Voir la quantique ?

La mécanique quantique appartient au processus de réenchantement du monde dans la mesure ou ses conséquences fondamentales comme la non-séparabilité, la "dualité" onde/corpuscule et la notion de champ unifié donnent une légitimité scientifique à un monde nouveau où la compétition, la concurrence et l'individualisme ne seraient plus les facteurs dominants. Même si les lois de la microphysique ne peuvent être appliquées au monde ordinaire, elles permettent de le penser autrement.

Voici une excellente conférence sur la mécanique quantique, très pédagogique,  qui a le mérite d'allier science avec design et art. On peut néanmoins regretter la dernière réponse donnée à un auditeur sur la question de l'homéopathie qui casse un peu l'ambiance. Il faut rappeler ici que les grandes découvertes ne se déploient pas dans l'institution mais dans ses interstices. Poincaré fit une avancée majeure dans sa recherche lorsqu'il mit le pied sur un bus le conduisant à Rouen, Einstein publia les trois articles qui allaient révolutionner le physique classique alors qu'il travaillait au bureau des brevets à Bernes, Newton accepta l'idée d'un effet sans contact direct (la gravitation) parce qu'il était passionné par l'alchimie (et accessoirement l'astrologie). L'orateur reconnaît lui-même que les nouvelles idées des universitaires ne leurs viennent pas dans leurs bureaux mais à la cafétéria,  Les grandes découvertes se dévoilent hors des sentiers battus, au propre comme au figuré. Privilégier ces interstices est donc crucial pour "réenchanter le monde".

La notion de localité. Notamment la seconde partie avec Etienne Klein

L’univers interconnecté

Voici une très belle synthèse entre physique classique, mécanique quantique, prana et ouverture du cœur. A écouter jusqu'au bout.

L'univers interconnecté avec Nassim Haramein

Le signe du cancer et l’estomac

L’estomac est un viscère appartenant au tube digestif. Ce dernier est un dedans qui intériorise un dehors. Il reçoit des aliments en provenance du monde extérieur. Grâce à ce viscère creux le sujet se construit pas à pas en symbolisant le monde, en le « métabolisant » en langage biologique. « Symboliser » est en effet l’art de se mettre en contact avec quelque chose d’inconnu puis d’élaborer une réalité intérieure fondée sur le sens, le ressenti et la compréhension de ses perceptions. Le sujet se construit et se transforme grâce à d’incessants processus de symbolisation qui consistent à faire d’une perception extérieure une identité intérieure.

Le projet de l’estomac est de se remplir, de devenir plein. En ce lieu symbolique, le sujet prend naissance. Qu’est-ce, en effet, qu’un sujet sinon une plénitude posée là, comme une bulle puissante, sensible et fragile dans le grand vide des choses étrangères ? Toute perturbation de cette bulle de soi suscite des sautes d’humeur.

Biologie

La chute des aliments dans le sac stomacal stimule la sécrétion des sucs gastriques dans la paroi du viscère puis intervient un brassage mécanique qui favorise leur dissolution. L’acide chlorhydrique composant le suc gastrique est extrêmement corrosif. Il déforme les protéines, tue les bactéries et réduit la taille des molécules organiques. Sur le plan symbolique, cette lyse est aussi une « analyse ». Une analyse acide, sans concession, qui détruit l’apparence phénoménale des expériences-aliments pour n’en conserver que les éléments fondamentaux. Au contact du monde extérieur le « sujet » commence à produire de l’acide, mais il est aussi brassé, tourneboulé, bouleversé. Dans ce vase intime que de tempêtes et de désillusions ! Parfois l’acidité devient de la médisance si les reflux gastriques tentent de s’échapper de la poche où ils sont normalement circonscrits. Ils « brûlent » l’œsophage et la cavité buccale, métaphore d’un verbe acerbe inexprimé. Contrairement aux intestins et aux reins qui filtrent les substances, l’estomac ne choisit pas. Il accueille tout ce qui lui est servi. Parfois en récriminant mais toujours sans discriminer. On comprend à quel point la vie d’une personne centrée sur cet organe pourra être chahuté et combien elle devra l’avoir bien accroché pour accueillir les hauts et les bas des nourritures affectives. On comprend aussi à quel point la critique sera l’attitude défensive d’un « moi » immergé dans un monde extérieur jugé aussi immense qu’hostile.

Néanmoins la « critique acide » est une activité nécessaire au bon fonctionnement de l’estomac comme à l’élaboration du « moi ». En agissant ainsi la personne sépare en fines parties les expériences-aliments qu’elle reçoit. Elle se différencie du monde extérieur en affermissant progressivement l’île subtile de son « moi », elle est alors de moins en moins remuée par les grandes vagues retournantes nées de l’océan des choses étrangères. Lorsque l’ouverture sensible du moi est trop vaste, le monde extérieur est vécu comme une agression permanente que la personne est incapable de filtrer ou même d’accueillir. Alors elle rejette par le vomissement ce trop plein de choses subtiles qui envahissent sa conscience. Un excès de sensibilité « lunaire » la conduit à imiter le comportement de Cronos/Saturne qui vomit ses enfants. Les astrologues y verront bien sûr une manifestation de la complémentarité entre le Cancer et le Capricorne auxquelles ces planètes sont associées.

L’estomac symbolique est la promesse d’une profonde évolution pour celui qui réussit à faire sien ce qu’il admire chez les autres. Il « absorbe » leurs qualités. N’est-ce pas aussi cela « manger » ? Cette stratégie est très profondément inscrite dans le psychisme archaïque. Les Gaulois, dit-on, s’appropriaient la force et l’intelligence de leurs ennemis vaincus au combat en buvant dans leurs crânes. Curieusement, le christianisme à maintenu le sens premier de l’acte de manger puisque, au moment de la communion, les croyants absorbent le Corps du Christ et boivent Son Sang pour mieux s’imprégner de sa Présence. Du déguisement vestimentaire à « l’Imitation du Christ », le mimétisme aide la personne à intégrer les qualités qu’elle admire chez les autres. Agissant ainsi, elle les démystifie et se libère de l’admiration qui consiste à « dévorer des yeux » les êtres aimées. Dans le cas contraire, l’autre deviendrait une « proie » fort sympathique séduite par la trame miroitante des feux qui l’honorent. Peu importe que l’on théorise ou non le mimétisme. Le plus important est de le vivre puisque l’estomac appartient à l’espace sensible de l’Eau et se destine à l’élaboration du sujet.

L’ego qui souhaite échapper à l’enfermement narcissique devrait éviter l’écueil de l’absorption de l’autre. Il a pour tâche d’incorporer les qualités qu’il juge exemplaires et non de dévorer des formes qu’il aime avec admiration. L’estomac digère les expériences en les soumettant au rude malaxage des sucs gastriques ! Une personne qui refuserait la souffrance du deuil, cette l’opération de destruction des images et des souvenirs pour se réapproprier une simple essence d’expérience, serait comme Narcisse[1]. Elle ne verrait dans le monde extérieur qu’une image d’elle-même, sans la symboliser, sans la métaboliser, sans la transformer, sans la détruire et s’offrir la chance de devenir un être à part. Car tout se passe parfois comme si l’estomac voulait avaler tout rond ce que les yeux admirent sans se donner la peine de l’acidification douloureuse par les sucs gastriques. Douloureuse, car l’estomac propose un processus de mort des images et des formes reçues du monde extérieur pour n’en retenir que l’essentiel. « Nourrir » et « mourir » sont si proches ! Grandir est un processus de deuil. L’estomac le rappelle à sa manière en absorbant du vivant pour le transformer en substances mortes. La langue des oiseaux n’est pas en reste : le J que dessine le « Je » naissant dans la poche stomacale évoque en même temps les multiples petites morts qui égrènent l’existence dans l’expression « ci-gît ».

Un estomac accompli possède donc sur le bout des doigts l’art du deuil. L’être psychique fonctionne exactement comme le viscère biologique : il reçoit par voie sensible des informations du monde extérieur puis il les fait siennes en les « tuant ». Grâce à ce processus de mort, la mémoire des choses et les souvenirs disparaissent pour se transformer en une essence d’expérience. De l’image, il ne conserve que l’idée de beauté ; de la souffrance du manque il honore sa sensibilité. Mais mourir pour grandir n’est pas toujours facile. La tentation est grande de rêver dans son estomac, de ne conserver que le désir de plénitude en refusant l’arrachement du deuil. Alors surgit l’addiction. Lorsque l’estomac ne symbolise plus il absorbe sans cesse le monde extérieur. Il collectionne les objets, les images, les souvenirs, les amours, les rêves artificiels ou les livres… tout ce qui le remet en contact avec ses richesses intérieures non encore intériorisées. Chacun d’eux joue le rôle de la célèbre madeleine de Proust. Le collectionneur absorbe le monde et le dépose au creux de sa maison-estomac dans l’espoir de se sentir comblé. Mais s’il oublie de métaboliser les objets qu’il rassemble, ceux-ci s’accumulent et il court le risque de vivre de drame de Cronos qui vomit ses enfants.

Les trois niveaux de lecture de l’estomac symbolique sont donc  « manger ou être mangé » dans l’involution ; « se changer ou être mangé » dans l’évolution ; « devenir consubstantiel au Réel » dans la transvolution. L’involution confronte la personne au sens de sa fragilité mais aussi à une violence possessive ; l’évolution consiste à entrer dans le processus de symbolisation et de deuil ; la transvolution porte au plus haut point les conséquences de l’incorporation des essences.

La grande et importante tâche de l’estomac consiste finalement à métamorphoser un « moi » narcissique en un « je » centré et utile au reste de l’organisme. Le doute sur soi (« est-ce thomas ? ») désarçonne son rêve de toute puissance ; l’irritation l’oblige à reconnaître l’autre dans sa réalité inabsorbable donc imparfaite à ses yeux. Mais, un jour, l’homme engage sa responsabilité par un « Je » : il affirme son estomac. Il réalise sa juste place au point médian des extrêmes corporels.

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L’estomac et l’œsophage

À force de vouloir tout conserver dans sa maison-estomac, la personne se retrouverait dans la situation délicate de Cronos, le Titan qui avalait ses enfants.

Mythologie

Le plus jeune des fils d’Ouranos et de Gaïa castra son père. C’est ainsi qu’il mit un terme à l’incroyable fécondité du couple primordial. Il s’unit ensuite à sa sœur Rhéa qui lui donna six enfants. Pour s’assurer de son trône et éviter le sort qu’il infligea naguère à son père, le Titan ne trouva rien de mieux que d’avaler sa progéniture à l’exception notable du petit Zeus. Sa mère lui épargna en effet l’engloutissement en le remplaçant par une pierre que le Gourmand absorba aussitôt. Cronos, le Saturne des Romains, est donc un dieu mâle enceint de ses œuvres. Dans son immense estomac gisent des dieux ! Le sait-t-il seulement ? Le doute est permis quand on sait avec quelle avidité il avala le rocher que lui présenta Rhéa en substitution à son dernier-né. Tous ces trésors lui restent sur l’estomac faute d’en percevoir l’essence divine.

Heureusement, une déesse va l’aider à accoucher de ses œuvres. Métis fit boire au Titan un émétique, si bien que Cronos ne tarda pas à régurgiter pêle-mêle le contenu de son vaste ventre. Hélas ! Les dieux nés de sa bouche se révoltèrent contre leur père durant dix longues années au terme desquelles celui-ci perdit son trône. « Métis », l’accoucheuse de Cronos, se traduit par « Ruse », mais c’est beaucoup plus que de la simple astuce. La déesse personnifie l’intelligence féminine dont Hésiode affirme « qu’elle sait plus de choses que tout dieu ou homme mortel ». Les hommes possèdent une intelligence logique et abstraite, celle du logos, du verbe. Les femmes affichent une pensée adéquate, sensible à la nature des choses et qui sait comment résoudre immédiatement les situations les plus dramatiques. Une femme douée d’esprit de finesse va donc résoudre l’enfermement narcissique de Cronos et mettre fin à son avidité, à son perpétuel sentiment de vide intérieur. Une sage-femme en vérité. Mais il serait trop simple et dangereux pour un Narcisse d’attendre la rencontre salvatrice avec une femme-mère qui l’aiderait à accoucher de lui-même ! C’est la conscience de Métis qui le libérera de son enfermement psychique au creux de son ventre, c’est sa sensibilité immédiate aux besoins de ses proches qui lui permettra de vomir ses tripes en expulsant ses « dieux », ses dons et ses qualités intérieures. Le mythe ne peut offrir plus de clarté : un jour, l’estomac doit vomir son contenu. Un jour, la conscience des multiples demandes de la vie ordinaire impose à la personne centrée sur son estomac d’offrir au monde le meilleur d’elle-même : les plus digérées de ses expériences. Cette lecture est bien sûr psychologique mais elle vaut aussi sur le plan spirituel car l’estomac est le ventre d’où les dieux sont appelés à naître. Il s’agira alors d’exposer un travail longuement maturé dans le creuset de la vie intérieure. Vomir ses œuvres ! Telle est la destinée mythologique de l’estomac.

Et que régurgite-t-il, le Titan gourmand ? Des merveilles qu’il conservait jalousement cachées au creux de lui-même, mille qualités à nulles autres pareilles ! Entrer dans le processus de création en offrant au monde le fruit d’une longue maturation est la solution que le mythe propose pour soulager les maladies de l’estomac. Les « dieux », entendons ici les œuvres issues du processus de symbolisation, sont prêt à entrer dans la lumière.

Au début le manque de confiance en soi et un narcissique besoin d’être aimé enferment la personne dans son estomac. « Est-ce Thomas ? », « est-ce t’homme as ? », « est-ce que tu es bien l’as des hommes ? ». Le doute surgit au nom d’un perfectionnisme imaginaire et retient le vomissement de l’œuvre. Il faut du courage pour passer cette barrière du doute et oser vomir son Grand Œuvre. Derrière le doute se cache son contraire : la toute puissance. Cronos n’est-il pas assis sur le trône du roi des dieux, un siège royal qu’il juge plus important que la vie de ses enfants ? Le contrôle et le sentiment de suprématie dessinent bien souvent la face cachée du doute et de la peur de l’échec. Les choses sont pourtant si simples : si le vomi est une essence de dieux, c’est aussi du vomi ! Nul ne crée une œuvre parfaite dès le premier essai.

Vomir suppose d’ouvrir la valve qui clôt normalement la partie supérieure de la poche stomacale, le cardia.

« Le principal remède psychique aux maux d’estomac sera d’élever toute expérience de l’altérité au niveau sensible. La construction du moi doit se faire dans le plaisir de l’altérité plus que dans celui des drogues ou de l’alcool. L’autre est aussi une nourriture pour le cœur[1].

Apprendre à déverrouiller la porte du haut pour vomir ses créations, si bien nommée le cardia ! Seule la conscience d’autrui abolit l’encombrant désir de perfection et autorise l’œuvre à se présenter au monde dans son humble tenue de bouillie.

Pathologies

Les pathologies de l’estomac sont liées à une dépendance maternelle, à la femme ou à la mère. Ou encore à une addiction aux drogues douces comme le tabac et le hachich. Pour être précis les effluves du tabac vont dans les poumons via la fumée et dans l’estomac par la médiation de la salive. Elles stimulent l’étage cardio-pulmonaire en augmentant la conscience de soi tout en apaisant les peurs « viscérales ». Fumer conforte la conscience du moi et donne l’impression d’être plus efficace. Derrière ce rideau de fumée persiste le refus de souffrir, de s’ouvrir à sa vulnérabilité et le rêve nostalgique d’un monde parfait dont le premier souvenir est la relation fusionnelle avec la mère. La femme est perçue comme un personnage tout-puissant qui devrait répondre à tous les besoins. Angoissée devant les angularités du monde réel, la personne s’enferme dans son estomac pour rêver. Elle échappe aussi à la toute puissance des personnages du monde extérieur. Le corps, faute de mieux, envoie des signaux pathologiques pour signaler ce dysfonctionnement : Le mérycisme, qui est le retour dans la bouche d'aliments ingurgités dans l'estomac, manifeste exactement le drame de Cronos qui refuse de donner le jour à ses « enfants ». L'autodigestion, qui se caractérise par la digestion de l'estomac et du tube digestif en général, signale une absence de symbolisation, une difficulté à se construire en se différenciant du monde extérieur joint à une dépréciation de soi-même. Le météorisme, c'est-à-dire l’accumulation de gaz dans l’estomac, révèle que la pensée (l’Air) encombre le ressentit au risque de perturber le contact direct avec soi. Il faudrait apprendre à vivre simplement le réel plutôt que de chercher sans cesse à le comprendre. Le cardiospasme se caractérise par un rétrécissement du cardia. Des spasmes empêchent le passage des aliments de l'œsophage vers l'estomac. Il faudrait s’interroger sur sa capacité à se laisser toucher par le monde extérieur et son désir de rester « dans sa bulle ». L’ hyperpéristaltisme désigne l'exagération du péristaltisme, c'est-à-dire des mouvements du tube digestif qui font progresser le bol alimentaire. La volonté prime sur le ressenti. Peut-être est-il temps de lâcher prise et de renoncer à vouloir à tout prix élaborer une image de soi irréelle. l’ulcère est remarquablement décrit par A. Gandolfier[2] :

« L’estomac s’enflamme quand le moi ne trouve pas son compte dans cet acte de manger l’autre, de le toucher aussi. Dans l’ulcère, l’être n’accepte pas la frustration du partage relationnel. Le sac stomacal est le trou par lequel le réel fait appel à la nourriture venant en lieu et place de cette réalité. D’où la pathologie de la perforation qui est ouverture sur le non-moi car la réalité ne peut pas être symbolisée suite à un événement dramatique. »

Et la toxicomanie : lorsqu’une personne consomme des drogues hallucinogènes elle s’enferme dans son estomac pour rêver. Elle tente de devenir l’héroïne de son monde intérieur dans le vase clos de son imaginaire.

D’autres pathologies de l’estomac sont générées par un excès d’acidité. Le viscère lyse, découpe en milliers de minuscules éléments les nourritures pour construire le moi. Lorsque l’acide prédomine de manière anormale l’autocritique tourmente la personne. A moins que cette critique ne se projette sur ses compagnons, signe visible d’une faiblesse du « moi » qui cherche à briser le monde extérieur pour mieux le digérer. En découpant les pensées et scrutant les attitudes de son entourage en petits morceaux sans jamais les recevoir dans leur globalité, le sujet fragile se place en posture de toute puissance (« j’ai toujours raison ») et refuse de se laisser toucher par l’intégralité du mystère de l’autre. Critiquer renforce l’estomac et satisfait un moi faible qui affirme désespérément un perfectionnisme imaginaire ! Le censeur joue alors le rôle de Cronos qui a peur de se laisser détrôner, de perdre sa toute puissance, c’est un père qui critique ses enfants et les enferme dans la nuit de son ventre, les empêchant ainsi de naître en devenant eux-mêmes. Ce n’est pas encore un citoyen capable de dire « Je », ni un écologiste au cœur débordant de gratitude face aux merveilles du vivant.

La peur est un sentiment qui appartient à l’ensemble des viscères : une peur profonde est dite « viscérale ». Néanmoins les peurs sont infiniment précieuses dans le processus d’évolution[3] :

« Selon le symbolisme des Winnebagos, la peur est en général le signe du réveil de l’état conscient, du sens des réalités, voire d’une conscience naissante »

Elles sculptent les contours du moi, dessinent ses limites et lui enseignent le respect du monde extérieur. Elles le protègent aussi d’une démesure qui pourrait nourrir une toute puissance potentiellement présente dans le feu du désir associé à la figure du Bélier sacrifié dans le chaudron de la résurrection que le corps symbolise par le bol pelvien et les ovaires[4]. Sans peurs, le sujet se risquerait dans des aventures qui l’anéantirait sous la pression des forces physiques, psychiques ou spirituelles inattendues, comme dans une interminable tempête. Le « je » ne pourra explorer l’immensité de l’Océan que lorsque l’énergie-conscience sera fermement enracinée dans le cœur et son embarcation : les côtes. Alors la porte du diaphragme s’ouvrira et la conscience, infiniment disponible, entr’apercevra l’Immense. Toutes les constructions identitaires élaborées dans l’Eau sentimentale du bassin seront balayées, emportées dans un grand souffle d’effroi et d’amour.

Servir la vie

Les huit viscères proposent autant de manières de servir la vie. Mais il faut quelqu’un pour accomplir cette grande et difficile tâche. Le contenu du ventre, comme lieu de genèse du « nouvel homme », sera lu de trois manières distinctes : le processus de la formation de la personnalité avec les peurs qui l’accompagne (involution), une expression pleine et entière d’un « sujet » (évolution) toujours tenté par la démesure au risque de se rêver un homme-dieu. Et enfin comme un processus de soumission aux demandes du cœur lorsque s’ouvre la porte du diaphragme, avec ses résistances et ses refus (transvolution). C’est seulement lorsque tout cela sera accompli que les viscères porteront vraiment leur nom de serviteurs de la vie, de « vie sert ». Les naissances de « l’enfant-moi » puis de « l’enfant-je » et enfin de « l’enfant-Roi » représentent les trois niveaux de lecture du symbolisme du ventre, sous l’ombrelle protectrice de l’anima, la grande déesse. La mère est en effet le soutien de l’enfant-moi ; puis l’enfant-je devient une « dame-oiselle » ou un « dame-oiseau » qui sort du nid familial en prenant langue avec son autre moitié ; enfin la « D’Ame » se révèle comme l’indéfectible soutient de l’enfant-Roi, du Soi naissant dans l’espace du cœur.

C’est pourquoi le signe du Cancer est associé à l’estomac. C’est pourquoi la maternité, le deuil, la critique, la différenciation du moi, l’accueil de la souffrance, la transformation des souvenirs en essence d’expérience, le piège de la toute-puissance, l’écoute du cœur, l’ouverture au mystère de l’altérité et la production d’une œuvre appartiennent à la destinée des personnes pour qui l’intégration de la Lune représente le prochain pas à accomplir dans leur vie spirituelle.

(Extrait du Parchemin Magnifique)

Notes et références :

[1] L’éveil de Narcisse, éditions de Janus

[1] Linda Gandolfi et René Gandolfi, La Maladie, le mythe et symbole (éditions du Rocher).

[2] Linda Gandolfi et René Gandolfi, La Maladie, le mythe et le symbole (éditions du Rocher).

[3] C.G. Jung, C. Kerenyi, Paul Radin ; Le Fripon Divin (éditions Georg)

[4] Le Parchemin Magnifique, opuscule 7

Ayahuasca

Ayahuasca

Il ne servirait à rien de raconter une expérience de vision avec l’ayahuasca pour, me semble-t-il, deux raisons. Chaque physiologie et chaque psychologie humaine est différente si bien que les expériences nées de l’ivresse sont spécifiques. La seconde raison est plus mystérieuse aux yeux de la rationalité occidentale. L’intelligence de la plante crée une sorte d’alliance avec l’intelligence du corps de l’expérimentateur si bien que le processus qui en résulte est au-delà de toute prévision. Tout se passe comme si l’ayahuasca connaissait le chemin de la transformation intérieure du sujet malgré lui et ses présupposés conscients. C’est pour cela que, à chaque fois, les expériences sont différentes mais suivent néanmoins un chemin continu et impensable d’une cérémonie à l’autre. C’est du moins mon expérience confirmée par plusieurs curanderos (guérisseurs) après avoir bu l’extrait de chacruna et d’ayahuasca au Brésil et ici au Pérou une trentaine de fois environ. Mais avant de tenter d’explorer plus avant ce processus il convient de donner quelques points de repères pour mieux comprendre cette médecine si naturelle pour les natifs du bassin amazonien et pourtant interdite en Europe et en Amérique du Nord où elle est officiellement considérée comme une drogue dangereuse.

Origine

L’ayahuasca (Banisteriopsis caapi) est une liane de la forêt amazonienne qui utilise les arbres pour tuteur et s’élève très haut vers la lumière, sa force est si considérable qu’il lui arrive de casser les troncs qui la supportent. En la mélangeant lors d’une cuisson particulière aux feuilles de la chacruna[1] (Psychotria viridis) les curanderos produisent un liquide amer ayant la densité du miel qui est bu lors des cérémonies, aussi bien par le chaman que par les participants. L’usage traditionnel du breuvage est essentiellement de guérir les participants sur les plans physique, psychologique, relationnel et dans leur relation au « sacré ». Nous mettons ce dernier terme entre guillemets car la notion de sacré est dépendante de la culture d’un groupe humain, l’occident chrétien n’y appose pas le même sens que le chaman animiste.

Le terme « ayahuasca » fut improprement traduit part « liane des morts ». Il vient du mot Quechua « ayawasca » formé de l’agglutination de aya et wasca : la « corde (wasca) des cadavres (aya) ». Cadavre, dans la pensée Quechua, désignant exclusivement le corps du défunt. Néanmoins le nom le plus probable de l’ayawasca est ayaqwasca qui signifie la « liane amère » [2]. Or ces peuples qui pensent par analogie et sont sensibles aux synchronicités ne se limitent certainement aux propriétés gustatives de la boisson pour la caractériser. Que signifie alors « amer » dans l’univers symbolique ? Quatre saveurs fondent l’expérience gustative : le sucré, le salé, l’acide et l’amer. Le sucre protège et sécurise, le sel ferme le corps énergétique et individualise, l’acide est un feu critique qui découvrira un jour ses flèches d’innocuité et l’amer libère l’« âme » de ses enfermements[3]. Cette lecture rejoint l’interprétation des cultures amazoniennes qui considèrent que l’ « amer » est une essence. Chaque être, y compris les minéraux, est habité par une essence qui l’anime, ce que nous appelons parfois « l’esprit des plantes » en ce qui concerne le monde végétal. Chaque être humain possède une essence spécifique (âme, anima, esprit… selon les points de vue), de même une espèce végétale est habitée, vivifiée, animée par une essence « amère » spécifique douée d’une vie autonome et d’une intelligence spécifique. La « liane amère » est donc bien plus qu’une boisson au goût désagréable, elle dialogue avec l’essence du sujet qui l’absorbe et lui révèle son « âme ». Une consommation de psychotropes non ritualisée et sans chaman expérimenté pour la diriger risquerait cependant d’entrainer un effet contraire à celui recherché : l’essence des substances, matérialisée dans la saveur amère risquerait de prendre possession de l’esprit humain pour des intérêts qui lui est propre. Comme le remarque Patrick Deshayes « cette pensée loin d’être une pensée arriérée ou archaïque est au contraire extrêmement élaborée. C’est une pensée d’une grande complexité qui est opérante et considérablement active dans la gestion de la consommation de psychotropes ». Le chaman est parfois appelé huni mukaya, « celui qui domine l’amer ».

Notons que, dans le corps, le foie sécrète la bile amère. Or le breuvage d’ayahuasca inhibe les enzymes du foie qui est symboliquement la « mère » du système des viscères. Ces derniers symbolisant les huit manières d’élaborer le « moi » qui s’affiche dans le nombril, là où le « nom brille » (le Parchemin Magnifique, opuscule VIII, à paraitre).

Ayar

En premier plan la Chacruna et en arrière plan la liane d'Ayahuasca

L’ayahusaca est-elle dangereuse ?  

De nombreuses études ont montré que son absorption n’entrainait aucune dépendance ni toxicité. Par contre il convient d’éviter absolument son interaction avec d’autres psychotropes, l’alcool et la consommation d’antidépresseurs[4]. Ici, en Amazonie, les cérémonies d’ayahuasca et les « diètes » sont accompagnées de prescriptions alimentaires très précises afin que les esprits des plantes absorbées soient à la fois opératifs et inoffensifs.

Par ailleurs l’usage thérapeutique, initiatique ou religieux des substances hallucinogènes est une constante dans l’histoire des civilisations partout autour du monde. Ce n’est que très que récemment, au XIXe siècle, avec le développement de la médecine scientifique, que le discours dominant a radicalement changé. Le tabac, l’alcool et les psychotropes devinrent des ennemis à abattre, dans les limites des intérêts économiques de certaines entreprises multinationales. Cette interdiction des substances hallucinogènes exclue toute compréhension anthropologique et symbolique de leur usage[5]. Cette posture s’est surtout radicalisée à la fin des années 1960 en réaction à la « contre-culture » née du mouvement Hippie et des travaux de Timothy Leary[6] et Richard Alpert. Des études sont en cours pour évaluer scientifiquement les effets thérapeutiques de l’ayahuasca, notamment ici, au centre Takiwasi, dans le cadre d’une cure de désintoxication pour toxicomanes. D’une manière générale plusieurs études ont montré « des améliorations en ce qui concerne la santé mentale et la douleur physique six mois après avoir commencé à assister à des cérémonies de Santo Daimé et de l’Uniao do Vegetal[7] ». Le breuvage s’est avéré efficace pour remédier à la dépendance de drogues, la dépression et l’anxiété. En outre de nombreuses communautés locales consomment de l’ayahuasca depuis des générations sans présenter de dysfonctionnements individuels ou collectifs[8].

D’après les témoignages que nous avons recueillis, les cérémonies d’ayahuasca conduisent parfois à des changements de vie radicaux où la personne retrouve sa quête essentielle, les appels immémoriaux de son âme. Ainsi à Raphaëlle, la plante a enseigné la musique et le chant et Marie a découvert sa vocation artistique grâce à l’ayahuasca.

Extrait vidéo d'un entretien avec Raphaelle 

Pourquoi une interdiction dans la plupart des pays européens ?

De toute évidence la décision légale d’interdire l’usage de l’ayahuasca ne repose sur aucune étude médicale. Les enquêtes ethnologiques montrent par ailleurs que les cérémonies d’ayahuasca conduisent à des processus de guérison et de rééquilibrage social. L’histoire de cette interdiction en France est contée ici par Ghislaine Bourgogne, elle se fonde sur un fait divers monté en épingle bien plus que sur des faits scientifiques ou des enquêtes de terrain. Si certaines précautions doivent effectivement être prises, il ne viendrait à personne l’idée d’interdire les voitures sous prétexte qu’un chauffard sans permis risque de percuter un mur. C’est pourtant ce qui s’est passé ici. Une substance thérapeutique utilisée en Amazonie depuis des dizaines de siècles qui guérit le corps, rééquilibre le psychisme et élargit la conscience en est venue à être considérée comme une drogue dangereuse à interdire pour cause d’addiction possible, or il n’y a strictement rien d’addictif dans cette médecine.

Le processus de diète

Si l’ayahuasca ne présente pas de dangers pour la santé il convient néanmoins de l’utiliser précautionneusement avec une personne expérimentée (chaman) et en suivant un régime alimentaire approprié pour la raison que nous avons évoquée plus haut : l’esprit de la plante œuvre de conserve avec l’esprit de l’expérimentateur. Dans la conception chamanique les relations entre l’invisible et la santé sont imbriquées. La diète commence par une cérémonie d’ayahuasca et se poursuit par une retraite solitaire d’une semaine à un mois dans la jungle, accompagnée d’une ou deux autres plantes généralement non psychotropes qui agissent comme des « thérapeutes » et soignent des dysfonctionnements spécifiques. Elle se termine ensuite par une dernière séance d’ayahuasca afin d’évaluer le chemin parcouru.

Dans cette vidéo nous évoquons le processus de diète que nous avons suivi.

Puis survient une longue période dite de « post-diète » avec un régime dénué de sucre (même les fruits), de porc, d’alcool, de piment et sans relation sexuelle afin de ne pas perturber le corps énergétique qui est occupé à intégrer, digérer et assimiler les expériences de la diète. En fait les plantes continuent à travailler le corps et la conscience longtemps après leur absorption.

L’approche scientifique habituelle des états modifiés de conscience se heurte à un dilemme méthodologique. A propos des champignons hallucinogènes Christian Ghasarien écrit[9] : « les gens se divisent en deux catégories : ceux qui ont pris le champignon, et sont disqualifiés par le caractère subjectif de leur expérience, et ceux qui ne l’ont pas pris et son disqualifié par leur totale ignorance du sujet ! ». Ne peut-on envisager une troisième posture qui consisterait à considérer la psyché des l’observateurs comme un terrain d’expérimentation, où l’intersubjectivité des participants serait le fondement d’une objectivité[10] ? Que sait-on vraiment de la mésange, de Banisteriopsis caapi ou du minerai de cuivre ? Description et classification sont nécessaires mais insuffisantes. L’observation du biotope des plantes et l’éthologie des animaux ne suffisent pas non plus car toutes ces approches ne disent rien sur la nature de la Nature, sur son essence. L’expérience de l’ayahuasca est un puissant outil pour explorer la dimension « conscience » du vivant, cette aptitude que l’homme expérimente chaque jour en s’en croyant l’unique dépositaire, sans l’ombre d’une preuve. Bien sûr, cela nécessite un protocole qui reste à élaborer pour ne pas tomber dans des dérives hallucinatoires. C’est exactement le rôle du laboratoire en ce qui concerne la face matérielle du réel. Les chamans de l’Amazonie ont, à leur manière et depuis des millénaires, développés ce genre de méthode de manière totalement empirique cependant.

Il reste encore de nombreuses questions, notamment sur la nature de l’esprit des plantes, le processus de guérison et la cosmovision amérindienne. Ce sont elles que nous explorerons dans de prochains articles.

 

Notes et références

[1] La chacruna apporte au mélange le D.M.T. (N,N-diméthytryptamine) qui procure les visions, alors que la liane d’ayahuasca fournit les molécules qui évitent au D.M.T d’être immédiatement détruite par les sucs gastriques. Les amazoniens disent joliment que la chacruna est la lumière qui permet la lecture du livre représenté par la liane d’ayahuasca. (Université des passages : préparation de l’ayahuasca - audio)

[2] Patrick Deshayes, De l’amer à la mère, quiproquos linguistiques autour de l’Ayahuasca (C.N.R.S).

[3] Luc Bigé, le Parchemin Magnifique, opuscule VIII : les viscères (à paraître en ebook). La langue des oiseaux lira « l’âme erre » dans « l’amer ». L’âme qui sait libérer ses larmes par la boisson amère retrouve la fluidité du mouvement et la joie.

[4] J.C. Callaway : phytochemistry and neuropharmacology of ayahuasca in Ayahuasca : hallucinogens, Consciousness and the Spirit of Nature, Metzner R., New York Thunder’s Mouth Press, 1999.

[5] C. Sueur, A. Benezech, D. Deniau,, Met B. Lebeau, C. Ziskind ; les substances hallucinogènes et leurs usages thérapeutiques (première partie). Revue de la littérature.

[6] Timoty Leary, la politique de l’extase (édition Fayard)

[7] Il s’agit de deux mouvements religieux du Brésil qui utilisent l’ayahuasca lors de leurs cérémonies.

[8] Anderson, B.T. et al, Statement on ayahuasca, International Journal of Drug Policy, Volume 23, issue 3, May 2012, p 173-175.

[9] C. Ghasarien, Usage de l’Ayahuasca et du San Pedro dans les pratiques néo-shamaniques contemporaines. Institut d’ethnologie, Neuchâtel, Suisse.

[10] Luc Bigé, La Force du Symbolique (éditions Dervy).

Les puissances de 10 (1977)

Il s’agit d’un documentaire américain réalisé par le couple de designers Charles et Ray Eames en 1977. Ce film propose un voyage entre l'infiniment grand et l'infiniment petit en 9 minutes. Il permet de relativiser la notion de taille dans l'univers, et peut-être d'apprécier la place de l'homme.

Le principe du film est que toutes les 10 secondes le champ de vision s'agrandit à la puissance de 10. Quand à la seconde 0 on voit une surface de 1 m x 1 m soit 100, à la seconde 10 on pourra voir une surface de 10 m x 10 m (101) et ainsi de suite.


Powers of Ten takes us on an adventure in magnitudes. Starting at a picnic by the lakeside in Chicago, this famous film transports us to the outer edges of the universe. Every ten seconds we view the starting point from ten times farther out until our own galaxy is visible only a s a speck of light among many others. Returning to Earth with breathtaking speed, we move inward- into the hand of the sleeping picnicker- with ten times more magnification every ten seconds. Our journey ends inside a proton of a carbon atom within a DNA molecule in a white blood cell. POWERS OF TEN © 1977 EAMES OFFICE LLC (Available at www.eamesoffice.com)

Comment explorer le symbolisme du corps humain ?

Nous avons mis en ligne sur youtube une conférence publique donnée récemment sur le symbolisme du corps humain

Le corps humain ! faut-il l’appeler « objet », « sujet » où « temple » ? Et qu’en est-il vraiment du corps-temple ? Dans cette conférence nous explorons sa nature en laissant parler ses symboles, c'est-dire la forme de ses organes, leurs noms lus symboliquement et les mythes grecs qui se rapportent à ses différentes parties, comme par exemple l'histoire de Prométhée qui eut son foie dévoré par l'aigle de Zeus.

Belle lecture !

Le multivers

Certains physiciens considèrent que notre univers n’est qu’un cas particulier :  il existerait toutes sortes d’autres univers au sein desquelles les lois physiques seraient différentes de celles qui agissent dans le nôtre. Que penser d’un tel « multivers » ? S’agit-il d’une nouvelle fable ? d’un délire de théoriciens ? d’un supplétif provisoire ? d’une authentique révolution scientifique ?

Les animaux sont-ils des sujets de conscience ?

Qui s’interroge en effet sincèrement sur l’ennui, la peur, l’angoisse  et la solitude de ces animaux entassés tels sardines en boîte ? Qui essait de penser philosophiquement la condition animale ?

Les animaux sont-ils des sujets de conscience ? Telle est la question que nous voudrions poser. C’est une question brûlante, une question qui tourmente nos sociétés, et c’est une question dérangeante, car celui qui la pose est lui-même mis en cause par la question qu’il pose…

Aristote avait distingué deux façons d’être vivant. Il y a d’une part la vie végétative (zoé), qui se maintient dans un échange avec le monde extérieur réglé de manière invariable, et il y d’autre part la vie qui intègre de façon progressive, c’est-à-dire historique, des expériences vécues et qu’Aristote appelle bios. Autrement dit, le critère d’une vie vécue, et non pas seulement subie, serait la capacité d’un organisme à intégrer lui-même les expériences qu’il fait de ses rapports avec le milieu.

Les animaux ont-ils une histoire de leur vie ? Leur vie est-elle de l’ordre de la zoé ou sont-ils déjà dans l’ordre du bios ? Sont-ils de « simples vivants », comme le veut une tradition de pensée dominante, ou sont-ils d’authentiques existants ?

Remarques sur le processus de dialogue (David Bohm- fev. 1985)

Comme il est dit dans l'introduction, tout le monde s'attendait au début du week-end à une série d'exposés et de discussions informatives où l'accent serait mis sur le contenu. Il s'est avéré peu à peu qu'il se passait en fait quelque chose de plus important – la naissance d'un véritable processus de dialogue, une libre circulation de sens entre les participants.

Au début, les gens exprimaient des positions bien arrêtées, qu'ils avaient tendance à défendre, mais plus tard, il est apparu clairement que maintenir ce sentiment d'amitié dans le groupe était plus important que de défendre une position quelconque. Cette amitié a une qualité impersonnelle, dans ce sens qu'elle ne dépend pas du fait que les participants aient entre eux une relation personnelle très proche.

Ainsi s'établit peu à peu un nouvel esprit basé sur le développement d'une signification commune que le processus de dialogue construit tout en la transformant constamment. Les gens ne sont plus à priori en opposition, on ne peut pas dire non plus qu'ils sont en interaction mais plutôt, ils participent à cette mise en commun d'un sens qui peut évoluer et se transforme constamment. Et dans ce processus d'évolution, le groupe n'a pas de but pré-établi, bien qu'à tout moment il puisse en apparaître un qui reste libre de changer ultérieurement. Le groupe s'engage alors, dans une relation dynamique nouvelle d'où personne n'est exclu, ni aucun contenu particulier. Au point où nous en sommes, nous n'avons fait que commencer à explorer les possibilités du dialogue au sens où nous l'entendons ici ; mais en continuant dans cette direction, nous nous donnerions probablement la possibilité de transformer non seulement les relations entre les hommes, mais aussi, la nature même de la conscience particulière qui préside à la naissance de ces relations.

DAVID BOHM

Février 1985