cesse renouvelé.

Accepter Pandore c’est accepter humblement que derrière toute théorie, si éclairante soit-elle, les fils d’un mystérieux Destin tissent la toile d’un devenir qui dépasse de très loin la signature de la personne, fut-elle le génie des génies.

Accepter Pandore c’est reconnaître la composante « magique » de l’univers.

Accepter Pandore c’est s’ouvrir à la beauté autant qu’à l’ingéniosité. Platon et ses disciples subodoraient déjà que de la beauté n’émanait pas seulement la séduction mais aussi la Vérité.

Et si notre monde Prométhéen osait, sur doigt tendu de Pandore, enfiler une Nouvelle Alliance ?

[1] Prométhée, la sublime irrévérence (édition de Janus)

[2] Nous n’avons pas trouvé d’autre expression pour désigner la passion intellectuelle du Prométhéen qui se laisse facilement entraîner dans un discours enflammé au risque de perdre les liens sensibles qui l’unissent à ses compagnons et à la Nature. Ces liens, il devra un jour les retrouver, fut-ce contraint et forcé comme le rappelle l’épisode de l’enchaînement au Rocher suivi du déluge climatique.

Information et désinformation : des enjeux pour les sept siècles à venir

Information et désinformation : des enjeux pour les sept siècles à venir

Depuis le début des années 1990 nous sommes entrés dans une nouvelle ère de civilisation, symbolisée astrologiquement par la triple conjonction Saturne/Uranus/Neptune. Celle-ci se reproduit tous les 684 ans, 64° plus loin sur le zodiaque. Pour percevoir son importance il suffit de se remémorer nos cours d’histoire. Une première triple conjonction prit place entre –60 et -54 dans le signe du Cancer. C’est en –60, au moment exact de la rencontre d’Uranus avec Neptune, que César, Pompée et Crassus s’associaient pour former le premier triumvira. La République Romaine touche à sa fin et sera bientôt remplacée par l’Empire Romain qui a façonné le monde pendant mille ans. Le rassemblement suivant des trois planètes se forma entre 622 et 626 dans le signe de la Vierge, en synchronicité exacte avec la naissance de l’Islam. En un peu plus de trente années, les conquêtes musulmanes furent fulgurantes, elles conditionnent encore aujourd’hui la géopolitique du monde. Il faut ensuite citer la triple conjonction de 1306 dans le signe du scorpion qui accompagna la formation de l’Empire Ottoman (1299) et vit l’épanouissement de la culture islamique.

Peut-on comparer les événements qui prirent place dans des années 1988-1993 aux grandes transformations géopolitiques qui s’enracinèrent, timidement mais puissamment, en –60 (César), puis en 622 (l’Hégire) et, dans une moindre mesure, en 1306 (l’Empire Ottoman) ? Il est certes trop tôt pour l’affirmer, mais il serait prudent d’envisager la période 1988-1993 comme ayant posé les semences d’un monde totalement nouveau dans lequel vivront de nombreuses générations d’êtres humains pendant les sept prochains siècles[1]. Dans les années 88-93 une nouvelle technologie permit le développement fulgurant d’Internet et de ce qu’il est convenu d’appeler « la société de création et de communication ». Nous aurions tort de sous-estimer l’importance de cela. Pour citer la célèbre formule de Marshall McLuhan rappelons que « le message, c’est le médium ». La pensée ne suit pas les mêmes chemins et n’aboutit pas aux mêmes regards sur le monde si elle se transmet par la vivance de l’oral des griots, la linéarité cartésienne du journal imprimé et du livre ou le foisonnement multidirectionnel que permet l’hyperlien Internet. Les cerveaux des nouvelles générations sont et seront formatés en réseaux. La pagination internet est relativement plus proche du papyrus égyptien qui se déroule à l’infini que de la forme séquencée et découpée (analytique par conséquent) des pages d’un livre moderneSi, au premier siècle, il était dangereux de trahir et de contester l’idée impériale ; si au septième siècle, il était dangereux de trahir et de contester la Charia, comme du reste plus tard lors du développement de l’Empire Ottoman ; il est dangereux aujourd’hui de trahir et de contester « l’information » qui est devenu un enjeu politique, social et de civilisation pour les siècles à venir. En acceptant le mensonge nous entrerions dans un monde faustien où l’information devient du pouvoir[2]. Il s’agirait alors d’une dramatique inversion de l’esprit des Lumières qui considérait que le savoir devait libérer l’homme du travail et de la servitude.

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Aujourd’hui l’information, ou plutôt la désinformation, tend à manipuler les opinions publiques occidentales car, dans le jeu démocratique, celles-ci continuent à peser lourd pour prendre des décisions qui ne relèvent pas de l’humanisme des Lumières mais d’une volonté toute faustienne de pillage. Les « preuves  irréfutables » d’armes de destruction massives détenues par le régime de Saddham Hussein en sont le dernier exemple d’une longue liste[3].

Évidemment, cela ne serait que péripétie dans le grand chaos de l’Histoire si nous n’étions pas au cœur d’une période historique majeure qui revient tous les sept siècles. De notre manière collective de l’initier dépendra l’orientation des centaines d’années futures. Chacune de ces périodes extraordinairement importante propose un nouveau paradigme de civilisation qui se déploie à une vitesse fulgurante : Rome, le premier Empire que le monde ait connu, au premier siècle, réussit à unifier autour de la Méditerranée des peuples et des croyances d’une grande diversité ; puis vint l’Islam qui unifia tout le Moyen-Orient sous l’égide d’une foi partagée alors que les Romains et les Perses s’étaient épuisés en des guerres interminables. Aujourd’hui un nouveau paradigme demande à être intégré dans la conscience humaine : il n’est plus géographique (Rome) ni religieux (Islam) mais de l’ordre du savoir. L’Histoire  décrit curieusement un processus d’intégration progressif des plans physiques (Rome), émotionnels (Islam) et mental (Internet) dans une humanité qui devient de plus en plus consciente d’elle-même en tant qu’unité de fonctionnement.

Chacun de ces moments-semence s’est développé dans la tourmente de ses échecs et l’euphorie de ses réussites. L’échec, quel qu’en soit la forme, est toujours en rapport avec l’usage immodéré du pouvoir : militarisation de la société sous Dioclétien qui précéda la chute de l’Empire Romain d’Occident ; radicalisation de l’islam, à l’origine égalitariste, qui devint intolérante sous les Abassides. En d’autres termes, pour utiliser un langage astrologique, la nouvelle vague de civilisation relative aux conjonctions Saturne/Uranus/Neptune est « récupérée » par la troisième planète transsaturnienne qui s’exprime sous son aspect ombre : Pluton[4].

C’est pourquoi nos générations ont aujourd’hui une responsabilité unique pour la mise en route de ce nouveau paradigme qui tente de créer dans la communauté humaine un esprit et des moyens de communication libres, lumineux, riches, contradictoires, légers et profonds tout à la fois. La communauté scientifique à remarquablement réussit cela, elle pourrait à ce titre servir de modèle.

C’est aussi pourquoi les années 2012/2016 sont essentielles car « Pluton », qui forme un carré croissant avec « Uranus », cherche à imposer sa mentalité faustienne – manipulatrice – à l’esprit de liberté[5]. En réalité ce phénomène est en route depuis 2001 et la chute du W.T.C. (opposition Saturne/Pluton).

Que s’est-il passé ? Au nom d’une secrète volonté de pillage (cycle Uranus/Pluton) menée par l’Occident contre le Moyen-Orient nous avons éliminé trois dictateurs (certes !) laiques  (S. Hussein, Khadafi et peut-être Bachar Al-Assad) qui n’imposaient pas la Charia dans la constitution de leur pays, respectaient relativement le droit des femmes et les autres religions, pour les remplacer par des extrémismes intolérants soutenus par les deux monarchies du Golfe Persique les plus rétrogrades politiquement et socialement : l’Arabie Saoudite et le très ambivalent Quatar. Tout se passe comme si les Etats-Unis souhaitent un Moyen-Orient empli de Califats à dominante tribale, à mille lieux de l’esprit des Lumières, plus faciles à manipuler que des États dignes de ce nom, fussent-ils non démocratiques.

Or le secret de cette « réussite » n’est pas la violence du pouvoir, mais la manipulation et le contrôle de l’information. Grâce à ce  tour de force l’Occident, défenseur et instaurateur de la démocratie, né des Lumières, sensible à l’égalité des droits entre hommes et femmes, à réussit à faire croire à ses opinions publiques qu’il était légitime de se ranger du côté de monarchies intolérantes, socialement rétrogrades, inégalitaires et autoritaires !

Pour mémoire et à titre de comparaison historique le premier carré Uranus/Pluton qui suivit la triple conjonction des années -60 se forma en -42/-43 au moment de l’assassinat de César (-44) ; celui qui suivit l’Hégire, en 631, vit le grand schisme de l’Islam, conséquence de l’assassinat d’Ali. Le conflit entre les confessions Chîîtes et Sunnites dont on observe aujourd’hui – lors d’un nouveau carré Uranus/Pluton – une nouvelle explosion de haine n’est qu’une répétition de cet assassinat fondateur. Chaque carré Uranus/Pluton qui a suivit la triple conjonction Saturne/Uranus/Neptune fut l’occasion « d’assassiner » la genèse d’un nouveau paradigme de civilisation promettant l’unité et d’engendrer des divisions.

Aujourd’hui il ne s’agit plus de défendre une unité humaine fondée sur le territoire (Rome) ou sur la foi (Islam) mais la confiance dans une humanité capable de penser ensemble, dans la reconnaissance et l’intégration paradoxale de ses différences culturelles, religieuses et psychologiques. Et d’éviter à tout prix une nouvelle division entre Occident et Moyen-Orient. Les cycles Uranus/Pluton sont tellement riches de ce jeu de pillage au nom de « valeurs supérieures » ! Citons simplement quelques dates. La première Croisade fut lancée en 1095 lors d’une conjonction entre ces deux planète ; les armées occidentales prennent Jérusalem lors de la conjonction de 1202/1204 puis finalement, pour rester dans le symbolisme, Constantinople, la « Nouvelle Rome », fondée en 334-330 au moment d’une conjonction entre Uranus et Pluton, est conquise par les forces ottomanes en 1453 avec, encore une fois, une conjonction entre ces deux planètes.

Pour faire bref, les relations Uranus/Pluton signent, entre autres choses, les moments d’ingérence militaire de l’Occident en Orient, avec souvent des conséquences dramatiques.

En ce qui concerne le cycle actuel il naquit avec la conjonction Uranus/Pluton de 1965. On sait à quel point les années 62/68 furent riches en bouleversements dans le monde. C’est aussi, en 1966, que le  parti Baas prit le pouvoir en Syrie et en Irak, à quelques mois d’intervalle.

Accepterons-nous de voir les promesses du nouveau monde en gestation broyées par les réflexes faustiens et barbares du pillage -  qui, comme on le voit, ne date pas d’hier - fussent-ils bardés de hautes technologies ou munis de simple coutelas - ou défendrons-nous l’intégrité du nouveau paradigme de civilisation proposé par l’Histoire et matérialisé aujourd’hui par les technologies de l’information comme Internet et les réseaux sociaux ? Accepterons-nous que l’intelligence (Uranus) allié au pouvoir (Pluton) manipulent et polluent l’émergence du modèle de civilisation qui commença dans les années 1990 ?

Saurons-nous élaborer et conserver un espace de libre-pensée et d’échanges, une sorte de cerveau planétaire formé des myriades de pensées individuelles en « compétition collaborante », sur le modèle de la communauté scientifique dont le succès est indéniable ?

Rome à su réunir les communautés humaines par l’idée d’un territoire partagé, l’Islam des origines par une générosité partagée, aujourd’hui l’heure est venue d’une intelligence partagée.

Dans ce processus, la responsabilité des médias et plus généralement la vigilance de chacun à questionner la pertinence des informations est immense. La « pensée planétaire » qui va se forger au cours des sept prochains siècles ne devrait pas se laisser envahir par l’esprit faustien de la manipulation, du secret et du désir de toute puissance[6]. Rome et Dioclétien n’ont pas échappé à ce piège, les Abassides non plus. Saurons-nous aborder l’avenir avec plus de clarté ?


[1] Ces idées sont développées dans notre ouvrage intitulé Vers un modèle astrologique de l’histoire (Janus).

[2] Nous nous sommes fait écho de cela dans un précédent article Snowden, un symbole révélateur 

[3] L’article suivant répertorie de manière précise les manipulations médiatiques qui ont fait verser des larmes aux opinions publiques occidentales et ainsi aidé à déverrouiller le dernier rempart à la violence barbare d’une technologie militaire sophistiquée : http://www.voltairenet.org/article180153.html

[4] Les valeurs « lumière » et « ombre » de Pluton, ainsi que son expression dans certains événements historiques sont explorées dans « Les sept jours de la création d’Israel » (Janus).

[5] Nous n’avons pas l’espace de le développer ici, mais les cycles Uranus/Pluton retracent très exactement les pillages et les atrocités perpétrés par les Mongols de Gengis Khan, les hordes de Tamerlan et d’Attila. Et également l’histoire des Croisades, ce qui n’est pas sans intérêt par rapport aux conflits qui opposent aujourd’hui Occident et Moyen-Orient.

[6] La face lumineuse de Pluton consisterait à envisager une mutation ontologique de l’homme, consciemment et volontairement choisie. Voir Les sept jours de la création d’Israel et Crise actuelle et mutation ontologique.

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Snowden, un symbole révélateur ?

Les démocraties sont fragiles

Snowden inculpé pour espionnage ! Cela ne manque pas de sel pour celui qui a précisément dénoncé l'espionnage massif de la NSA de chaque nation et de potentiellement tous les habitants de la planète !

Espionnage au service de qui ? Et a-t-il essayé de vendre aux plus offrants ces informations ? Cet homme, au contraire, à mit fin à sa carrière, a accepté l’exil à vie puis pris le risque de la maltraitance et de l’emprisonnement simplement pour respecter sa conscience et révéler aux citoyens du monde l’ingérence généralisé de ses employeurs dans la vie privée des personnes. Il faut donc saluer son courage.

Où est la voix de la France, pourtant « patrie des Droits de l'Homme » ? Il ne resterait donc plus que l'Equateur pour défendre la liberté dans le monde ? Nous vivons par ailleurs un symbole historique : c'est la première fois qu'un dissident occidental qui défend les libertés trouve refuge dans les pays de l'Est, Chine puis Russie ! Il n’y a pas si longtemps, à l’époque de Soljenitsyne et de Sakharov, c'était l'inverse.

Je n’ai bien sûr aucune légitimité à écrire ces lignes, si ce n’est celle d’un citoyen inquiet de la tournure que prend en ce moment l’Histoire, et le sentiment encore confus que nous vivons une période cruciale pour les années à avenir.

« L’épisode Snowden » est une jolie illustration des enjeux actuels : un combat essentiel entre les forces de la liberté et les puissances de contrôles. Allons nous laisser les plus paranoïaques d’entres-nous organiser la vie des sociétés et la géopolitique ? Ceci n’est pas sans rappeler un autre épisode douloureux, celui du maccarthysme, entre 1950 et 1954, où l’ennemi n’était pas l’islamiste radical mais le communiste. À l’époque, Albert Einstein dénonça les manœuvres du sénateur Joseph McCarthy comme « un danger incomparablement plus grand pour notre société que ces quelques communistes qui peuvent être dans notre pays », en ajoutant que « ces investigations ont déjà largement miné le caractère démocratique de notre société ». Monsieur le sénateur aurait certainement adoré disposer des immenses pouvoirs de renseignement de la NSA ! Aujourd’hui, hélas, l’histoire se répète, mais avec une technologie moderne et à l’échelle planétaire.

Les démocraties sont fragiles. L’histoire l’a déjà montré en au moins deux circonstances : la prise de pouvoir d’Hitler légitimement élu en 1933 et, dans les années 1990, l’interruption par l’armée algérienne des élections qui étaient sur le point de donner le pouvoir au Front Islamique du Salut. Sans parler du « printemps arabe », cet inespéré espace de liberté où se sont précipités les Frères Musulmans pour imposer leur loi en Tunisie, en Libye et en Egypte.

Néanmoins, réagir aux poussées antidémocratiques par une paranoïa contrôlante fait exactement le jeu des forces que l’on cherche à combattre. Jung appela cela l’énantiodromie. Le chasseur, à force de poursuivre sa proie et d’y porter une attention constante, devient semblable à ce qu’il tente de détruire. Alors la différence devient bien mince entre un totalitarisme d’Etat et  l’action violente d’un groupe totalitaire. Tous deux nient la légitimité de l’autre, et aucun n’est sous le contrôle des citoyens cars ils échappent aux règles les plus élémentaires de la démocratie.

Les démocraties, si fragiles, méritent mieux que Prism ou Echelon qui creusent le lit de ce qu’ils prétendent combattre. Qu’est devenu l’esprit des Lumières, pourtant si fondateur de nos valeurs occidentales ? Jefferson, qui admirait Francis Bacon, Newton et Locke, est-il en train de se retourner dans sa tombe en contemplant la politique de ses successeurs ? Ces hommes, d’une manière ou d’une autre, croyaient au pouvoir du questionnement, de la raison et de la liberté humaine pour comprendre la nature et organiser le vivre ensemble. Or, aujourd’hui, Les forces de contrôle de la vie privée, qu’elles soient technologiques avec les programmes anglais et américains, ou idéologiques avec la montée en puissances des conflits religieux, font admirablement bien leur travail. Est-ce cela que nous voulons ?

Heureusement, lorsqu’un homme comme Snowden se lève, au risque de sa vie et au nom de sa conscience, pour dénoncer l’injustice, il réveille tous ceux qui crurent un instant que la liberté de conscience et les Droits de l’Homme étaient des acquis définitifs de l’Histoire.

Par de-là le personnage, son aventure ne laisse personne indifférent. C’est qu’elle fait écho à une structure mythologique universelle : celle du héros prométhéen qui « trahit » les siens (les Titans puis les Dieux) pour apporter aux hommes un surcroît de liberté et de connaissance. Sa posture est extraordinairement ambivalente car elle entre en résonance avec un l’archétype symbolisé, dans la mythologie grecque, par Prométhée : du point du vue du vieux monde, c’est-à-dire de l’ancien système de pensée, le Titan est un traître ; du point de vue du nouveau monde, tous voient en lui un prophète.

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Prométhée, la sublime irrévérence

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Laisser flotter le temps pour gagner du temps

 

Pour gagner du temps, laisser flotter le temps ? Eh bien oui ! Dans le jeu des contraires gagner du temps c’est aussi se laisser gagner par le fleuve du temps. Mais comment ?

Les gros cailloux d’abord

J’aime beaucoup cette histoire. Un jour un consultant très connu se présenta devant une assemblée de cadres de haut niveau pour une conférence. Il s’installa devant son auditoire et, sans mot dire, commença à déballer son matériel pédagogique : un grand vase vide, des cailloux de tailles variées et un broc d’eau. Toujours en silence, il commença à déposer les cailloux les plus gros au fond du vase, puis ceux de tailles intermédiaires et ensuite les plus petits. À la fin du processus, il remplit le récipient avec du sable de manière à ce que celui-ci soit comble. Puis il ajouta de l’eau jusqu’à plus soif. Enfin, il s’adressa à son public de cadres dirigeants et leur demanda ce qu’ils comprenaient de cette mise en scène symbolique. Certains répondirent qu’il fallait optimiser son temps de manière à ne laisser aucun moment vide, d’autres que les détails – le sable – étaient essentiels pour finaliser un projet, d’autres encore qu’il fallait hiérarchiser les tâches, des plus urgentes aux moins importantes, pour atteindre ses objectifs. « Non ! » leur dit-il en substance. « Pour remplir de manière optimale le vase de votre temps personnel il convient d’y déposer d’abord vos gros cailloux ». Et qu’est-ce d’autre sinon ce qui vous tient le plus à cœur ? Ce qui, dans votre vie, vous paraît le plus essentiel ? Penser à ses gros cailloux après avoir rempli son vase de temps d’une infinité d’autres activités plus ou moins importantes risque fort de conduire à ce douloureux constat : « je me suis engagé dans une kyrielle d’activités et de projets, certes intéressants, mais inessentiels pour moi. Et maintenant, lorsque je tente de les introduire dans le vase ils sont trop gros et n’y trouvent plus leur place. Pire : le récipient déborde… »

La découverte de nos « gros cailloux » n’est pas toujours facile, tant il est vrai que les évidences sont parfois les plus difficiles à découvrir, cachées sous la poussière de nos conditionnements intellectuels, culturels, familiaux et professionnels.

Nés de la terre, nés de la nuit

Comment dès lors les repérer, ces pépites de sens qui permettent d’éviter bien des détours et autant de pertes de temps ? Une autre métaphore va nous y aider. Les paysans et les géologues savent bien que le destin des pierres enfouies est de remonter inexorablement vers la surface des terres fertiles, poussées vers le haut par la pression du sous-sol. Dans le monde souterrain, l’Hadès des anciens Grecs, œuvrent des forces obscures et mystérieuses dont la nature et la compréhension n’ont, ici, aucune importance. Il suffit de les laisser œuvrer. C’est pourquoi la nuit est d’un grand secours. Hier soir, comme par exemple pour écrire ce texte, je laissai flotter l’idée « votre meilleure astuce pour gagner du temps ». Le travail de l’inconscient fit le reste.

Non ! Pas de révélation ni de voix qui dictent quoi faire, ni même de rêves éclairants. Rien de surnaturel ! Simplement une disposition d’esprit, une orientation particulière de la conscience, qui est alors prête à agir juste et surtout avec fluidité. Alors le rêveur se fait orpailleur. Du fleuve du temps, qu’il contemple avec patience et détachement, surgissent les éclats d’or de ses pierres les plus précieuses. Il n’aura plus, le lendemain matin, qu’à les passer au tamis de son attention concentrée pour les extraire de la terre, du lit du fleuve du temps où elles dormaient paisiblement.

La préparation à la nuit, en laissant flotter une question dans la conscience, est une invitation à séparer l’essentiel du subsidiaire, non dans le sens d’une efficacité extérieure mais d’une clarification intérieure. L’efficacité extérieure viendra ensuite, naturellement et sans effort.

Toc ou vif argent ?

Comment savoir si un acte, une idée, un projet où une parole est juste ? Combien de temps, en effet, gaspillé dans des efforts et des activités qui augmentent la maya du monde, qui confondent agitation et action, bavardage et parole, élaboration et foisonnement, multiplication du même sous des formes différentes et création !? Bref ! Quels critères avons nous pour savoir si nos gros cailloux ne sont pas de vulgaires blocs d’argiles, friables et encombrants ? Evidemment, il n’existe pas de réponses certaines. En ce qui me concerne deux fils d’Ariane guident mes pas entre la montagne du « trop plein » et le no man’s land du vide, entre un activisme exténuant et un non-agir déprimant. Le premier est un sentiment de joie. Une joie qui vient du cœur. Cette jubilation intérieure signe la justesse. Et la justesse conditionne la réussite. Pourquoi ? Et c’est là le second critère : la confiance dans le monde du mystère. Une action juste, non dans l’absolu mais à un moment donné de notre histoire, est portée par l’univers, « accompagnée par les dieux » diraient les anciens Grecs. Jung et Ira Progoff  parlaient de synchronicitées pour décrire cela. Lorsque notre manière de faire s’accorde avec un besoin de l’univers, alors celui-ci contribue intensément à son accomplissement. Alors il n’est plus besoin de gagner du temps car c’est le temps qui nous gagne. Il nous porte comme le ferait un fleuve avec une barque, en direction du grand Océan, vers cette  Immensité dont nous ne percevons encore à l’horizon que quelques embruns épars.

Alors, quels sont vos gros cailloux ?

Luc Bigé

 

Le murmure des mots : la langue des oiseaux

 La langue des oiseaux

Extrait du Petit dictionnaire en langue des oiseaux, Luc Bigé, Éditions de Janus

Les mots nous parlent au moins autant que nous les parlons. Certes, ils ont un sens conventionnel sur lequel tout le monde s’est mis d’accord au fil des siècles mais ce sont aussi des symboles, tant par la géométrie des lettres qui les composent que par les sonorités qui les agitent. C’est cela la langue des oiseaux encore appelée « la langue des anges ». Comprendre ce langage c’est reconnaître que derrière les significations parlées conventionnelles se cache un métalangage autonome qui est celui de l’inconscient. Lacan reconnaissait déjà cela en intitulant l’une de ses conférences « les non dupes errent » pour évoquer « les noms du père ». Et celui qui connaît « les noms du père » n’est-il pas sans racines, « non dupe » de l’emprise des traditions et « errant » seul, à jamais sans références ni « re-pères » ?

L’inconscient ignore nos conventions grammaticales et les origines étymologiques des mots. Il ne se limite pas à l’unique signification que la conscience cherche à leur accorder. A deux choses seulement il est sensible : la sonorité et l’image. Pour le reste il fait feu de tout bois, un peu comme dans les rêves où il utilise les matériaux de la vie objective pour les transformer de manière apparemment chaotique et délivrer, dans son parler symbolique, un message à notre conscience. C’est cela un univers onirique : un monde objectivement irrationnel et chaotique qui ne suit pas les règles de la raison, mais un monde saturé de significations.

Ces deux voies d’expression du sens, celles de la géométrie et de la sonorité, s’enracinent très profondément dans la nature de l’univers. La philosophie tantrique enseigne que la Mère Divine se manifeste par la forme et le nom, et qu’il existe de nombreux mondes sur différents plans de conscience, tous contrôlés par le pouvoir de la Mère Divine. L’objectif de la pratique tantrique consiste à s’identifier au Sans Forme et au Sans Nom situé au-delà de tous ces univers : à la suprême Shakti[1]. Comprendre le jeu des noms et des formes est un premier pas pour sortir de la prison de nos identifications et nous ouvrir au pouvoir, à la conscience et à la bénédiction du Suprême.

Chaque lettre est à la fois un son et une image. Les voyelles portent préférentiellement la sonorité alors que les consonnes, imprononçables sans l’aide des précédentes, existent d’abord par leur graphie. Chaque mot ressemble à une mélodie architecturale qui amplifie les sonorités et les formes des lettres. Nous verrons que les vingt-six lettres de l’alphabet latin représentent vingt-six archétypes, autant de pierres blanches sur un chemin initiatique de transformation et d’évolution intérieure.

Néanmoins ce petit texte sur la langue des oiseaux est à prendre comme un jeu, sans prétentions scientifiques ni même l’intention de proposer une réflexion autour de l’impact des sonorités et des formes des lettres sur la psychologie humaine. C’est donc un jeu avec ses règles, son univers à lui, ses limites, sa grammaire et surtout l’intervention du hasard, de la « chance » de découvrir un nouveau sens caché. Chacun aura cependant remarqué que l’activité ludique dévoile toujours une part de vérité, comme sans en avoir l’air : sur la psychologie des joueurs, sur le fonctionnement des lois de la nature ou sur les présupposés d’une société. Et puis l’amusement libère le cœur et l’esprit des contraintes imposées à l’homme par la société et par la nature. Grâce au jeu, l’être humain cherche « sa muse » et « s’ame-use », il sonde son inspiration et l’usage de son âme. A moins, bien sûr que ce ne soit l’inverse lorsque le jeu devient trop sérieux et remplace, pour le joueur trop accroché, le vrai monde. Dans ce cas s’amuser devient l’action de « s’âme-user », de perdre son âme. Comme toujours chaque mot, chaque concept un peu profond, contient en lui-même une chose et son contraire. C’est là l’une des grandes règles du jeu de la langue des oiseaux, comme nous allons le voir.

C’est donc dans cet esprit de liberté et d’inventivité que nous convions le lecteur à entrer dans ces lignes. Lorsque le ridicule ne tue plus, la pensée prend son envol vers des horizons incertains, parfois sans avenirs, parfois légers qu’une bulle de savon, mais aussi, quelques fois, elle rencontre des perles de sens qui brillent dans le firmament de la conscience. Ce sont ces perles-là, différentes pour chacun, que nous vous convions à glaner au fil des pages, au fil des mots, au fil du jeu et parfois sur le fil du rasoir entre la folie et la raison.

Trop de sérieux, c’est-à-dire trop de sciences étymologique, grammaticale ou sémiologique tuerait la liberté de dévoiler le sens des mots. Ce sens-là ressemble étrangement aux oiseaux qui ont donné leur nom à cette « langue » : ils ne s’attrapent que très difficilement et acceptent à peine de se laisser apprivoiser la fragilité d’un instant lorsque la main se fait caressante et donnante. Ce n’est pas la volonté du chasseur ni son intelligence qui feront tintinabuler leur pépillement, mais des graines posées dans une main amoureusement tendue. Celui qui souhaite attirer les oiseaux ne peut donc que se mettre en position d’attente et d’ouverture à tous les possibles, tout en créant un besoin : celui de la nourriture, celui du sens. Les « oiseaux », ces pépites de sens qui circulent dans l’air, le monde symbolique de la pensée, ne supportent pas les cages. Ils sont rétifs aux barreaux rectilignes et froids qui forment l’armature de toutes nos grilles de lectures. C’est pourquoi évoquer des règles pour attraper les pépites de sens qui circulent ici et là dans l’inconscient du langage et dans la forme géométrique des lettres ne devrait se faire qu’avec parcimonie et prudence. En d’autres termes, ici plus qu’ailleurs, il s’agit d’éviter les systèmes car ce langage est celui de la vie, une vie rétive à l’enfermement dans des définitions qui ne seraient en réalité que des « finitions », que des tombes annonciatrices de la mort.

L’univers du langage ne s’invente pas : il s’explore. Il s’explore dans son immense richesse que ce soit à travers le roman, l’essai, l’écriture automatique, le texte scientifique ou la poésie. La langue des oiseaux représente l’une de ces voix plurielles du langage. Plus peut-être que toute les autres elle se prospecte. Le lecteur se fait orpailleur à la recherche de la pépite qui parlera à son cœur. Nous ne proposons ici que quelques possibilités : chacun en découvrira d’autres parfois plus pertinentes ou formulera les anciennes d’une manière plus explicite. Seule l’expérience aidera à cela.

Les lettres ont une histoire et s’écrivent autrement dans d’autres alphabets. En d’autres termes leurs formes et leurs sonorités varient en fonction du temps et de l’espace. Mais cela n’est-il pas  aussi signifiant ? Plutôt que de rechercher la forme originelle du « A », par exemple, ne faut-il pas prendre acte de sa modification et considérer que cela marque la manière dont une époque et un peuple interprètent au plus profond de son inconscient l’archétype porté par le « A » des origines ? Il s’agit donc de prendre garde et d’éviter de porter un hypothétique alphabet originel au pinacle des choses désirables et disparues, comme un Adam du monde des lettres, comme un Adam du monde de l’être. Car si la forme originelle n’est plus utilisée c’est qu’elle ne répond plus à un besoin. C’est que le monde du sens a changé et s’est transformé en même temps que la lettre qui cherchait à l’exprimer. Si l’on souhaite retrouver la nature profonde du « A » le mieux serait sans doute de rechercher une synthèse dans la manière dont il s’exprime aujourd’hui dans les différentes langues vivantes en notant, comme ici avec le Français, sa forme et sa sonorité.

Ce livre ne sera pas traduit dans trente-six langues ni même dans une seule puisqu’il joue avec les sonorités du Français. Mais rien n’interdit de penser que le génie propre aux autres parlers se prête à un décodage analogue. Peut-être… car le vocabulaire des oiseaux décode la langue « an-glaise » comme un parler des affaires et du monde matériel (la glaise) ; le sans-script » comme une langue sacrée qui est au-delà de toute forme matérielle, fusse-t-elle celle de l’écriture (le script) ; l’ « Al ment » comme la volonté de l’esprit de l’homme (mens) de s’identifier à dieu (Al)… et le « franc s’est » comme une parole de vérité.

 


[1] Krishna Bhikshu, a chakra at sri Ramanasramam in The Mountain Path (april 1965).

Extrait du Petit dictionnaire en langue des oiseaux (Luc Bigé)

La Lune Noire en astrologie

 La Lune noire en astrologie

Nous avons, jusqu’à présent, exploré le contenu de cette « Lune Noire » sur la base d’une analyse symbolique de sa définition astronomique et du matériel mythologique, pour l’essentiel grec et judéo-chrétien, conservé dans la mémoire collective.

Ces réflexions suggèrent plusieurs pistes pour comprendre le sens astrologique des points remarquables du système Terre-Lune. En voici un résumé :

-       La Lune Noire, dans un thème, doit être déployée en croix afin de tenir compte de la présence du petit axe de l’ellipse formée par la révolution de la Lune autour de la Terre.

-       La Lune Noire moyenne, la Licorne, est un lieu d’absolu où gît le mythe fondateur de l’être, son désir essentiel, le don divin qu’il porte en son cœur et en sa claire conscience  de détenir la Vérité.  Mais ce mythe si essentiel  il a tendance à le croire unique au risque d’une extrême intransigeance. Il veut l’imposer à tous en croyant « faire le bien ». Derrière cette attitude intransigeante se cache un refus d’incarnation, c’est là toute l’ambiguïté de la couleur blanche : refus de se salir les mains en les plongeant dans le pétrin, ou pure réflexion de la Lumière  Incréée ?  Enfin la Licorne possède une forte composante sexuelle, mais un sexe situé dans la tête, une vitalité créatrice qui ne peut lui faire aimer que ce qui est de l’ordre de la révélation.

-       La Lune Noire corrigée est un lieu où les énergies émotionnelles et vitales non assimilées par l’ego se sont condensées sous la forme de peurs, d’angoisses, de désirs de mort, de pertes de conscience et de confusions. Pour retourner à la Licorne il faut traverser Lilith, nettoyer ces mirages  émotionnels  qui encombrent l’accès au don de Grâce que chacun porte en lui. Si la Licorne maintient  les images du paradis originel, Lilith incarne celles de la chute en raison de l’orgueil fondamental de l’être qui, à un moment de son histoire, s’est pris pour Dieu.

-       La Lune Noire vraie indique la meilleure manière de revenir vers cet absolu sans sombrer dans l’océan des illusions généré par Lilith. Cultiver les qualités du signe, de la maison et du symbole sabian de cette Lune Noire nous protège de celles-ci.

-       Priape, le point opposé à Lilith, est un point de compensation où l’ego conscient, la personnalité « normale », bien vue par son entourage, chérie par les siens, va se construire. Pourquoi « compensation » ? parce que Priape est la « meilleure » attitude que l’être à trouvé pour échapper à Lilith, à ses peurs et ses angoissent les plus profondes. Dans ce contexte la personnalité se construit contre la peur, grâce à la peur.

-       Hécate, toujours exactement conjointe à la Licorne dans le thème de naissance, propose toujours un choix fondamental. « Fondamental » signifie ici plus que « de vie ou de mort » - c’est le domaine de Pluton qui, au contraire, impose et ne laisse guère choisir ! - mais se réfère à la dialectique existence / inexistence. En faisant ce choix, dont la nature est donné par la maison de la Licorne, l’être décide d’aller ou non vers la lumière de l’hyperconscience qui l’habite… en sachant que celle-ci peut le brûler ou le régénérer pour de longues années. Tous les 10 ans en moyenne – le temps d’un retour de la Licorne sur elle-même dans le thème de la naissance – ce type de décision essentielle se pose.

La sexualité de la Licorne est toute cérébrale, elle ne peut s’affirmer que dans l’admiration de la clarté d’esprit de ses compagnons. A travers l’expérience sexuelle elle cherche à contacter la pure lumière de la volonté divine, l’éclair qui illumine la nuit de son incarnation en lui promettant de revenir, ne serait-ce qu’un instant, à l’expérience intime de l’information  signifiante dénuée de toute lourdeur qui est à son origine, à l’étoile chère au poète qui brille dans la « claire lumière  des azurs limpides ».

La sexualité de Lilith est ivresse des sens ; profondeur, voire lourdeur, du ressenti, jusqu’à la perte de conscience et l’annihilation de soi dans un retour vers la chaude indifférenciation de la matrice primordiale.  Elle s’oppose bien entendu à la claire et fière conscience  de sa différence qu’affirme la Licorne.

La sexualité de Priape est parodie de création, elle multiplie les formes biologiques, culturelles et intellectuelles sans même concevoir une seule seconde qu’en leur sein un Sens cherche son chemin. Ce Sens qui fascine  la Licorne  et que Lilithn a détourné, trahi, pour son plus grand drame. Et par nécessité évolutive.

Seules les Lunes Noires sont des vortex d’inergies actifs. Les autres points - Priape, Affirmation et Soumission, puis, nous en reparlerons ultérieurement, Phœbus, Purification et Elévation - sont là pour endiguer, transformer et finalement  rendre visible à la conscience le mystère sacré qui gît au cœur du couple Licorne-Lilith. La croix n’a d’autre but que de dévoiler les stratégies adoptées par l’être essentiel  pour échapper puis revenir pas à pas vers le sens de son existence, vers son seul désir : l’étoile qui brille au centre de son âme, la mission  à lui imposée par la « volonté de Dieu ». D’abord imbu de la présence Divine (Licorne), puis athée et n’ayant d’autre dieu que sa réussite matérielle et sociale (Priape) il va revenir, plus modestement, certes, vers l’affirmation et l’accomplissement du sens de sa destinée (la Licorne, à nouveau).

La Lune Noire corrigée (Lilith) est une construction énergétique consécutive au refus de la Licorne de s’incarner et de renoncer à son orgueil ontologique. C’est un pur mirage composé des souvenirs non encore digérés de la chute. A l'origine du processus évolutif il n'y a que l'être essentiel : la Licorne. C’est par intransigeance et orgueil spirituel qu’elle construit Lilith. Bien malgré elle il est vrai ! Ici, le proverbe qui affirme que « celui qui veut faire l’ange fait la bête » est à prendre littéralement ! L’ambiguïté de la Licorne mythologique, à la fois douce et terrible, n’est pas une vaine image.

La différence entre Lilith et la Licorne c'est que, avec la Licorne, il n'y a rien de fusionnel. Du point de vue de la Licorne le paradis est d'ordre mental, elle aspire à la fusion avec toute l'information de l'univers, au paradis de la connaissance et du savoir pur. Mais le mental est séparatif, intransigeant, et n'accepte pas l'erreur. Les yeux renvoient à la vision : voir c'est comprendre. La lumière, c’est aussi la Connaissance.

Dans un thème il est essentiel de distinguer Lilith de la Licorne, surtout quand ces deux points ne se trouvent pas dans le même signe. Le signe de la Licorne indique quel est le mythe fondateur de la personne. Le signe de Lilith représente la nature de ses angoisses et de ses peurs les plus profondes, les plus inconscientes aussi. La psychanalyse dira de Lilith qu’il s’agit du noyau psychotique de l’être, là où, s’il y accède trop tôt, il risque d’être « démembré », déstructuré, de perdre toute confiance en lui et en ses capacités.

L’utilisation des sous-phases et des symboles sabians différencie la note de l’absolu de celle du lieu de souffrance, notamment lorsque les Lunes Noires sont dans le même signe, ce qui est assez fréquent. Mais il est sommes toute logique que le lieu de chute soit en résonance avec la nature des excès, des refus et des intransigeances.

Si les deux Lunes Noires sont sur le même degré l’accès aux zones de souffrance est plus difficile, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient ! Si elles se trouvent dans deux signes différents, ou proches de leur maximum de distance (12° d’orbe) alors il est plus facile de rencontrer l’ombre et la peur de l’inexistence… ce qui est aussi à la fois un avantage et un inconvénient !

De même, lors d’un transit par une planète, il est important d’observer précisément  laquelle des Lunes Noires est touchée puisqu’elles prennent des sens totalement différents. Joëlle de Gravelaine avait bien senti cette distinction sans cependant les attribuer aux différentes positions astronomiques. Tantôt, dans son ouvrage Le Retour de Lilith,  elle détaille les valeurs d’intransigeance et d’exigence de la Licorne, tantôt ce sont ses valeurs de confusion émotionnelle, de dépression, de vortex d’énergies négatives, de perte de conscience conjugué avec une d’exacerbation des instincts et du désir, de ce quelque chose d’orgiaque qui appartient à Lilith. Or, dans la pratique, elles sont conjointes mais distinctes.

En termes métaphysiques, la Licorne garde le souvenir du paradis originel. Psychologiquement, c'est l'absolu, la connaissance infuse.

En termes métaphysiques, Lilith est le lieu de la chute hors du paradis originel. Psychologiquement, ce sont les peurs et les angoisses.

Sentez bien cette zone d'intransigeance, de lumière froide et de silence aristocratique, une zone où se côtoient en même temps à la peur de l'inexistence et à un désir d'absolue existence.

L’ennui, c’est que la Licorne veut tout, et tout de suite ! Elle est tellement fascinée par son absolu qu’elle voudrait déjà l’avoir atteint. Selon elle son état normal est juste la perfection. Une impatience qui se conjugue avec un refus de passer par des étapes, de dégrossir le diamant de sa gangue. Elle dira « je veux tout, tout de suite, parce que c’est une évidence, j’en ai la connaissance infuse, la certitude intérieure » tout en se sentant « lie-corps-ne », en refusant les imperfections de l’expérience. Un autre adage du moyen Age affirmait que la Licorne se laissait  mourir de soif au bord de la fontaine car l’eau n’était jamais assez pure. Tout se passe comme si elle vivait en dehors de l’espace et du temps. Elle sait pertinemment ce qui est juste mais ne va surtout pas se donner la peine de le matérialiser, ce serait risquer de dénaturer la pureté de son rêve d’absolu. Le désir de la Licorne est claire conscience. Son refus d’expérimenter est refus de la banalité, de l’imperfection et de la souillure. Elle est soif d'absolu et de pureté. Ici un compromis est une compromission. Jamais l’eau de la fontaine ne sera assez pure. Par fidélité à son idéal elle préférera se laisser mourir de soif plutôt que de prendre le risque d’une eau souillée, même un peu. La Licorne ne supporte pas les à-peu-près, les adaptations, les limitations d’elle-même et de ses compagnons. L’exigence domine ! Jamais elle ne pardonne ni ne remercie car il est normal d’être parfait. Et toute la difficulté sur le chemin de l'évolution sera de transformer cet absolu froid et distant en conscience mystique ouverte au monde et à l'univers. C'est l'incarnation (le Coagula) qui permettra de développer la conscience objective (l’initiation du Nadir) puis la conscience mystique.

La Licorne symbolise le commencement de la grande aventure de l'âme qui a choisi l'incarnation. Si elle devient négatifve elle confronte à la déstructuration de l'image corporelle. La Lune construit l’image du corps de chair et la Licorne le refuse.

La maison de la Licorne sera dans un premier temps une maison refusée ou, plus exactement, inaccessible en raison même de l’exigence qui l’habite. Dans ce champ d’expérience il est « normal » d’être parfait. Une telle exigence vis-à-vis de soi-même et/ou des autres se révèle tellement invivable que, bien souvent, la personnalité va se « réfugier » sur Priape, c’est-à-dire dans le signe et la maison opposés à ceux de la Licorne. Là, elle sera reconnue, valorisée, efficace, construira son ego, acquérra confiance en elle… mais conservera toujours dans le secret de son cœur la nostalgie de ce « seul désir » dont Dame Licorne détient le secret.

On ne peut pas discuter avec une Licorne encore au début du processus évolutif parce qu'elle sait quelle est la vérité. Et elle a raison, sauf qu’elle considère que sa vérité est La Vérité. Elle ne réalise pas qu'il y a 360 degrés zodiacaux, pense qu'il n'y a que le sien, est imperméable à toute conscience objective, c'est-à-dire à toute irruption du monde extérieur, à tout ce qui est autre que sa mythologie personnelle dans la compréhension de sa propre vie. C'est l'orgueil essentiel, celui généré par la conscience d’être une essence.

Prenons un exemple : Licorne en Maison V. C’est la maison de la créativité, de l’éducation des enfants, de l’expression affective, des plaisirs de la vie, ce sont les expériences par lesquelles le personne « prend son pied ». Avec la Licorne en maison V, l’être aura la connaissance infuse de ce qu’il faut faire pour élever les enfants, créer une œuvre, danser, dessiner, vivre une relation amoureuse avec un grand « A »… mais en reste souvent là car produire quelque chose d’imparfait serait à ses yeux une trahison. C’est pour cela que la croix existe : pour l’aider à façonner l’abat-jour filtrant la lumière de son étoile. Mais pour la Licorne c’est là  un difficile chemin de Croix. Evidemment, sur le plan événementiel,  de nombreuses personnes avec une licorne en V ont des enfants : l’interdit n’est pas toujours situé à ce niveau  là ! Mais toutes ont cette même exigence dans l’éducation, toutes acceptent difficilement les conseils des autres car elles « savent » exactement ce qu’il faut  faire, aucune ne supporte les à-peu-près et toutes en souffrent. Leur créativité  est tellement emprunte d’exigence  qu’elles préfèrent ne rien faire plutôt que de créer une œuvre imparfaite. Ce sera tout ou rien… et, le plus souvent, rien.

La maison de la Licorne est le champ d’expérience où nous avons une connaissance infuse,  nous savons ce qu’il faut faire, ce qui est juste. Et en plus nous avons raison : c’est bien là le problème ! La grosse difficulté est que, bien que sachant ce qui est juste, la vie va nous interdire de le mettre en application, et nous allons devoir poser un véritable acte d’humilité :  reconnaître qu’il est impossible de faire comme ça même si nous savons que c’est cela qui est juste. L’impossibilité de vivre dans la pure conscience de la vérité perçue n’est pas due à une illusion d’optique, mais à l’orgueil. Un orgueil ontologique qui ne tient pas compte des limitations et des faiblesses, les siennes et celles des autres. Un orgueil qui voit d’emblée à travers l’autre ce qu’il pourrait être s’il était parfait en passant allègrement par dessus sa nature « humaine », trop humaine. La  Licorne à voulu imposer un absolu, juste en soi, mais non adapté à la réalité. Dans un premier temps, otage de son idéal, elle ne réalise jamais que l’autre existe, elle n’a pas le sens de l’altérité .Son exigence est faite de lumière, non d’amour.

Elle a besoin de découvrir l’amour, le sens de l’Autre dans toute sa différence et sa spécificité à jamais inaccessible. Elle devrait reconnaître qu’elle ne peut pas tout connaître, que la corne du pourvoir ne peut à elle seule percer tous les secrets de ce monde.

Une Licorne en VII sauratrès bien quel mode de relation absolue elle veut établir avec l’autre mais, en général, elle n’en établit pas parce quelle exige que ce soit tellement parfait  - tellement sacré en réalité - qu’elle n’en a pas ou, si elle en a une, elle risque de projeter sur son compagnon cette exigence de pureté, de considérer comme normal qu’il soit parfait, de demander qu’il la comprenne silencieusement en une même communion au sein « des azurs limpides ». La Licorne en VII sait ce que devrait être une relation, mais elle ne réalise pas vraiment qui est l’autre. Elle porte en son cœur le sens d’une relation spirituelle et sacrée –  dans le couple, mais aussi dans toute relation de personne à personne. Cependant, cette mission l’habite tellement qu’elle éprouve de la difficulté à accepter chez autrui tout ce qui brouille sa vision, ne serait-ce qu’un peu. Alors, fidèle à son exigence, elle risque de se retrouver seule. Lilith en VII, par contre, révèlera une peur viscérale du rejet, des mémoires obscures d’avoir été «chosifié » dans le relation et la peur de se laisser manipuler, d’être trahi et trompé. Lilith en XII rappelle des mémoires d’enfermement physique ou psychique (selon son signe), le peur de ne pas avoir d’espace, mais aussi celle profonde, viscérale, inconsciente de se laisser manipuler par des groupes à orientation ésotérique qui utilisent des rituel ou des cérémonies « magiques ».

La maison de Licorne sera dans un premier temps vécue en termes de refus, d'absolu et d'intransigeance. La demi-mesure sera considérée comme une trahison. En maison V, la personne pourra faire le sacrifice de son potentiel créateur en se voyant incapable de produire un « Picasso » dès le premier coup de pinceau. Au début du chemin évolutif la maison de la Licorne est refusée pour deux raisons :

-       Le désir de perfection inhibe l’action, l’idéal reste au ciel.

-       Le plus souvent Lilith côtoie le Licorne dans le thème de naissance. L’absolu est entouré de mauvaises fées qui susurrent  « si tu fais cela, tu vas mourir, tu risques de retomber dans l’insupportable expérience de l’inexistence ».

Le but du jeu consiste prendre conscience de ces peurs puis de mettre la croix en mouvement afin de ne pas rester coincé dans la maison et le signe des Lunes Noire. De se souvenir aussi sans cesse que la Licorne est une grâce.  Souvenons-nous de la relation Licorne/MC, étoile intérieure/étoile extérieure. L’idée générale étant de parvenir à exprimer la vérité que porte cette Licorne avec l’orgueil  en moins et l’Amour en plus. Une des clés pour travailler la Licorne est l’ouverture du cœur à l’aide des valeurs représentées par Neptune dans le thème.

Une fois encore, il faut traverser Lilith pour retourner à la Licorne. « Traverser Lilith », c’est réaliser intérieurement qu’il s’agit d’une construction émotionnelle qui, si elle n’est pas doucement conscientisée, nous conduit régulièrement à nous mettre dans des situations répétitives de fuite, des conduites d’échec, qui nous spolient de ce qui, pour nous, est essentiel : le « seul désir » de la Licorne. « Traverser » ne veut pas dire passer son temps à faire de la psychothérapie[2], cela signifie voir que ce sont ces peurs, les voir afin de ne plus se laisser manipuler par elles. Mais il ne s’agit pas de passer son temps à travailler dessus, il vaut mieux développer les qualités d’Uranus dans le thème natal. Uranus est la clé qui permet de « voir » Lilith et Lilith est la clé qui ouvre la porte de la Licorne. Lilith, c’est le « gardien du seuil », le dragon mythologique qui garde l’accès au potentiel de lumière.

Le signe de la Licorne révèle la nature du mythe personnel, le type d'absolu qui alimente la vie intérieure. Le signe de Lilith dévoile la nature des peurs et des angoisses qui submergent l'être, tout ce qui le confronte à un sentiment d'inexistence.

 


[1] Les autres éphémérides donnent en général les positions moyuennes (Licorne) et corrigées (Lilith), alors que les logiciels calculent la position de Lilith, mais il est prudent de vérifier.

[2] De nombreuses psychothérapies contemporaines (pas toutes, heureusement !) traitent du plan de la personnalité et cherchent à adapter celle-ci aux comportements sociaux en vigueur. Or le « travail » sur la Lune Noire touche la plan essentiel, métaphysique, de l’être. Une dimension que la psychologie contemporaine ignore, voire considère comme pathologique.

Pour aller plus loinLa Lune noire, un vertige d’absolu

 

 

 

L’histoire d’Israël : les enjeux du processus de paix

L'histoire d'Israël et son avenir, vus par l'astrologie

Note : cet ouvrage fut écrit en 1995

Ce processus de paix commencé subjectivement en 1982 et officiellement en 1993, que va-t-il advenir ? Certes, ce que la clairvoyance des nations en fera ! Si cette clairvoyance a quelques chances d'être soutenue par la lecture cyclique et symbolique des processus historiques, c'est en dégageant aussi clairement que possible les enjeux du futur en termes de sens et de dates.

En termes de sens nous avons noté l'interférence de deux structures cycliques à partir de 1966-1967 :

  • Celle relative à la naissance puis à la consolidation de l'Etat israélienau sein du Moyen-Orient. Il s'agit du Grand Cycle Saturne-Pluton détaillé dans cet ourage, il arrivera à son apogée en 2001-2002.
  • Celle, plus générale, qui concerne l'ensemble de cette région du globe jadis représentée politiquement par les Empires byzantin puis ottoman. Sur les ruines de Baghdad (1055) puis sur celles de Byzance (1453) les Turcs construisent ce qui deviendra l'une des puissances majeures de l'Europe et du Moyen-Orient. Ce cycle est symbolisé par la séquence des conjonctions Uranus-Pluton. L'implantation des colonies juives en territoires occupés commencée après la guerre des six jours et inlassablement poursuivie depuis, malgré les accords d'Oslo, relève de la phase croissante d'un de ces cycles.

Les précédentes conjonctions Uranus-Pluton eurent lieu en 1850-1851, 1710-1711, 1597 et 1453-1455. Cette dernière date, nous l'avons déjà souligné, marque la fin de l'Empire Romain d'Orient. Le début des années 1850, date qui correspond aux premières implantations juives en Palestine, interfère avec les destinées de l'Empire ottoman sur le déclin. Cet Empire, que les chancelleries occidentales qualifiaient de "vieil homme malade", sera officiellement enterré en 1923 avec la proclamation de la République turque.

Il convient donc de replacer la naissance d'Israël dans un contexte historique plus large, à savoir la succession des Empires romain, byzantin puis ottoman. Tour à tour les Romains, les Grecs, les Francs et les Turcs ont envahi ces immenses territoires quasi-désertiques du Moyen-Orient. Seule la civilisation musulmane née à Médine avec Mahomet a su rassembler les tribus indigènes, les réunir au nom d'une foi commune, puis développer une civilisation florissante. Or l'Empire islamique vit - vivait - au rythme des conjonctions Uranus-Neptune alors que les "colonisations" successives sont symbolisées par les cycles Uranus-Pluton. Finalement, pour comprendre les enjeux contemporains du Moyen-Orient, il faut réfléchir non pas aux deux mais aux quatre structures cycliques qui, à des degrés divers, interviennent et parfois interfèrent :

  • La première, la plus importante en raison de son affinité avec la société juive d'Israël, nous l'avons analysée en détails en suivant pas à pas le G.C. Saturne-Pluton.
  • La seconde est relative à la nature et au devenir des peuples moyen-orientaux rassemblés sous une même foi, l'islam. Elle est symbolisée par les cycles Uranus-Neptune. Malheureusement, une argumentation de cette affirmation dépasserait le cadre de cet ouvrage. Notons simplement que l'enseignement de Mahomet (620-632) et la conquête extrêmement rapide qui s'ensuivit survinrent en synchronicité avec une conjonction entre ces deux planètes dans le signe de la Vierge en 623-624. Rappelons que le calendrier musulman commence avec l'Hégire, l'expatriation du Prophète et des premiers musulmans de la Mecque vers Médine, daté du 16 juillet 622.
  • La troisième est relative aux invasions du Moyen-Orient par des puissance militaires étrangères désireuses d'y fonder un empire : l'Empire romain d'abord, puis les Turcs et les Croisés. Les étapes de d'union et de désunion du moyen-orient sont scandées par les cycles Uranus-Pluton.
  • La quatrième matérialise - sens de Saturne - la fonction "Uranus" de la conjonction Uranus-Pluton de 1851-1852. Il s'agit des cycles Saturne-Uranus marqués par les conjonctions de 1897, 1942 et 1988. Ces cycles sont surtout représentatifs de l'évolution, de la transformation et de l'application de l'idée de liberté, une idée qui prit corps dans le champ économique sous la forme de la doctrine libérale et de l'esprit d'entreprise. Négativement cette fonction conduit, dans les domaines intellectuel et économique à la spéculation, et, dans l'univers social, au clivage entre riches et pauvres.

Le processus de paix n'appartient pas au même courant signifiant que la question des Territoires occupés relatifs à la conjonction Uranus-Pluton en Vierge de 1965-1966. Le premier parle de dialogue, de reconnaissance mutuelle des Etats palestinien et israélien, d'établissement de justes relations entre deux peuples ; le second réactive la mémoire collective des croisades et, plus proche de nous, les souvenirs de la colonisation franco-britannique perçue comme une ingérence occidentale. Or, le carré croissant entre ces deux planètes se formera seulement entre 2012 et 2015, dates où le processus de colonisation des Territoires risque de subir de profonds revers si une solution n'est pas trouvée d'ici là. A titre d'illustration, le demi-carré (45°) entre Uranus et Pluton était exact pour la cinquième fois le 9 décembre 1987, le jour même du début de l'Intifada à Gaza, suivie de son extension rapide en Cisjordanie.

En Israël cette conjonction Uranus-Pluton s'intègre dans un existant : une situation de tensions politiques où la survie de la nation est en jeu et une mentalité collective qui s'efforce sans cesse de concilier liberté et pouvoir au sein d'une "démocratie autoritaire". Partout dans le monde, en ces années de révolte, la liberté battait en brèche les systèmes répressifs. Or Israël, dans le même temps, installait un nouveau système répressif en territoires conquis.

Alors, qu'en conclure ?

Conclure, ce sera sans doute l'Histoire qui s'en chargera. Nous ne pouvons ici que proposer des hypothèses :

  • Le rêve du "Grand Israël" que crurent accomplir certains en occupant militairement Gaza et la Cisjordanie reçut, au milieu des années soixante, le "coup de pouce inergétique" de la conjonction Uranus-Pluton, une conjonction qui, à chaque fois qu'elle se forme, pose la question du dialogue entre Orient et Occident, fut-ce le plus souvent par les armes. En réalité, la question des Territoires occupés soude le fragile consensus qui réunit les pays arabes bien plus qu'elle ne permet de construire l'élargissement territorial d'Israël. Dans une certaine mesure elle nuit à la sécurité nationale puisque ce cycle Uranus-Pluton interfère dans les esprits avec le processus de paix qui devrait se matérialiser en 2001-2002 par deux Etats se reconnaissant mutuellement.
  • Ce rêve réactive les souffrances, les humiliations et les incompréhensions nées des croisades entre les trois protagonistes que furent les Latins, les Grecs et les Musulmans. Elles sont réactualisées à chaque ingérence occidentale dans le monde oriental. La question, aujourd’hui d'importance, d'une réunification des valeurs véhiculées par l'Orient et l'Occident se pose au rythme des cycles Uranus-Pluton. Israël, tant géographiquement que culturellement, pourrait devenir un point pivot pour cette réunification. Ce serait exprimer les valeurs d'Uranus (individualisme et démocratie) et de Pluton (puissance de la volonté et sens du Tout) d'une manière nouvelle, en cohérence avec l'évolution planétaire qui entre rapidement dans la société d'information. Les territoires ne sont plus géographiques mais intellectuels.
  • Si le futur est envisagé à coup d'idéologies et de visions à court terme la politique de colonisation des Territoires pourrait se poursuivre bon an mal an jusque dans les années 2012-2015, malgré le coup de semonce donné par l'Intifada au moment exact du demi-carré Uranus-Pluton. En 1987 l'esprit de liberté (Uranus) renaissait au mépris de la volonté de puissance (Pluton). Il renaîtra encore de manière plus violente et, surtout, plus définitive au moment du carré si rien n'est fait pour concilier ces deux fonctions inergétiques. Le monde arabe pourrait alors prendre conscience de son unité de manière plus concrète. Deux à trois ans auparavant, vers 2009-2010 lors du second carré du cycle 5, une nouvelle crise aura secoué l'Etat hébreu, une crise qui mettra en lumière les limites et les imperfections des accords signés en 1993 et matérialisés en 2002 sans que soit intégré un règlement de la question des Territoires occupés.

Si cette question des "Territoires" occupe bien une place à part elle n'en doit pas moins trouver une solution pour affronter la période cruciale de 2012-2015 avec sérénité.

La conjonction des trois cycles dès 1851-1852 suggère l'existence d'une confusion entre trois motivations qui guidaient l'installation des premiers colons en Palestine. Motivations qui, à l'époque, en raison même de la nature de la conjonction, étaient loin d'être claires :

  • L'implantation dans un territoire et, à terme, la création d'un Etat juif : le Grand Cycle Saturne-Pluton.
  • Une entreprise néo-coloniale visant à démanteler encore un peu plus l'unité politique du Moyen-Orient : les cycles Uranus-Pluton. Cette thèse est défendue par les pays arabes sous influence socialiste et, bien sûr, par les Palestiniens.
  • Le rôle de la Diaspora qui soutient financièrement et intellectuellement le projet national sans s'impliquer physiquement : les cycles Saturne-Uranus. Ces cycles, en réalité, dépassent largement le cadre de la Diaspora puisqu'ils scandent l'histoire du progrès scientifique et économique depuis 1760. Les motivations, ici, sont d'ordre financières et technologiques.

 

 

Cinq cerveaux pour un Sapiens

La coupe verticale d'un cerveau d'homo sapiens dévoile trois zones biochimiquement et fonctionnellement distinctes. Paul Mc Lean, chef du laboratoire de recherche sur l'évolution cérébrale et le comportement au National Institute for Mental Health, a montré que celles-ci correspondaient à trois étapes de l'évolution.

La partie située immédiatement sur le pourtour du tronc cérébral avec, notamment, le cervelet, est la plus ancienne. L'homme la possède en commun avec les reptiles, les tortues et les lézards. Ce cerveau reptilien contrôle les instincts les plus fondamentaux communs à toutes les espèces vivantes : la volonté de survivre, les rapports de force de type dominance/soumission, les rituels, la défense du territoire, les "forts" qui se liguent contre les "faibles", les parades sexuelles.

Au-dessus de cette zone de réflexes immémoriaux est venue se greffer au fil de l'évolution une nouvelle structure que nous possédons en commun avec tous les mammifères : rat, lapin, kangourou. Ce système limbique enregistre des émotions comme la faim, la soif, le plaisir, la douleur, etc. En bref il est le siège de la motivation. Avec lui l'organisme manifeste sa colère, sa peur, son intérêt, sa passion. Il gère le fonctionnement du système nerveux autonome et possède déjà la capacité de s'abstraire de l'immédiateté de son environnement. En effet, si le cerveau reptilien est le lieu du réflexe de survie, la stimulation du système limbique perdure longtemps après la disparition du stimuli. Il possède "une intelligence affective" grâce à laquelle il interprète à sa manière son environnement en réagissant sur le mode de la valeur : "j'aime ou je n'aime pas, c'est bon ou mauvais". Si on supprime le système limbique d'un singe il conserve ses capacités motrices mais son comportement ne ressemble plus à celui du singe. Il tentera de manger des ordures, de copuler avec des poules. En un mot il perd contact avec le savoir de son espèce, avec "l'esprit" du monde des singes.

Le troisième "cerveau", qui n'appartient qu'aux primates, et que l'homme a particulièrement développé, est plus connu : il s'agit du néocortex. Il contrôle les activités conscientes ainsi que les relations avec les événements extérieurs de l'environnement. Notons que la concentration sur une pensée ou un objet stimule particulièrement une petite zone spécifique du néocortex. Par conséquent la concentration est une diminution du champ de conscience. Ici le recul par rapport à la réalité immédiate atteint un sommet puisque, par la pensée, l'homme est capable de se "re-présenter" le monde, voire de le théoriser. Aucune trace d'émotion n'émane du néocortex. Il ne cherche pas à savoir ce qui est "bon" ou "mauvais" mais différencie le "vrai" du faux".

Au fond, chaque individu possède dans sa mémoire des comportements reptiliens, mammaliens et humains.

"Gay Talese dans The Kingdom of the Power a fait remarquer que la place où l'on s'assied dans la salle de rédaction du New-York Times n'est jamais fortuite. Comment ces gens si savants ont-ils appris à se comporter de cette façon - en lisant la description que fait Liewellyn Evans d'un combat de lézards noirs, pour la première place, sur un mur de cimetière ?"

D'après Paul Mc Lean les connexions anatomiques entre le néocortex et les deux cerveaux anciens sont relativement rares et transmettent l'influx nerveux lentement. Cette "schizophysiologie" serait responsable d'un profond déséquilibre du comportement humain qui se manifeste par une croissance exponentielle de la techno-science, alors que l'éthique n'évolue pas et reste confinée dans la vision idéaliste d'un Christ ou d'un Bouddha. Pourtant l'urgence d'une réconciliation entre l'intelligence du cœur et la perspicacité du mental est plus que jamais nécessaire à l'heure où la maitrise technologique de l'environnement est susceptible de matérialiser les démons les plus archaïques qui hantent l'esprit des organismes vivants. Une non intégration de ces trois cerveaux - reptilien, mammalien et néocortical - conduirait à une impasse évolutive et, à terme, à la quasi disparition de l'espèce. Des phénomènes tels que l'antisémitisme ou la diabolisation de la société occidentale par l'Islam intégriste ne sont pas nouveaux en soi. La différence - fondamentale - c'est que, aujourd'hui, le besoin de boucs émissaires qui jaillit des cerveaux anciens récupère à son profit le pouvoir d'action sur l'environnement développé par le néocortex. La diabolisation n'est plus simplement un moyen "naturel" d'exprimer ses peurs et ses angoisses. Une formidable synergie s'opère avec le développement scientifique de sorte que ce qui devait rester une expression émotionnelle envahit le plan physique et événementiel. L'holocauste n'est que la matérialisation de cela.

Ce que Jung appelait "l'intégration de la personnalité" sera probablement la grande œuvre du XXIe siècle, imposée par l'urgence du danger qu'induit l'actuel déséquilibre entre extériorité et intériorité, représentation du réel (néocortex) et expérimentation du monde (système limbique). Toute évolution se fait sous la pression de la nécessité ; nous en sommes cependant arrivé à un point où l'homme peut - doit - participer consciemment à ce grand processus dont la fin lui échappe encore.

A cette structuration du cerveau humain en trois zones fonctionnelles qui gardent les traces de la phylogenèse s'ajoute une division, en deux parties anatomiquement comparables, du néocortex et du cerveau mammalien (ou limbique). De sorte que l'homme possède cinq "cerveaux"

Le cortical gauche et le cortical droit

Le limbique gauche et le limbique droit

Le reptilien

L'hémisphère gauche, situé derrière l'œil gauche, donne des ordres à la partie droite du corps ; l'hémisphère droit, situé derrière l'œil droit, commande la partie gauche du corps.

Un pont de matière grise transmet les informations entre les deux parties du néocortex : le corps calleux. La commissurectomie, ou section chirurgicale de ces fibres, entraîne la perte de coordination entre les deux hémisphères cérébraux. Les informations perçues par l'un sont inconnues de l'autre. C'est précisément de telles opérations qui ont mis Roger Sperry sur la piste de l'autonomie fonctionnelle et de la spécialisation très poussée de chaque hémisphère.

" Si, par exemple, on donne à un patient commissurectomisé un crayon dans sa main droite qu'il ne peut voir, il peut immédiatement dire que c'est un crayon car sa main droite le connecte avec son hémisphère gauche. Mais si le crayon est placé dans sa main gauche, l'hémisphère droit reste silencieux, incapable de donner à l'hémisphère gauche l'instruction nécessaire pour décrire le crayon."

Cette spécialisation hémisphérique semble caractériser l'homme adulte. Elle n'existe ni chez les primates ni chez le nouveau-né jusqu'à l'âge de deux ou trois ans. Il est probable que cette différenciation soit en rapport avec l'apprentissage du langage. Dans l'état actuel des recherches il semble que 95% de la population traite l'information de la manière suivante :

 hémisphère gauche   hémisphère droit
 verbal  non verbal
 nomme   visualise

 analytique

 holistique (global)
 rationnel   intuitif
 traite des séquences en discontinu  recherche la synthèse
 le temporel  le spatial

Classification essentiellement occidentale valable pour un monde de droitiers qui écrivent de gauche à droite. Il semblerait que le fonctionnement cérébral des peuples extrême-orientaux, des Chinois et des Japonais, ne soit pas aussi spécialisé. De plus, en Occident, l'homme utiliserait préférentiellement la partie gauche du cerveau alors que la femme serait une adepte du côté droit.

Le cerveau gauche :

- Nomme et, par conséquent, objectivise le réel.

- Mesure et, par conséquent, normalise le réel.

Alors que le cerveau droit :

- Voit la totalité d'une situation et cherche à comprendre son unicité.

- Cherche la fonction de l'objet au sein de son environnement, 
c'est-à-dire son sens.

En s'appuyant sur les travaux de ces neurophysiologistes, Ned Hermann développa un outil capable de mesurer la dominance cérébrales des individus, complétant ainsi la description des caractéristiques fonctionnelles des quatre cerveaux, limbique et néocortical.

La description des diverses zones fonctionnelles du cerveau humain, si importante soit-elle pour la philosophie des sciences, ne répondra jamais à cette question plurimillénaire qui ressurgit aujourd'hui de manière cruciale : qu'est-ce que la pensée ?

Est-ce, comme le suggère John Eccles, prix Nobel de médecine, dans son livre Évolution du cerveau et création de la conscience " un champ de conscience dépourvu de masse et d'énergie, qui exerce pourtant une influence sur la transmission de l'influx nerveux en activant certaines particules biologiques élémentaires dans les synapse ", ou est-ce un épiphénomène fugace et transitoire généré par l'activité électrochimique des neurones comme le laisse entendre J.P. Changeux dans L'Homme neuronal ?

Force est de reconnaître que, dans l'état actuel de nos connaissances, il est impossible de trancher définitivement entre ces deux hypothèses de travail.

Le cerveau est-il organe de réception qui capte un "champ d'information" immatériel ou est-ce un créateur de pensée et de signification ? Se comporte-t-il comme le poste de radio qui décode d'invisibles et intangibles ondes, ou comme un caillou jeté dans l'océan du monde dont la chute infinie soulève une kyrielle de pensées frétillantes ?

L'histoire des sciences depuis Pythagore jusqu'à Newton montre que la cohabitation de ces deux a priori métaphysiques s'est, bon an, mal an, déroulée sans prise de pouvoir excessive de l'un sur l'autre. L'apogée de la culture Arabe, au XIIe siècle, fut même une héroïque tentative de synthèse entre ces deux manières d'appréhender la réalité. Or les trois derniers siècles du millénaire ont conduit la civilisation occidentale sur la pente dangereuse d'un déséquilibre en faveur du cerveau gauche analytique, rationnel, coupeur de cheveux en quatre dans le sens de la longueur, aux dépens de l'hémisphère droit plus synthétique, plus esthétique aussi.

Nous soulignions il y a un instant l'urgence d'un rééquilibrage et d'un fonctionnement complémentaire des deux hémisphères (du cerveau, de la planète) pour éviter la construction d'une société dangereusement schizophrénique. Une telle tentative impose de voir clairement les enjeux ainsi que les conséquences, tant philosophiques que pratiques, du déséquilibre cerveau droit / cerveau gauche. Il sera seulement possible, alors, de proposer des solutions ou, plus exactement, une méthode qui intègre analyse et synthèse (gauche et droite), cœur et intelligence (limbique et cortical).