Le murmure des mots : la langue des oiseaux

 La langue des oiseaux

Extrait du Petit dictionnaire en langue des oiseaux, Luc Bigé, Éditions de Janus

Les mots nous parlent au moins autant que nous les parlons. Certes, ils ont un sens conventionnel sur lequel tout le monde s’est mis d’accord au fil des siècles mais ce sont aussi des symboles, tant par la géométrie des lettres qui les composent que par les sonorités qui les agitent. C’est cela la langue des oiseaux encore appelée « la langue des anges ». Comprendre ce langage c’est reconnaître que derrière les significations parlées conventionnelles se cache un métalangage autonome qui est celui de l’inconscient. Lacan reconnaissait déjà cela en intitulant l’une de ses conférences « les non dupes errent » pour évoquer « les noms du père ». Et celui qui connaît « les noms du père » n’est-il pas sans racines, « non dupe » de l’emprise des traditions et « errant » seul, à jamais sans références ni « re-pères » ?

L’inconscient ignore nos conventions grammaticales et les origines étymologiques des mots. Il ne se limite pas à l’unique signification que la conscience cherche à leur accorder. A deux choses seulement il est sensible : la sonorité et l’image. Pour le reste il fait feu de tout bois, un peu comme dans les rêves où il utilise les matériaux de la vie objective pour les transformer de manière apparemment chaotique et délivrer, dans son parler symbolique, un message à notre conscience. C’est cela un univers onirique : un monde objectivement irrationnel et chaotique qui ne suit pas les règles de la raison, mais un monde saturé de significations.

Ces deux voies d’expression du sens, celles de la géométrie et de la sonorité, s’enracinent très profondément dans la nature de l’univers. La philosophie tantrique enseigne que la Mère Divine se manifeste par la forme et le nom, et qu’il existe de nombreux mondes sur différents plans de conscience, tous contrôlés par le pouvoir de la Mère Divine. L’objectif de la pratique tantrique consiste à s’identifier au Sans Forme et au Sans Nom situé au-delà de tous ces univers : à la suprême Shakti[1]. Comprendre le jeu des noms et des formes est un premier pas pour sortir de la prison de nos identifications et nous ouvrir au pouvoir, à la conscience et à la bénédiction du Suprême.

Chaque lettre est à la fois un son et une image. Les voyelles portent préférentiellement la sonorité alors que les consonnes, imprononçables sans l’aide des précédentes, existent d’abord par leur graphie. Chaque mot ressemble à une mélodie architecturale qui amplifie les sonorités et les formes des lettres. Nous verrons que les vingt-six lettres de l’alphabet latin représentent vingt-six archétypes, autant de pierres blanches sur un chemin initiatique de transformation et d’évolution intérieure.

Néanmoins ce petit texte sur la langue des oiseaux est à prendre comme un jeu, sans prétentions scientifiques ni même l’intention de proposer une réflexion autour de l’impact des sonorités et des formes des lettres sur la psychologie humaine. C’est donc un jeu avec ses règles, son univers à lui, ses limites, sa grammaire et surtout l’intervention du hasard, de la « chance » de découvrir un nouveau sens caché. Chacun aura cependant remarqué que l’activité ludique dévoile toujours une part de vérité, comme sans en avoir l’air : sur la psychologie des joueurs, sur le fonctionnement des lois de la nature ou sur les présupposés d’une société. Et puis l’amusement libère le cœur et l’esprit des contraintes imposées à l’homme par la société et par la nature. Grâce au jeu, l’être humain cherche « sa muse » et « s’ame-use », il sonde son inspiration et l’usage de son âme. A moins, bien sûr que ce ne soit l’inverse lorsque le jeu devient trop sérieux et remplace, pour le joueur trop accroché, le vrai monde. Dans ce cas s’amuser devient l’action de « s’âme-user », de perdre son âme. Comme toujours chaque mot, chaque concept un peu profond, contient en lui-même une chose et son contraire. C’est là l’une des grandes règles du jeu de la langue des oiseaux, comme nous allons le voir.

C’est donc dans cet esprit de liberté et d’inventivité que nous convions le lecteur à entrer dans ces lignes. Lorsque le ridicule ne tue plus, la pensée prend son envol vers des horizons incertains, parfois sans avenirs, parfois légers qu’une bulle de savon, mais aussi, quelques fois, elle rencontre des perles de sens qui brillent dans le firmament de la conscience. Ce sont ces perles-là, différentes pour chacun, que nous vous convions à glaner au fil des pages, au fil des mots, au fil du jeu et parfois sur le fil du rasoir entre la folie et la raison.

Trop de sérieux, c’est-à-dire trop de sciences étymologique, grammaticale ou sémiologique tuerait la liberté de dévoiler le sens des mots. Ce sens-là ressemble étrangement aux oiseaux qui ont donné leur nom à cette « langue » : ils ne s’attrapent que très difficilement et acceptent à peine de se laisser apprivoiser la fragilité d’un instant lorsque la main se fait caressante et donnante. Ce n’est pas la volonté du chasseur ni son intelligence qui feront tintinabuler leur pépillement, mais des graines posées dans une main amoureusement tendue. Celui qui souhaite attirer les oiseaux ne peut donc que se mettre en position d’attente et d’ouverture à tous les possibles, tout en créant un besoin : celui de la nourriture, celui du sens. Les « oiseaux », ces pépites de sens qui circulent dans l’air, le monde symbolique de la pensée, ne supportent pas les cages. Ils sont rétifs aux barreaux rectilignes et froids qui forment l’armature de toutes nos grilles de lectures. C’est pourquoi évoquer des règles pour attraper les pépites de sens qui circulent ici et là dans l’inconscient du langage et dans la forme géométrique des lettres ne devrait se faire qu’avec parcimonie et prudence. En d’autres termes, ici plus qu’ailleurs, il s’agit d’éviter les systèmes car ce langage est celui de la vie, une vie rétive à l’enfermement dans des définitions qui ne seraient en réalité que des « finitions », que des tombes annonciatrices de la mort.

L’univers du langage ne s’invente pas : il s’explore. Il s’explore dans son immense richesse que ce soit à travers le roman, l’essai, l’écriture automatique, le texte scientifique ou la poésie. La langue des oiseaux représente l’une de ces voix plurielles du langage. Plus peut-être que toute les autres elle se prospecte. Le lecteur se fait orpailleur à la recherche de la pépite qui parlera à son cœur. Nous ne proposons ici que quelques possibilités : chacun en découvrira d’autres parfois plus pertinentes ou formulera les anciennes d’une manière plus explicite. Seule l’expérience aidera à cela.

Les lettres ont une histoire et s’écrivent autrement dans d’autres alphabets. En d’autres termes leurs formes et leurs sonorités varient en fonction du temps et de l’espace. Mais cela n’est-il pas  aussi signifiant ? Plutôt que de rechercher la forme originelle du « A », par exemple, ne faut-il pas prendre acte de sa modification et considérer que cela marque la manière dont une époque et un peuple interprètent au plus profond de son inconscient l’archétype porté par le « A » des origines ? Il s’agit donc de prendre garde et d’éviter de porter un hypothétique alphabet originel au pinacle des choses désirables et disparues, comme un Adam du monde des lettres, comme un Adam du monde de l’être. Car si la forme originelle n’est plus utilisée c’est qu’elle ne répond plus à un besoin. C’est que le monde du sens a changé et s’est transformé en même temps que la lettre qui cherchait à l’exprimer. Si l’on souhaite retrouver la nature profonde du « A » le mieux serait sans doute de rechercher une synthèse dans la manière dont il s’exprime aujourd’hui dans les différentes langues vivantes en notant, comme ici avec le Français, sa forme et sa sonorité.

Ce livre ne sera pas traduit dans trente-six langues ni même dans une seule puisqu’il joue avec les sonorités du Français. Mais rien n’interdit de penser que le génie propre aux autres parlers se prête à un décodage analogue. Peut-être… car le vocabulaire des oiseaux décode la langue « an-glaise » comme un parler des affaires et du monde matériel (la glaise) ; le sans-script » comme une langue sacrée qui est au-delà de toute forme matérielle, fusse-t-elle celle de l’écriture (le script) ; l’ « Al ment » comme la volonté de l’esprit de l’homme (mens) de s’identifier à dieu (Al)… et le « franc s’est » comme une parole de vérité.

 


[1] Krishna Bhikshu, a chakra at sri Ramanasramam in The Mountain Path (april 1965).

Extrait du Petit dictionnaire en langue des oiseaux (Luc Bigé)

La Lune Noire en astrologie

 La Lune noire en astrologie

Nous avons, jusqu’à présent, exploré le contenu de cette « Lune Noire » sur la base d’une analyse symbolique de sa définition astronomique et du matériel mythologique, pour l’essentiel grec et judéo-chrétien, conservé dans la mémoire collective.

Ces réflexions suggèrent plusieurs pistes pour comprendre le sens astrologique des points remarquables du système Terre-Lune. En voici un résumé :

-       La Lune Noire, dans un thème, doit être déployée en croix afin de tenir compte de la présence du petit axe de l’ellipse formée par la révolution de la Lune autour de la Terre.

-       La Lune Noire moyenne, la Licorne, est un lieu d’absolu où gît le mythe fondateur de l’être, son désir essentiel, le don divin qu’il porte en son cœur et en sa claire conscience  de détenir la Vérité.  Mais ce mythe si essentiel  il a tendance à le croire unique au risque d’une extrême intransigeance. Il veut l’imposer à tous en croyant « faire le bien ». Derrière cette attitude intransigeante se cache un refus d’incarnation, c’est là toute l’ambiguïté de la couleur blanche : refus de se salir les mains en les plongeant dans le pétrin, ou pure réflexion de la Lumière  Incréée ?  Enfin la Licorne possède une forte composante sexuelle, mais un sexe situé dans la tête, une vitalité créatrice qui ne peut lui faire aimer que ce qui est de l’ordre de la révélation.

-       La Lune Noire corrigée est un lieu où les énergies émotionnelles et vitales non assimilées par l’ego se sont condensées sous la forme de peurs, d’angoisses, de désirs de mort, de pertes de conscience et de confusions. Pour retourner à la Licorne il faut traverser Lilith, nettoyer ces mirages  émotionnels  qui encombrent l’accès au don de Grâce que chacun porte en lui. Si la Licorne maintient  les images du paradis originel, Lilith incarne celles de la chute en raison de l’orgueil fondamental de l’être qui, à un moment de son histoire, s’est pris pour Dieu.

-       La Lune Noire vraie indique la meilleure manière de revenir vers cet absolu sans sombrer dans l’océan des illusions généré par Lilith. Cultiver les qualités du signe, de la maison et du symbole sabian de cette Lune Noire nous protège de celles-ci.

-       Priape, le point opposé à Lilith, est un point de compensation où l’ego conscient, la personnalité « normale », bien vue par son entourage, chérie par les siens, va se construire. Pourquoi « compensation » ? parce que Priape est la « meilleure » attitude que l’être à trouvé pour échapper à Lilith, à ses peurs et ses angoissent les plus profondes. Dans ce contexte la personnalité se construit contre la peur, grâce à la peur.

-       Hécate, toujours exactement conjointe à la Licorne dans le thème de naissance, propose toujours un choix fondamental. « Fondamental » signifie ici plus que « de vie ou de mort » - c’est le domaine de Pluton qui, au contraire, impose et ne laisse guère choisir ! - mais se réfère à la dialectique existence / inexistence. En faisant ce choix, dont la nature est donné par la maison de la Licorne, l’être décide d’aller ou non vers la lumière de l’hyperconscience qui l’habite… en sachant que celle-ci peut le brûler ou le régénérer pour de longues années. Tous les 10 ans en moyenne – le temps d’un retour de la Licorne sur elle-même dans le thème de la naissance – ce type de décision essentielle se pose.

La sexualité de la Licorne est toute cérébrale, elle ne peut s’affirmer que dans l’admiration de la clarté d’esprit de ses compagnons. A travers l’expérience sexuelle elle cherche à contacter la pure lumière de la volonté divine, l’éclair qui illumine la nuit de son incarnation en lui promettant de revenir, ne serait-ce qu’un instant, à l’expérience intime de l’information  signifiante dénuée de toute lourdeur qui est à son origine, à l’étoile chère au poète qui brille dans la « claire lumière  des azurs limpides ».

La sexualité de Lilith est ivresse des sens ; profondeur, voire lourdeur, du ressenti, jusqu’à la perte de conscience et l’annihilation de soi dans un retour vers la chaude indifférenciation de la matrice primordiale.  Elle s’oppose bien entendu à la claire et fière conscience  de sa différence qu’affirme la Licorne.

La sexualité de Priape est parodie de création, elle multiplie les formes biologiques, culturelles et intellectuelles sans même concevoir une seule seconde qu’en leur sein un Sens cherche son chemin. Ce Sens qui fascine  la Licorne  et que Lilithn a détourné, trahi, pour son plus grand drame. Et par nécessité évolutive.

Seules les Lunes Noires sont des vortex d’inergies actifs. Les autres points - Priape, Affirmation et Soumission, puis, nous en reparlerons ultérieurement, Phœbus, Purification et Elévation - sont là pour endiguer, transformer et finalement  rendre visible à la conscience le mystère sacré qui gît au cœur du couple Licorne-Lilith. La croix n’a d’autre but que de dévoiler les stratégies adoptées par l’être essentiel  pour échapper puis revenir pas à pas vers le sens de son existence, vers son seul désir : l’étoile qui brille au centre de son âme, la mission  à lui imposée par la « volonté de Dieu ». D’abord imbu de la présence Divine (Licorne), puis athée et n’ayant d’autre dieu que sa réussite matérielle et sociale (Priape) il va revenir, plus modestement, certes, vers l’affirmation et l’accomplissement du sens de sa destinée (la Licorne, à nouveau).

La Lune Noire corrigée (Lilith) est une construction énergétique consécutive au refus de la Licorne de s’incarner et de renoncer à son orgueil ontologique. C’est un pur mirage composé des souvenirs non encore digérés de la chute. A l'origine du processus évolutif il n'y a que l'être essentiel : la Licorne. C’est par intransigeance et orgueil spirituel qu’elle construit Lilith. Bien malgré elle il est vrai ! Ici, le proverbe qui affirme que « celui qui veut faire l’ange fait la bête » est à prendre littéralement ! L’ambiguïté de la Licorne mythologique, à la fois douce et terrible, n’est pas une vaine image.

La différence entre Lilith et la Licorne c'est que, avec la Licorne, il n'y a rien de fusionnel. Du point de vue de la Licorne le paradis est d'ordre mental, elle aspire à la fusion avec toute l'information de l'univers, au paradis de la connaissance et du savoir pur. Mais le mental est séparatif, intransigeant, et n'accepte pas l'erreur. Les yeux renvoient à la vision : voir c'est comprendre. La lumière, c’est aussi la Connaissance.

Dans un thème il est essentiel de distinguer Lilith de la Licorne, surtout quand ces deux points ne se trouvent pas dans le même signe. Le signe de la Licorne indique quel est le mythe fondateur de la personne. Le signe de Lilith représente la nature de ses angoisses et de ses peurs les plus profondes, les plus inconscientes aussi. La psychanalyse dira de Lilith qu’il s’agit du noyau psychotique de l’être, là où, s’il y accède trop tôt, il risque d’être « démembré », déstructuré, de perdre toute confiance en lui et en ses capacités.

L’utilisation des sous-phases et des symboles sabians différencie la note de l’absolu de celle du lieu de souffrance, notamment lorsque les Lunes Noires sont dans le même signe, ce qui est assez fréquent. Mais il est sommes toute logique que le lieu de chute soit en résonance avec la nature des excès, des refus et des intransigeances.

Si les deux Lunes Noires sont sur le même degré l’accès aux zones de souffrance est plus difficile, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient ! Si elles se trouvent dans deux signes différents, ou proches de leur maximum de distance (12° d’orbe) alors il est plus facile de rencontrer l’ombre et la peur de l’inexistence… ce qui est aussi à la fois un avantage et un inconvénient !

De même, lors d’un transit par une planète, il est important d’observer précisément  laquelle des Lunes Noires est touchée puisqu’elles prennent des sens totalement différents. Joëlle de Gravelaine avait bien senti cette distinction sans cependant les attribuer aux différentes positions astronomiques. Tantôt, dans son ouvrage Le Retour de Lilith,  elle détaille les valeurs d’intransigeance et d’exigence de la Licorne, tantôt ce sont ses valeurs de confusion émotionnelle, de dépression, de vortex d’énergies négatives, de perte de conscience conjugué avec une d’exacerbation des instincts et du désir, de ce quelque chose d’orgiaque qui appartient à Lilith. Or, dans la pratique, elles sont conjointes mais distinctes.

En termes métaphysiques, la Licorne garde le souvenir du paradis originel. Psychologiquement, c'est l'absolu, la connaissance infuse.

En termes métaphysiques, Lilith est le lieu de la chute hors du paradis originel. Psychologiquement, ce sont les peurs et les angoisses.

Sentez bien cette zone d'intransigeance, de lumière froide et de silence aristocratique, une zone où se côtoient en même temps à la peur de l'inexistence et à un désir d'absolue existence.

L’ennui, c’est que la Licorne veut tout, et tout de suite ! Elle est tellement fascinée par son absolu qu’elle voudrait déjà l’avoir atteint. Selon elle son état normal est juste la perfection. Une impatience qui se conjugue avec un refus de passer par des étapes, de dégrossir le diamant de sa gangue. Elle dira « je veux tout, tout de suite, parce que c’est une évidence, j’en ai la connaissance infuse, la certitude intérieure » tout en se sentant « lie-corps-ne », en refusant les imperfections de l’expérience. Un autre adage du moyen Age affirmait que la Licorne se laissait  mourir de soif au bord de la fontaine car l’eau n’était jamais assez pure. Tout se passe comme si elle vivait en dehors de l’espace et du temps. Elle sait pertinemment ce qui est juste mais ne va surtout pas se donner la peine de le matérialiser, ce serait risquer de dénaturer la pureté de son rêve d’absolu. Le désir de la Licorne est claire conscience. Son refus d’expérimenter est refus de la banalité, de l’imperfection et de la souillure. Elle est soif d'absolu et de pureté. Ici un compromis est une compromission. Jamais l’eau de la fontaine ne sera assez pure. Par fidélité à son idéal elle préférera se laisser mourir de soif plutôt que de prendre le risque d’une eau souillée, même un peu. La Licorne ne supporte pas les à-peu-près, les adaptations, les limitations d’elle-même et de ses compagnons. L’exigence domine ! Jamais elle ne pardonne ni ne remercie car il est normal d’être parfait. Et toute la difficulté sur le chemin de l'évolution sera de transformer cet absolu froid et distant en conscience mystique ouverte au monde et à l'univers. C'est l'incarnation (le Coagula) qui permettra de développer la conscience objective (l’initiation du Nadir) puis la conscience mystique.

La Licorne symbolise le commencement de la grande aventure de l'âme qui a choisi l'incarnation. Si elle devient négatifve elle confronte à la déstructuration de l'image corporelle. La Lune construit l’image du corps de chair et la Licorne le refuse.

La maison de la Licorne sera dans un premier temps une maison refusée ou, plus exactement, inaccessible en raison même de l’exigence qui l’habite. Dans ce champ d’expérience il est « normal » d’être parfait. Une telle exigence vis-à-vis de soi-même et/ou des autres se révèle tellement invivable que, bien souvent, la personnalité va se « réfugier » sur Priape, c’est-à-dire dans le signe et la maison opposés à ceux de la Licorne. Là, elle sera reconnue, valorisée, efficace, construira son ego, acquérra confiance en elle… mais conservera toujours dans le secret de son cœur la nostalgie de ce « seul désir » dont Dame Licorne détient le secret.

On ne peut pas discuter avec une Licorne encore au début du processus évolutif parce qu'elle sait quelle est la vérité. Et elle a raison, sauf qu’elle considère que sa vérité est La Vérité. Elle ne réalise pas qu'il y a 360 degrés zodiacaux, pense qu'il n'y a que le sien, est imperméable à toute conscience objective, c'est-à-dire à toute irruption du monde extérieur, à tout ce qui est autre que sa mythologie personnelle dans la compréhension de sa propre vie. C'est l'orgueil essentiel, celui généré par la conscience d’être une essence.

Prenons un exemple : Licorne en Maison V. C’est la maison de la créativité, de l’éducation des enfants, de l’expression affective, des plaisirs de la vie, ce sont les expériences par lesquelles le personne « prend son pied ». Avec la Licorne en maison V, l’être aura la connaissance infuse de ce qu’il faut faire pour élever les enfants, créer une œuvre, danser, dessiner, vivre une relation amoureuse avec un grand « A »… mais en reste souvent là car produire quelque chose d’imparfait serait à ses yeux une trahison. C’est pour cela que la croix existe : pour l’aider à façonner l’abat-jour filtrant la lumière de son étoile. Mais pour la Licorne c’est là  un difficile chemin de Croix. Evidemment, sur le plan événementiel,  de nombreuses personnes avec une licorne en V ont des enfants : l’interdit n’est pas toujours situé à ce niveau  là ! Mais toutes ont cette même exigence dans l’éducation, toutes acceptent difficilement les conseils des autres car elles « savent » exactement ce qu’il faut  faire, aucune ne supporte les à-peu-près et toutes en souffrent. Leur créativité  est tellement emprunte d’exigence  qu’elles préfèrent ne rien faire plutôt que de créer une œuvre imparfaite. Ce sera tout ou rien… et, le plus souvent, rien.

La maison de la Licorne est le champ d’expérience où nous avons une connaissance infuse,  nous savons ce qu’il faut faire, ce qui est juste. Et en plus nous avons raison : c’est bien là le problème ! La grosse difficulté est que, bien que sachant ce qui est juste, la vie va nous interdire de le mettre en application, et nous allons devoir poser un véritable acte d’humilité :  reconnaître qu’il est impossible de faire comme ça même si nous savons que c’est cela qui est juste. L’impossibilité de vivre dans la pure conscience de la vérité perçue n’est pas due à une illusion d’optique, mais à l’orgueil. Un orgueil ontologique qui ne tient pas compte des limitations et des faiblesses, les siennes et celles des autres. Un orgueil qui voit d’emblée à travers l’autre ce qu’il pourrait être s’il était parfait en passant allègrement par dessus sa nature « humaine », trop humaine. La  Licorne à voulu imposer un absolu, juste en soi, mais non adapté à la réalité. Dans un premier temps, otage de son idéal, elle ne réalise jamais que l’autre existe, elle n’a pas le sens de l’altérité .Son exigence est faite de lumière, non d’amour.

Elle a besoin de découvrir l’amour, le sens de l’Autre dans toute sa différence et sa spécificité à jamais inaccessible. Elle devrait reconnaître qu’elle ne peut pas tout connaître, que la corne du pourvoir ne peut à elle seule percer tous les secrets de ce monde.

Une Licorne en VII sauratrès bien quel mode de relation absolue elle veut établir avec l’autre mais, en général, elle n’en établit pas parce quelle exige que ce soit tellement parfait  - tellement sacré en réalité - qu’elle n’en a pas ou, si elle en a une, elle risque de projeter sur son compagnon cette exigence de pureté, de considérer comme normal qu’il soit parfait, de demander qu’il la comprenne silencieusement en une même communion au sein « des azurs limpides ». La Licorne en VII sait ce que devrait être une relation, mais elle ne réalise pas vraiment qui est l’autre. Elle porte en son cœur le sens d’une relation spirituelle et sacrée –  dans le couple, mais aussi dans toute relation de personne à personne. Cependant, cette mission l’habite tellement qu’elle éprouve de la difficulté à accepter chez autrui tout ce qui brouille sa vision, ne serait-ce qu’un peu. Alors, fidèle à son exigence, elle risque de se retrouver seule. Lilith en VII, par contre, révèlera une peur viscérale du rejet, des mémoires obscures d’avoir été «chosifié » dans le relation et la peur de se laisser manipuler, d’être trahi et trompé. Lilith en XII rappelle des mémoires d’enfermement physique ou psychique (selon son signe), le peur de ne pas avoir d’espace, mais aussi celle profonde, viscérale, inconsciente de se laisser manipuler par des groupes à orientation ésotérique qui utilisent des rituel ou des cérémonies « magiques ».

La maison de Licorne sera dans un premier temps vécue en termes de refus, d'absolu et d'intransigeance. La demi-mesure sera considérée comme une trahison. En maison V, la personne pourra faire le sacrifice de son potentiel créateur en se voyant incapable de produire un « Picasso » dès le premier coup de pinceau. Au début du chemin évolutif la maison de la Licorne est refusée pour deux raisons :

-       Le désir de perfection inhibe l’action, l’idéal reste au ciel.

-       Le plus souvent Lilith côtoie le Licorne dans le thème de naissance. L’absolu est entouré de mauvaises fées qui susurrent  « si tu fais cela, tu vas mourir, tu risques de retomber dans l’insupportable expérience de l’inexistence ».

Le but du jeu consiste prendre conscience de ces peurs puis de mettre la croix en mouvement afin de ne pas rester coincé dans la maison et le signe des Lunes Noire. De se souvenir aussi sans cesse que la Licorne est une grâce.  Souvenons-nous de la relation Licorne/MC, étoile intérieure/étoile extérieure. L’idée générale étant de parvenir à exprimer la vérité que porte cette Licorne avec l’orgueil  en moins et l’Amour en plus. Une des clés pour travailler la Licorne est l’ouverture du cœur à l’aide des valeurs représentées par Neptune dans le thème.

Une fois encore, il faut traverser Lilith pour retourner à la Licorne. « Traverser Lilith », c’est réaliser intérieurement qu’il s’agit d’une construction émotionnelle qui, si elle n’est pas doucement conscientisée, nous conduit régulièrement à nous mettre dans des situations répétitives de fuite, des conduites d’échec, qui nous spolient de ce qui, pour nous, est essentiel : le « seul désir » de la Licorne. « Traverser » ne veut pas dire passer son temps à faire de la psychothérapie[2], cela signifie voir que ce sont ces peurs, les voir afin de ne plus se laisser manipuler par elles. Mais il ne s’agit pas de passer son temps à travailler dessus, il vaut mieux développer les qualités d’Uranus dans le thème natal. Uranus est la clé qui permet de « voir » Lilith et Lilith est la clé qui ouvre la porte de la Licorne. Lilith, c’est le « gardien du seuil », le dragon mythologique qui garde l’accès au potentiel de lumière.

Le signe de la Licorne révèle la nature du mythe personnel, le type d'absolu qui alimente la vie intérieure. Le signe de Lilith dévoile la nature des peurs et des angoisses qui submergent l'être, tout ce qui le confronte à un sentiment d'inexistence.

 


[1] Les autres éphémérides donnent en général les positions moyuennes (Licorne) et corrigées (Lilith), alors que les logiciels calculent la position de Lilith, mais il est prudent de vérifier.

[2] De nombreuses psychothérapies contemporaines (pas toutes, heureusement !) traitent du plan de la personnalité et cherchent à adapter celle-ci aux comportements sociaux en vigueur. Or le « travail » sur la Lune Noire touche la plan essentiel, métaphysique, de l’être. Une dimension que la psychologie contemporaine ignore, voire considère comme pathologique.

Pour aller plus loinLa Lune noire, un vertige d’absolu

 

 

 

Mercure, la meilleure manière de se relier à soi-même et au monde

Mercure en astrologie

Dans un thème, Mercure représente la manière particulière qu'a la personne pour découvrir son environnement et se lier à lui sans danger. L'attitude de base consiste à  accentuer la légèreté, le mouvement, les affleurements par petites touches, la superficialité, la curiosité vite satisfaite, toutes choses qui permettent de ne jamais s'engager vraiment et respectent un vital besoin de liberté. Sans le bouclier de son habileté manuelle, intellectuelle, relationnelle, l'être se retrouve vite désemparé. Il devient le spécialiste de l’improvisation ; éternel adolescent il ne cesse de jouer la désinvolture. Un "jeu" qui peut le conduire à développer une véritable virtuosité dans un domaine qui réclame rapidité et ingéniosité si ce Mercure découvre une passion. Cependant il est vrai qu'en absence d'une bonne structure (Saturne) ou de puissantes ressources en inergies (Soleil, Mars) l'être, à force de frôlements multidirectionnels, risque la dispersion, voire l'épuisement nerveux ou mental.

Cette planète relie les deux pôles de toute dualité. Non pour en réaliser la synthèse mais afin d'en accentuer les différences. De cette comparaison surgit la prise de conscience et le pouvoir de nommer les choses, de re-connaître les objets intérieurs et extérieurs chaque jour côtoyés. Maître des mots, Mercure use et abuse parfois de son nouveau jouet. Du discours à la propagande, de la capacité de faire comprendre ses points de vue aux autres à la logorrhée verbale, de la finesse à la ruse, de la légèreté à la démission, de la libre pensée à l'inconstance dans ses opinions toutes les gradations existent selon les personnes, les jours et les humeurs ! A l'extrême, Mercure est profondément amoral, picorant ça et là en fonction de ses préoccupations immédiates. Plus tard les symboles produits par Mercure vont devenir des outils indispensables à une compréhension synthétique et globale du monde où se meut l'individu. Celui-ci commence à utiliser ses dons d'analyse pour se comprendre. Il décortique finement le fonctionnement du penseur, l'accès à la ruse lui est maintenant fort utile pour dépister le grand jeu de traces qui se noue entre le conscient et l'inconscient. Il découvre alors que le double sens du mot "réfléchir" ne recouvre en fait qu'une seule et même opération. En observant d'un œil détaché l'ombre et la lumière, le bien et le mal, le beau et le laid, l'agréable et le désagréable il comprend que chaque dualité forme un tout insécable comme la paume et le dos d'une même main. Ce qui était à ses débuts amoralité devient absence de jugement, regard objectif dénué de critique et d'appréciation. Fidèle image de son archétype, Hermès, l'individu maître de Mercure devient "le Messager des Dieux", celui qui comprend la double nature de toutes les instances psychiques et procède à leur réconciliation.

Outre ses dons d'habileté et de finesse Hermès est psychopompe, il guide l'âme des défunts dans le royaume des morts. Dans ce voyage il n'encourt aucun danger car il voit et comprend. Le recul procuré par la pensée et la parole est la condition sine qua non à toute aventure dans le labyrinthe de l'être où se côtoient sombres ruelles humides proches de l'éboulement et corridors lumineux. Au moyen de Mercure la toile où s'imprime le dessin de l'être global est tissée fil à fils, mot à mot, avec une même attention vigilante aux passages brodés de noir, de rouge ou de blanc.

L'infatigable trouvère va au-devant de sa dernière conquête : celle du vide. Comme son nom l'indique dans la langue des oiseaux, il va "vers le trou". Tout ce chemin, tout ce savoir, tous ces efforts et cette ingéniosité déployée pour rencontrer le trouble. Mais aussi qu'elle merveille que ce lieu de Silence, ce lieu neutre car non duel où se polarisent le "haut" et le "bas", les « inergies » de l'âme (Soleil) et les aspirations de la personnalité (Lune) . En acceptant le trouble, le non savoir, l'être entre consciemment dans ce point de contact qui est chenal de communication avec son âme. Là il reçoit les impulsions du Ciel qui seront traduites en paroles et en écrits dans la seule mesure de son développement mental antérieur.

Grâce à l'incorporation des inergies "mercuriennes" l'homme se détache du mythe ; par l'analyse il se décolle psychiquement de cette fascination-prison envers les archétypes qui caractérise la pensée magique des peuples primitifs. La mythologie chrétienne ne raconte pas autre chose lorsque Adam mange du fruit de l'arbre de la connaissance. Il s'ensuit une chute hors du paradis. Privé du soutien inergétique de l'archétype solaire (divin) l'homme foule pour la première fois le long sentier du temps.

Les quatre niveaux de lecture de Mercure se résument ainsi :

1. Jeu et superficialité afin de se protéger du contact direct de l'inergie solaire.

2. Discrimination : "cela est vrai ou faux".

3. Conciliation : "tout a un sens pour vérification et rectification de ce que je suis".

4. Canalisation. Le cerveau "trans-met" le Verbe.

On ne devrait pas sous-estimer l'importance de Mercure dans un thème natal en la réduisant simplement au mode de pensée propre à une personne. Par Mercure, l'être se dit. Il parle du "dit" de la déité (D.I.T.) qu'il est fondamentalement. S'approprier Mercure, s'approprier sa parole par-delà les savoirs et les réflexes mentaux superficiels, c'est avant tout exprimer une vibration, un son, que portent les mots. Cette vibration met l'être en contact avec son centre intérieur de lumière et ouvre ainsi le canal de la créativité. Planète intérieure à l'orbite de la terre, la plus proche du Soleil, Mercure est le Son par Qui nous existons avant d'être "leçon" mémorisée par l'ego lunaire.

Mercure dans les signes indique notre manière particulière de comprendre, d'ordonner et de communiquer nos perceptions. Par extension on y verra le type de mentalité de la personne, son type d'intelligence. C'est aussi la forme énergétique du mentat, la tonalité sur laquelle la personnalité reçoit les messages de l'âme.

En Maisons, Mercure indique le champ d'expérience vers où se dirige spontanément notre curiosité intellectuelle, le lieu dont nous sommes le plus aptes à formuler les mécanismes et les lois. Dans la Maison de Mercure nous sommes à l'aise pour communiquer nos idées et voir objectivement les tenants et les aboutissants d'une situation.

Mercure en signes de Terre (Taureau, Vierge, Capricorne). La personne possède une intelligence pratique. Avant de comprendre et d'accepter quelque chose elle a besoin de preuves tangibles. Une fois acquis, ce savoir doit s'appliquer à résoudre des problèmes concrets, même s'il s'agit d'équations mathématiques ou de questions juridiques. On apprend par la pratique et l'expérience tout au long de sa vie, amassant ainsi une somme de connaissances sûres et permanentes.

Mercure en signes d'Eau (Cancer, Scorpion, Poissons). La personne possède l'intelligence du cœur. Bien qu'il lui soit parfois difficile de différencier pensées et sentiments elle cherche à comprendre ses motivations personnelles ainsi que celles de son entourage. Le facteur humain joue un rôle essentiel dans les processus d'acquisition du savoir. Mis à l'aise émotionnellement l’être comprend avec beaucoup de finesse, surtout quand il s'agit de percevoir les mécanismes de la psyché ; en milieu hostile par contre il perd rapidement ses moyens car il se laisse impressionner par ses émotions.

Mercure en signe d'Air (Gémeaux, Balance, Verseau). La personne possède une intelligence de type encyclopédique. Elle a tendance à amasser des connaissances de type très divers, à lire beaucoup, parler beaucoup, se déplacer beaucoup. Elle épate volontiers ses amis par la pertinence de ses questions ou la sagacité de ses réponses. C'est une pensée sans cesse en mouvement, curieuse de tout, qui encourt le risque de la superficialité et de l'intellectualisme.

Mercure en signe de Feu (Bélier, Lion, Sagittaire). La personne possède une intelligence intuitive. Elle se sent à l'aise dans la formulation de projets de grande envergure. Elle convainc grâce à son enthousiasme et sa foi, entraînant à sa suite l’approbation et l'admiration de son entourage. Elle encourt le risque de se laisser séduire par des idées lumineuses mais sans substance, idéales mais inapplicables. La pensée se préoccupe de ce que le monde pourrait être bien plus que de ce qu'il est.

Mercure en Feu : on apprend grâce à la foi en ses maîtres.

Mercure en Air : on apprend par le jeu et par soi-même.

Mercure en Eau : on apprend comme on est aimé.

Mercure en Terre : on apprend par le corps et la pratique

Le Soleil, la conscience d’être soi

Le Soleil en astrologie

L'astre central représente un état de plénitude potentielle ! Seule fonction qui ne dépende pas de l'Autre pour exister, il se définit par autoréférence : c'est l'être pur. Dans un thème il traduit le besoin qu'a l'individu de devenir lui-même, son aspiration consciente à s'exprimer en tant qu’unité individuelle. Utiliser l'inergie du signe Solaire revient à accroître sa confiance en soi et sa plénitude d'être. Le zodiaque représente ici les douze voies de croissance en conscience offertes à l'homme global.

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En signes de Feu : par l'expression de son individualisme et de son esprit d'entreprise l'être rayonne la joie et l'enthousiasme de sa nature profonde.

En signes d'Eau : par la reconnaissance et l'acceptation de sa sensibilité et de ses émotions l'individu découvre la plénitude intérieure.

En signes de Terre : par la construction et l'effort personnel sont atteintes la paix et la stabilité.

En signes d'Air : en développant capacité relationnelle et curiosité intellectuelle surgit le grand éclat de rire de la liberté sans limites.

Pour parvenir à la globalité de lui-même le Bélier devrait toujours conserver une totale confiance en son intuition, sentir la vie de l'univers se déverser en lui, affronter avec défi de nouveaux commencements comme des opportunités renouvelées d'affirmer sa personnalité. Il a besoin d'une cause pour laquelle dépenser ses inergies s'il ne veut sombrer dans le vide.

Le Taureau devrait s'attacher à ressentir son corps, à se construire un environnement matériel stable, à travailler la matière. La conscience de soi - du Soi - s'accroît de manière concrète et tangible à mesure que la personnalité accepte de s'incarner dans la matière.

Les Gémeaux devraient aller d'aventures en aventures en ne s'attachant qu'au changement, récolter une large moisson d'expériences variées, lire, parler, communiquer jusqu'à ce qu'il réalise son unité d'âme avec ses frères.

Le Cancer devrait laisser se déployer toute sa sensibilité, accueil à lui-même puis aux autres. Accepter et aimer son corps comme symbole de son identité.

Le Lion devrait affirmer sa personnalité haut et fort, quitte à porter de l'ombre sur son entourage. Par l'incarnation de son désir de paraître il finira par trouver sa juste place.

La Vierge se réalise en amenant à la perfection son petit coin d'univers. Elle atteint à la globalité d'elle-même lorsque son savoir devient utile.

La Balance se nourrit des activités culturelles de son milieu, elle atteint la plénitude dans une relation privilégiée avec l'Autre.

Le Scorpion devrait avoir le courage de regarder puis d'aimer l'obscurité de sa nature pour gagner le droit de dissiper les ténèbres extérieures. C'est le mythe de St-Michel qui tient en respect le Dragon, gardien du trésor.

Le Sagittaire devrait agir sur la base de sa connaissance des hommes et de leurs motivations. Dans son action il a besoin de légitimité ainsi que de réaliser une œuvre socialement significative.

Le Capricorne devrait développer sa capacité de maîtrise de lui-même pour assumer ensuite des responsabilités sociales.

Le Verseau, en allant à contre courant des valeurs normatives, rappelle au monde que l'aventure de la pensée n'est jamais terminée.

Les Poissons, réceptifs aux grands courants de l'invisible, nous rappellent la finitude de toute aventure trop humaine.

La Marée Solaire

La Marée Solaire

Tout objet ou événement extérieur est susceptible de satisfaire à deux lectures : l’une, physique et quantitative, représentée par sa description et son observation objective ; l’autre, symbolique et qualitative, représentée par la perception intuitive de son sens. Appliquons cette logique-symbolique au système solaire en son entier en suivant la voie tracée par Rudhyar : l'inergie unitaire solaire se différencie au fur et à mesure de sa capture par les planètes et, ce faisant, révèle progressivement leur nature essentielle. Dans une optique symbolique, et par conséquent chargée de sens, nous pouvons considérer le système solaire comme un grand symbole cosmique dont le décodage clarifie les grands principes sur lesquels reposent toute construction : construction physique (une maison), biologique (une cellule), psychologique (un individu) et spirituelle (un Avatar). Planètes et luminaires sont les seuls composants du système astrologique à avoir une réalité matérielle indéniable. Signes et Maisons ont une réalité symbolique basée sur la puissance archétypale des chiffres de un à douze. Les Nœuds Lunaires, la Lune Noire, les planètes noires et, peut-être, d'autres lieux encore à découvrir, ont une réalité géométrique. Points vides de l'espace ils focalisent dans l’invisible - dans les profondeurs inconscientes du psychisme individuel et collectif - les inergies distribuées par les planètes. Dans une dernière série de facteurs astrologiques se classeront les parts arabes, le point d'illumination, la part d'Esprit etc., qui, tous, relèvent d'une opération arithmétique.

Les planètes sont des points de concrétisation d'un processus continu de croissance qui a sa source dans le Soleil, chacune d'elle est une étape à atteindre puis à dépasser dans un triple mouvement d'acquisition (phase cardinale), d'identification (phase fixe) et de lâcher prise (phase mutable) avant d'atteindre la station suivante.

 

Le Soleil

Unique par sa fonction - qui est de générer de l'énergie - et par sa taille, le Soleil apparaît ici comme source de vitalité. Prana, Ki ou énergie éthérique selon les traditions, il est l’énergie qui soutient tout organisme. Puissance rayonnante, il brûle d'une vive intensité en déversant de la lumière blanche, synthèse de toutes les couleurs. Sa correspondance microcosmique sera naturellement le noyau, le cœur, le centre de tout organisme, vivant ou inerte. Toute genèse, tout germe, prend son origine dans le Soleil réel et symbolique. Un organisme croît et crée toujours à partir de son centre, position indispensable car ce centre a un pouvoir intégrateur, pouvoir de gravitation ou de cohésion dans la nature, pour attirer à lui les "collaborateurs" dont il a besoin. Etre dans son Soleil revient à se placer au centre de soi-même, centre autour duquel gravitent tous nos "moi" transitoires et circonstanciels. Sur le plan astronomique, toutes les planètes sont confinées dans le champ d'attraction solaire. L'astre représente la force d'intégration qui permet à tout organisme de rester unifié. Sur les plans physique, biologique, psychologique et spirituel la fonction solaire sera toujours la même : une puissance d'intégration et de synthèse. Point-référence de toutes les planètes, il est le garant de l'unité du système solaire et, symboliquement, de tout organisme.

Mercure

Comme le suggère son mouvement oscillatoire décrit par les rapides passages de la planète d'un côté puis de l'autre de l'écliptique, Mercure sanctionne la première différenciation de l'énergie solaire. De plus son excentricité anormalement élevée (aplatissement du plan de l’orbite de la planète) suggère un mouvement d'inspir et d'expir, en réalité la naissance du rythme. Si le Soleil trouve sa correspondance avec le cœur des atomes, Mercure symbolise tout ce qui émane directement de ce centre. Ce sera l’électricité produite par un transfert d’électron, l’énergie nerveuse induite par une onde de dépolarisation, l’indice de toutes les différences de potentiel.

Avec Mercure naît la dualité - et la première dualité réside dans la polarité des particules chargées positivement et négativement - et par conséquent l’objectivation de l'immense puissance solaire indifférenciée. Avec la charge électrique apparaissent les premiers phénomènes d'attraction et de répulsion propres à Vénus.

Vénus

La mise en vibration du point solaire conduit naturellement à une nouvelle étape de la manifestation du cœur. Caractérisée, comme Uranus, par une rotation axiale rétrograde elle correspond à une individualisation de l’inergie. En effet si la révolution orbitale, qui est un mouvement autour d'un centre, se rapporte au collectif (comme cela est le cas pour le zodiaque, chemin parcouru par la Terre autour du Soleil), la rotation axiale se rapporte à l’individualité de la planète (les Maisons, rotation de la Terre en une journée). L'inclinaison de l'axe polaire par rapport à l'écliptique indique le degré d'implication de l'individu dans le collectif.

Vénus construit la forme archétypale ou ira se lover la matière lunaire, elle est le champ magnétique d'où émergent les lignes de force essentielles du futur individu. Uranus aura ce même rôle, construire un organisme unique et indépendant, mais du point de vue de l'affirmation extérieure (planète sise au-delà de l'orbite de la Terre) alors que Vénus, à l'intérieur de l'orbite de la Terre, définit sa forme essentielle.

La Lune

Satellite de la Terre, il procède à toute naissance. Naissance d'un organisme concret sur la base d'un champ de forme archétypal (Vénus) et de l'énergie électrique (Mercure). De par sa position privilégiée de satellite, la Lune se réfère essentiellement à toutes les expériences terrestres. Elle est centrée sur la Terre, sur le développement de la vie organique. A partir de notre planète les choses ne sont plus abstraites, mais reposent sur une cellule préoccupée de sa survie. La fonction de la Lune est d'offrir à la parcelle de vie (Soleil) qui a su se séparer de la totalité (Mercure) puis se créer une forme potentielle (Vénus), la substance adéquate à son expression concrète. Elle est directement concernée par tous les phénomènes de croissance, comme le suggère sa forme changeante. Elle nourrit l’être physique (aliments) comme l’être psychique (images, rêves).

Tous les facteurs lunaires (Nœud Nord et Nœud Sud, Lune, Lune Noire) sont circumterrestres, par conséquent ils décrivent l’évolution, le mûrissement puis le dépassement de l'ego.

 

Mars

Les organismes qui virent le jour à l'étape précédente ne demandent qu'à croître et à se multiplier, c'est une étape de conquête et d'invasion de nouveaux territoires.

Si l'énergie provient toujours du soleil, elle est assimilée par l'organisme lunaire. Aussi Mars représente l'activité, sous toutes ses formes, de cet organisme. Alors que le Soleil diffuse dans toutes les directions, Mars focalise son énergie dans une seule direction à la fois. Ici le plus faible disparaît irrémédiablement au profit du plus fort, c'est-à-dire ceux en qui l'énergie solaire est transformée avec le meilleur rendement. C'est une période de haute lutte. Au niveau biologique Mars symbolise la division cellulaire, la reproduction sexuelle, les comportements de défense du territoire et de conquête de nouveaux espaces. Cette planète est en relation privilégiée avec les organismes unicellulaires (virus, bactéries) et les organismes capables de transformer l'énergie lumineuse (chloroplastes) ou chimique (mitochondries). Cette phase d'évolution s'inscrit parfaitement dans la théorie Darwinienne de la sélection naturelle (Avec Pluton dans le rôle de facteur mutagène).

Les astéroïdes entre Mars et Jupiter représentent les obstacles que doivent surmonter les organismes biologiques pour s'étendre toujours plus loin. La phase de croissance se heurte nécessairement, tôt ou tard, à l'épuisement du milieu.

Jupiter

Lors de cette étape certains organismes comprennent les avantages de la coopération sur la compétition. Ainsi en est-il des Actinomycètes qui, lorsqu'ils disposent d'une grande quantité de nourriture sur le sol de la forêt, agissent comme un groupe de cellules individuelles, chacune étant indépendante de ses voisines et vaquant à ses propres occupations. Mais lorsque la nourriture vient à manquer, ces individus fusionnent en une entité collective. Ils se rejoignent pour devenir un être unique qui se déplace sur le sol de la forêt, et se séparent à nouveau lorsque la nourriture réapparaît. Cet exemple illustre clairement la fonction Jupitérienne qui est le passage d'un comportement individuel (Mars) à un comportement collectif sous la pression de la nécessité.

Avec Jupiter nous assistons à la formation d'organismes pluricellulaires mieux adaptés aux conditions difficiles de leur environnement. La synergie prime sur les efforts d'individus séparés et avides. Jupiter est cette fonction qui rassemble les siens en une unité plus vaste, il impose la formation de communautés de ressemblances. Communautés d'intérêts au niveau humain (corporations, partis, cercles d'amis, cercles de pensée…) ; au niveau biologique formation d'organes composés de cellules à même vocation. Ce rassemblement des cellules pour former des organes, et des hommes pour constituer des tribus, génère une nouvelle forme de chaleur . Une chaleur issue de la mise en commun du surplus d'énergie libéré par Mars, qui profite à l’ensemble de l’organisme ou de la communauté. Chaleur protectrice au sein de laquelle chacun va entamer le long processus de différenciation saturnien.

Saturne

Le grand processus d'attirance du semblable par le semblable mené à terme produit nécessairement des choses différenciées. Plutôt que de retourner vers une activité individualiste de type Martienne comme le fait l'actinomycète, l’organisme Saturnien découvre les avantages de la spécialisation et du cloisonnement. Les cellules se différencient, chacune accroissant sa compétence en vue de la production de quelques substances spécifiques. De plus, s'il souhaite maintenir cet embryon d'organisation interne, l’organisme doit apprendre à sélectionner les nutriments de son environnement en fonction de ses besoins. Il apprend, peu à peu, à fonctionner comme un tout séparé et autonome. Ici œuvrent les germes du processus d'individuation. Cette période saturnienne correspond à tous les processus de cloisonnement, de limitation et de structuration : la peau et les os en biologie, mais aussi les cellules hyperspécialisées comme les neurones, les frontières et les lois d'une nation, les moyens de production spécialisés (usines…), la Taylorisation du travail, etc.

N'oublions pas que si l'inergie vitale solaire paresse trop longuement sur l'une de ces stations planétaires elle creuse le sillon d'une impasse évolutive. Ainsi en fut-il des bactéries (Mars) comme de ses colonies de termites (Saturne), spécialisées à un tel degré de perfection qu'elles semblent défier le pouvoir transformateur du temps.

Idéalement l'énergie Solaire qui prit forme (Vénus) dans un organisme (Lune) fonctionnel (Jupiter) et spécialisé (Saturne) reflue vers son centre. Suite à la phase involutive d'incorporation de l’inergie universelle, vient la phase évolutive caractérisée par la formation d'une identité individuelle. Le corps biologique ou social précédemment élaborés deviennent le support d'une nouvelle qualité : la conscience de soi ou, sur le plan collectif, la conscience de groupe.

L’histoire d’Israël : les enjeux du processus de paix

L'histoire d'Israël et son avenir, vus par l'astrologie

Note : cet ouvrage fut écrit en 1995

Ce processus de paix commencé subjectivement en 1982 et officiellement en 1993, que va-t-il advenir ? Certes, ce que la clairvoyance des nations en fera ! Si cette clairvoyance a quelques chances d'être soutenue par la lecture cyclique et symbolique des processus historiques, c'est en dégageant aussi clairement que possible les enjeux du futur en termes de sens et de dates.

En termes de sens nous avons noté l'interférence de deux structures cycliques à partir de 1966-1967 :

  • Celle relative à la naissance puis à la consolidation de l'Etat israélienau sein du Moyen-Orient. Il s'agit du Grand Cycle Saturne-Pluton détaillé dans cet ourage, il arrivera à son apogée en 2001-2002.
  • Celle, plus générale, qui concerne l'ensemble de cette région du globe jadis représentée politiquement par les Empires byzantin puis ottoman. Sur les ruines de Baghdad (1055) puis sur celles de Byzance (1453) les Turcs construisent ce qui deviendra l'une des puissances majeures de l'Europe et du Moyen-Orient. Ce cycle est symbolisé par la séquence des conjonctions Uranus-Pluton. L'implantation des colonies juives en territoires occupés commencée après la guerre des six jours et inlassablement poursuivie depuis, malgré les accords d'Oslo, relève de la phase croissante d'un de ces cycles.

Les précédentes conjonctions Uranus-Pluton eurent lieu en 1850-1851, 1710-1711, 1597 et 1453-1455. Cette dernière date, nous l'avons déjà souligné, marque la fin de l'Empire Romain d'Orient. Le début des années 1850, date qui correspond aux premières implantations juives en Palestine, interfère avec les destinées de l'Empire ottoman sur le déclin. Cet Empire, que les chancelleries occidentales qualifiaient de "vieil homme malade", sera officiellement enterré en 1923 avec la proclamation de la République turque.

Il convient donc de replacer la naissance d'Israël dans un contexte historique plus large, à savoir la succession des Empires romain, byzantin puis ottoman. Tour à tour les Romains, les Grecs, les Francs et les Turcs ont envahi ces immenses territoires quasi-désertiques du Moyen-Orient. Seule la civilisation musulmane née à Médine avec Mahomet a su rassembler les tribus indigènes, les réunir au nom d'une foi commune, puis développer une civilisation florissante. Or l'Empire islamique vit - vivait - au rythme des conjonctions Uranus-Neptune alors que les "colonisations" successives sont symbolisées par les cycles Uranus-Pluton. Finalement, pour comprendre les enjeux contemporains du Moyen-Orient, il faut réfléchir non pas aux deux mais aux quatre structures cycliques qui, à des degrés divers, interviennent et parfois interfèrent :

  • La première, la plus importante en raison de son affinité avec la société juive d'Israël, nous l'avons analysée en détails en suivant pas à pas le G.C. Saturne-Pluton.
  • La seconde est relative à la nature et au devenir des peuples moyen-orientaux rassemblés sous une même foi, l'islam. Elle est symbolisée par les cycles Uranus-Neptune. Malheureusement, une argumentation de cette affirmation dépasserait le cadre de cet ouvrage. Notons simplement que l'enseignement de Mahomet (620-632) et la conquête extrêmement rapide qui s'ensuivit survinrent en synchronicité avec une conjonction entre ces deux planètes dans le signe de la Vierge en 623-624. Rappelons que le calendrier musulman commence avec l'Hégire, l'expatriation du Prophète et des premiers musulmans de la Mecque vers Médine, daté du 16 juillet 622.
  • La troisième est relative aux invasions du Moyen-Orient par des puissance militaires étrangères désireuses d'y fonder un empire : l'Empire romain d'abord, puis les Turcs et les Croisés. Les étapes de d'union et de désunion du moyen-orient sont scandées par les cycles Uranus-Pluton.
  • La quatrième matérialise - sens de Saturne - la fonction "Uranus" de la conjonction Uranus-Pluton de 1851-1852. Il s'agit des cycles Saturne-Uranus marqués par les conjonctions de 1897, 1942 et 1988. Ces cycles sont surtout représentatifs de l'évolution, de la transformation et de l'application de l'idée de liberté, une idée qui prit corps dans le champ économique sous la forme de la doctrine libérale et de l'esprit d'entreprise. Négativement cette fonction conduit, dans les domaines intellectuel et économique à la spéculation, et, dans l'univers social, au clivage entre riches et pauvres.

Le processus de paix n'appartient pas au même courant signifiant que la question des Territoires occupés relatifs à la conjonction Uranus-Pluton en Vierge de 1965-1966. Le premier parle de dialogue, de reconnaissance mutuelle des Etats palestinien et israélien, d'établissement de justes relations entre deux peuples ; le second réactive la mémoire collective des croisades et, plus proche de nous, les souvenirs de la colonisation franco-britannique perçue comme une ingérence occidentale. Or, le carré croissant entre ces deux planètes se formera seulement entre 2012 et 2015, dates où le processus de colonisation des Territoires risque de subir de profonds revers si une solution n'est pas trouvée d'ici là. A titre d'illustration, le demi-carré (45°) entre Uranus et Pluton était exact pour la cinquième fois le 9 décembre 1987, le jour même du début de l'Intifada à Gaza, suivie de son extension rapide en Cisjordanie.

En Israël cette conjonction Uranus-Pluton s'intègre dans un existant : une situation de tensions politiques où la survie de la nation est en jeu et une mentalité collective qui s'efforce sans cesse de concilier liberté et pouvoir au sein d'une "démocratie autoritaire". Partout dans le monde, en ces années de révolte, la liberté battait en brèche les systèmes répressifs. Or Israël, dans le même temps, installait un nouveau système répressif en territoires conquis.

Alors, qu'en conclure ?

Conclure, ce sera sans doute l'Histoire qui s'en chargera. Nous ne pouvons ici que proposer des hypothèses :

  • Le rêve du "Grand Israël" que crurent accomplir certains en occupant militairement Gaza et la Cisjordanie reçut, au milieu des années soixante, le "coup de pouce inergétique" de la conjonction Uranus-Pluton, une conjonction qui, à chaque fois qu'elle se forme, pose la question du dialogue entre Orient et Occident, fut-ce le plus souvent par les armes. En réalité, la question des Territoires occupés soude le fragile consensus qui réunit les pays arabes bien plus qu'elle ne permet de construire l'élargissement territorial d'Israël. Dans une certaine mesure elle nuit à la sécurité nationale puisque ce cycle Uranus-Pluton interfère dans les esprits avec le processus de paix qui devrait se matérialiser en 2001-2002 par deux Etats se reconnaissant mutuellement.
  • Ce rêve réactive les souffrances, les humiliations et les incompréhensions nées des croisades entre les trois protagonistes que furent les Latins, les Grecs et les Musulmans. Elles sont réactualisées à chaque ingérence occidentale dans le monde oriental. La question, aujourd’hui d'importance, d'une réunification des valeurs véhiculées par l'Orient et l'Occident se pose au rythme des cycles Uranus-Pluton. Israël, tant géographiquement que culturellement, pourrait devenir un point pivot pour cette réunification. Ce serait exprimer les valeurs d'Uranus (individualisme et démocratie) et de Pluton (puissance de la volonté et sens du Tout) d'une manière nouvelle, en cohérence avec l'évolution planétaire qui entre rapidement dans la société d'information. Les territoires ne sont plus géographiques mais intellectuels.
  • Si le futur est envisagé à coup d'idéologies et de visions à court terme la politique de colonisation des Territoires pourrait se poursuivre bon an mal an jusque dans les années 2012-2015, malgré le coup de semonce donné par l'Intifada au moment exact du demi-carré Uranus-Pluton. En 1987 l'esprit de liberté (Uranus) renaissait au mépris de la volonté de puissance (Pluton). Il renaîtra encore de manière plus violente et, surtout, plus définitive au moment du carré si rien n'est fait pour concilier ces deux fonctions inergétiques. Le monde arabe pourrait alors prendre conscience de son unité de manière plus concrète. Deux à trois ans auparavant, vers 2009-2010 lors du second carré du cycle 5, une nouvelle crise aura secoué l'Etat hébreu, une crise qui mettra en lumière les limites et les imperfections des accords signés en 1993 et matérialisés en 2002 sans que soit intégré un règlement de la question des Territoires occupés.

Si cette question des "Territoires" occupe bien une place à part elle n'en doit pas moins trouver une solution pour affronter la période cruciale de 2012-2015 avec sérénité.

La conjonction des trois cycles dès 1851-1852 suggère l'existence d'une confusion entre trois motivations qui guidaient l'installation des premiers colons en Palestine. Motivations qui, à l'époque, en raison même de la nature de la conjonction, étaient loin d'être claires :

  • L'implantation dans un territoire et, à terme, la création d'un Etat juif : le Grand Cycle Saturne-Pluton.
  • Une entreprise néo-coloniale visant à démanteler encore un peu plus l'unité politique du Moyen-Orient : les cycles Uranus-Pluton. Cette thèse est défendue par les pays arabes sous influence socialiste et, bien sûr, par les Palestiniens.
  • Le rôle de la Diaspora qui soutient financièrement et intellectuellement le projet national sans s'impliquer physiquement : les cycles Saturne-Uranus. Ces cycles, en réalité, dépassent largement le cadre de la Diaspora puisqu'ils scandent l'histoire du progrès scientifique et économique depuis 1760. Les motivations, ici, sont d'ordre financières et technologiques.

 

 

Cinq cerveaux pour un Sapiens

La coupe verticale d'un cerveau d'homo sapiens dévoile trois zones biochimiquement et fonctionnellement distinctes. Paul Mc Lean, chef du laboratoire de recherche sur l'évolution cérébrale et le comportement au National Institute for Mental Health, a montré que celles-ci correspondaient à trois étapes de l'évolution.

La partie située immédiatement sur le pourtour du tronc cérébral avec, notamment, le cervelet, est la plus ancienne. L'homme la possède en commun avec les reptiles, les tortues et les lézards. Ce cerveau reptilien contrôle les instincts les plus fondamentaux communs à toutes les espèces vivantes : la volonté de survivre, les rapports de force de type dominance/soumission, les rituels, la défense du territoire, les "forts" qui se liguent contre les "faibles", les parades sexuelles.

Au-dessus de cette zone de réflexes immémoriaux est venue se greffer au fil de l'évolution une nouvelle structure que nous possédons en commun avec tous les mammifères : rat, lapin, kangourou. Ce système limbique enregistre des émotions comme la faim, la soif, le plaisir, la douleur, etc. En bref il est le siège de la motivation. Avec lui l'organisme manifeste sa colère, sa peur, son intérêt, sa passion. Il gère le fonctionnement du système nerveux autonome et possède déjà la capacité de s'abstraire de l'immédiateté de son environnement. En effet, si le cerveau reptilien est le lieu du réflexe de survie, la stimulation du système limbique perdure longtemps après la disparition du stimuli. Il possède "une intelligence affective" grâce à laquelle il interprète à sa manière son environnement en réagissant sur le mode de la valeur : "j'aime ou je n'aime pas, c'est bon ou mauvais". Si on supprime le système limbique d'un singe il conserve ses capacités motrices mais son comportement ne ressemble plus à celui du singe. Il tentera de manger des ordures, de copuler avec des poules. En un mot il perd contact avec le savoir de son espèce, avec "l'esprit" du monde des singes.

Le troisième "cerveau", qui n'appartient qu'aux primates, et que l'homme a particulièrement développé, est plus connu : il s'agit du néocortex. Il contrôle les activités conscientes ainsi que les relations avec les événements extérieurs de l'environnement. Notons que la concentration sur une pensée ou un objet stimule particulièrement une petite zone spécifique du néocortex. Par conséquent la concentration est une diminution du champ de conscience. Ici le recul par rapport à la réalité immédiate atteint un sommet puisque, par la pensée, l'homme est capable de se "re-présenter" le monde, voire de le théoriser. Aucune trace d'émotion n'émane du néocortex. Il ne cherche pas à savoir ce qui est "bon" ou "mauvais" mais différencie le "vrai" du faux".

Au fond, chaque individu possède dans sa mémoire des comportements reptiliens, mammaliens et humains.

"Gay Talese dans The Kingdom of the Power a fait remarquer que la place où l'on s'assied dans la salle de rédaction du New-York Times n'est jamais fortuite. Comment ces gens si savants ont-ils appris à se comporter de cette façon - en lisant la description que fait Liewellyn Evans d'un combat de lézards noirs, pour la première place, sur un mur de cimetière ?"

D'après Paul Mc Lean les connexions anatomiques entre le néocortex et les deux cerveaux anciens sont relativement rares et transmettent l'influx nerveux lentement. Cette "schizophysiologie" serait responsable d'un profond déséquilibre du comportement humain qui se manifeste par une croissance exponentielle de la techno-science, alors que l'éthique n'évolue pas et reste confinée dans la vision idéaliste d'un Christ ou d'un Bouddha. Pourtant l'urgence d'une réconciliation entre l'intelligence du cœur et la perspicacité du mental est plus que jamais nécessaire à l'heure où la maitrise technologique de l'environnement est susceptible de matérialiser les démons les plus archaïques qui hantent l'esprit des organismes vivants. Une non intégration de ces trois cerveaux - reptilien, mammalien et néocortical - conduirait à une impasse évolutive et, à terme, à la quasi disparition de l'espèce. Des phénomènes tels que l'antisémitisme ou la diabolisation de la société occidentale par l'Islam intégriste ne sont pas nouveaux en soi. La différence - fondamentale - c'est que, aujourd'hui, le besoin de boucs émissaires qui jaillit des cerveaux anciens récupère à son profit le pouvoir d'action sur l'environnement développé par le néocortex. La diabolisation n'est plus simplement un moyen "naturel" d'exprimer ses peurs et ses angoisses. Une formidable synergie s'opère avec le développement scientifique de sorte que ce qui devait rester une expression émotionnelle envahit le plan physique et événementiel. L'holocauste n'est que la matérialisation de cela.

Ce que Jung appelait "l'intégration de la personnalité" sera probablement la grande œuvre du XXIe siècle, imposée par l'urgence du danger qu'induit l'actuel déséquilibre entre extériorité et intériorité, représentation du réel (néocortex) et expérimentation du monde (système limbique). Toute évolution se fait sous la pression de la nécessité ; nous en sommes cependant arrivé à un point où l'homme peut - doit - participer consciemment à ce grand processus dont la fin lui échappe encore.

A cette structuration du cerveau humain en trois zones fonctionnelles qui gardent les traces de la phylogenèse s'ajoute une division, en deux parties anatomiquement comparables, du néocortex et du cerveau mammalien (ou limbique). De sorte que l'homme possède cinq "cerveaux"

Le cortical gauche et le cortical droit

Le limbique gauche et le limbique droit

Le reptilien

L'hémisphère gauche, situé derrière l'œil gauche, donne des ordres à la partie droite du corps ; l'hémisphère droit, situé derrière l'œil droit, commande la partie gauche du corps.

Un pont de matière grise transmet les informations entre les deux parties du néocortex : le corps calleux. La commissurectomie, ou section chirurgicale de ces fibres, entraîne la perte de coordination entre les deux hémisphères cérébraux. Les informations perçues par l'un sont inconnues de l'autre. C'est précisément de telles opérations qui ont mis Roger Sperry sur la piste de l'autonomie fonctionnelle et de la spécialisation très poussée de chaque hémisphère.

" Si, par exemple, on donne à un patient commissurectomisé un crayon dans sa main droite qu'il ne peut voir, il peut immédiatement dire que c'est un crayon car sa main droite le connecte avec son hémisphère gauche. Mais si le crayon est placé dans sa main gauche, l'hémisphère droit reste silencieux, incapable de donner à l'hémisphère gauche l'instruction nécessaire pour décrire le crayon."

Cette spécialisation hémisphérique semble caractériser l'homme adulte. Elle n'existe ni chez les primates ni chez le nouveau-né jusqu'à l'âge de deux ou trois ans. Il est probable que cette différenciation soit en rapport avec l'apprentissage du langage. Dans l'état actuel des recherches il semble que 95% de la population traite l'information de la manière suivante :

 hémisphère gauche   hémisphère droit
 verbal  non verbal
 nomme   visualise

 analytique

 holistique (global)
 rationnel   intuitif
 traite des séquences en discontinu  recherche la synthèse
 le temporel  le spatial

Classification essentiellement occidentale valable pour un monde de droitiers qui écrivent de gauche à droite. Il semblerait que le fonctionnement cérébral des peuples extrême-orientaux, des Chinois et des Japonais, ne soit pas aussi spécialisé. De plus, en Occident, l'homme utiliserait préférentiellement la partie gauche du cerveau alors que la femme serait une adepte du côté droit.

Le cerveau gauche :

- Nomme et, par conséquent, objectivise le réel.

- Mesure et, par conséquent, normalise le réel.

Alors que le cerveau droit :

- Voit la totalité d'une situation et cherche à comprendre son unicité.

- Cherche la fonction de l'objet au sein de son environnement, 
c'est-à-dire son sens.

En s'appuyant sur les travaux de ces neurophysiologistes, Ned Hermann développa un outil capable de mesurer la dominance cérébrales des individus, complétant ainsi la description des caractéristiques fonctionnelles des quatre cerveaux, limbique et néocortical.

La description des diverses zones fonctionnelles du cerveau humain, si importante soit-elle pour la philosophie des sciences, ne répondra jamais à cette question plurimillénaire qui ressurgit aujourd'hui de manière cruciale : qu'est-ce que la pensée ?

Est-ce, comme le suggère John Eccles, prix Nobel de médecine, dans son livre Évolution du cerveau et création de la conscience " un champ de conscience dépourvu de masse et d'énergie, qui exerce pourtant une influence sur la transmission de l'influx nerveux en activant certaines particules biologiques élémentaires dans les synapse ", ou est-ce un épiphénomène fugace et transitoire généré par l'activité électrochimique des neurones comme le laisse entendre J.P. Changeux dans L'Homme neuronal ?

Force est de reconnaître que, dans l'état actuel de nos connaissances, il est impossible de trancher définitivement entre ces deux hypothèses de travail.

Le cerveau est-il organe de réception qui capte un "champ d'information" immatériel ou est-ce un créateur de pensée et de signification ? Se comporte-t-il comme le poste de radio qui décode d'invisibles et intangibles ondes, ou comme un caillou jeté dans l'océan du monde dont la chute infinie soulève une kyrielle de pensées frétillantes ?

L'histoire des sciences depuis Pythagore jusqu'à Newton montre que la cohabitation de ces deux a priori métaphysiques s'est, bon an, mal an, déroulée sans prise de pouvoir excessive de l'un sur l'autre. L'apogée de la culture Arabe, au XIIe siècle, fut même une héroïque tentative de synthèse entre ces deux manières d'appréhender la réalité. Or les trois derniers siècles du millénaire ont conduit la civilisation occidentale sur la pente dangereuse d'un déséquilibre en faveur du cerveau gauche analytique, rationnel, coupeur de cheveux en quatre dans le sens de la longueur, aux dépens de l'hémisphère droit plus synthétique, plus esthétique aussi.

Nous soulignions il y a un instant l'urgence d'un rééquilibrage et d'un fonctionnement complémentaire des deux hémisphères (du cerveau, de la planète) pour éviter la construction d'une société dangereusement schizophrénique. Une telle tentative impose de voir clairement les enjeux ainsi que les conséquences, tant philosophiques que pratiques, du déséquilibre cerveau droit / cerveau gauche. Il sera seulement possible, alors, de proposer des solutions ou, plus exactement, une méthode qui intègre analyse et synthèse (gauche et droite), cœur et intelligence (limbique et cortical).

Jung ou la métamorphose du vieil homme

Jung ou la métamorphose du vieil homme

Carl Gustav naquit un 26 juillet, sous le signe du Lion. L’ascendant du thème de Jung se situe en Capricorne, Saturne rétrograde en Verseau et en première maison. Dans un thème, l'ascendant représente toutes les expériences qu'il nous faut appri­voiser, découvrir et assimiler afin de gagner en liberté intérieure. Ces expériences sont toujours ten­tantes mais elles demandent de s'ouvrir à l'inconnu. Elles peuvent être sources de grandes satisfac­tions comme engendrer de puissants déboires. Tout se passe comme si l'individu devait expérimenter dans sa vie con­crète toute la gamme d'expression symbolique de cette nouvelle qualité d’être. Agissant ainsi, il expérimente un sentiment d'unicité et de liberté jamais rencontré auparavant. Alors que les inergies du signe ascendant doivent être ac­quises par l'expérience, celles du signe solaire font déjà partie de la personna­lité. Idéalement l'individu devrait s'appuyer sur la confiance en soi générée par l'expression des qualités du signe Solaire pour expérimenter, apprivoiser puis assimiler celles de son ascendant.

Très souvent, et pour cette raison, le signe à la pointe de la première maison est vécu de ma­nière plus excessive et surtout plus inconsciente quand aux conséquences, que le signe so­laire. Là ou est le Soleil, là est la conscience ; là ou est l'ascendant, là est le désir d'expérimenter.

On comprend pourquoi la première maison est essentielle dans un thème natal. Elle repré­sente le prochain pas à franchir en vue de l'évolution de la per­sonnalité repré­sentée par l'axe des noeuds de la Lune. La maison et le signe du maître de l’ascendant. représentent la manière (signe) et le champ d'expérience (maison) où l'individu ex­prime le plus aisément son unicité. Là, il se sent libre d’être vraiment lui-même. Là, il a le sentiment de grandir.

L’ascendant Capricorne de Jung souligne l'importance accordée par l'enfant à son père. Pour se sentir en sécurité il a besoin d'une référence masculine qui lui donne des limites claires et définies. Un enfant de ce type est souvent « attaché aux jupes de son père » par contraste avec l'enfant né avec un ascendant Cancer qui a toujours besoin de sa mère. Très tôt s'installe un processus d'identification et d'admiration pour l'image paternelle. Cependant la rétrogradation de Saturne ne favorise nullement cette identification à l'image père. La fonction « acquisition des limites » est tournée vers l'intérieur, incapable de percevoir avec mesure les règles imposées par la figure d’autorité. En réalité Jung à dans sa tête l’idée de ce que devrait être un père idéal, du coup il a tendance à juger l’homme en chair et en os, naturellement faillible, comme étant incompétent. La présence de Saturne en première maison souligne que sa quête essen­tielle est celle de son identité. Le défi proposé par Saturne en Verseau consiste à intégrer la nouveauté sans se laisser déstabili­ser. Une nouveauté qui prendra le visage de l’architecture et des formes géométriques abstraites propres au « mental supérieur » dont le Verseau et Uranus sont les représentants.

En une simple phrase le psychanalyste résume merveilleusement le paradoxe engendré par la présence simultanée d’un ascendant en Capricorne et d’une rétrogradation de Saturne[1] :

« "Père" signifiait pour moi digne de confiance et… incapable »

Ce père « incapable » joua pourtant un grand rôle dans la vie de son fils. Lorsque ses parents firent chambre à part - notons le carré Saturne-Lune du thème natal, la tension entre les valeurs masculines et fémi­nines dans la psyché de Carl Gustav se rejoue dans la mésentente de ses parents – l’enfant choisit de dormir dans la chambre de son père plutôt que dans celle de sa mère.

Ce fut encore son père qui lui offrit, lors de sa quatorzième année (opposition de Saturne à lui même), le plus beau cadeau qu'il ne reçut ja­mais :

"Mon père me glissa un billet dans la main et dit : tu peux maintenant aller seul sur le Rigi-Kulm; je reste ici, deux billets coûtent trop cher. Fais attention à ne pas tomber.

"Le bonheur me rendait muet ! Enorme montagne, si haute que je n'en avais jamais vu de semblable auparavant ! Si proche des montagnes de feu que j'avais vues dans mon enfance, déjà si lointaine ! J'étais en effet presque un homme: j'avais acheté pour ce voyage une canne de bambou et une casquette an­glaise de Jockey, comme il sied à ceux qui vont de par le monde et maintenant j'étais, moi, sur cette immense montagne ! Je ne savais plus qui de moi ou de la montagne était le plus grand ! Avec son souffle puissant la merveilleuse locomo­tive me propulsait vers de vertigineuses hauteurs où sans cesse de nouveaux abîmes et de nouveaux lointains s'ouvraient à nos regards. Enfin je me trouvai au sommet, dans un air nouveau, léger, inconnu, dans une immensité inimaginable : "oui me disais-je, c'est le monde, mon monde, le vrai monde, le mystère ou il n'y a pas de maîtres, pas d'école, pas de questions sans réponses, où l'on est, sans rien demander". Je me tenais soigneusement sur les sentiers, car il y avait de pro­fonds ravins. C'était solennel ! Il fallait être poli et silencieux, on était dans le monde de Dieu. Ici on le touchait réellement ! Ce cadeau fut le meilleur et le plus précieux que mon père me fit jamais."

Etonnante fraîcheur avec laquelle, à plus de 80 ans, Jung décrit cette scène !

La montagne, cette « inaccessible terre promise » de ses toutes pre­mières an­nées devint, à 14 ans, un lieu à conquérir. Mais l’adolescent n’a pas un Saturne direct, ce n’est pas un alpiniste parti à la conquête des sommets enneigés. En 1959 Hermann Hesse, qui avait ren­contré le psychanalyste disait de lui[2] : « Cet homme est une véritable montagne, un génie extraordinaire… ». A la fin de son parcours Jung était devenu « la montagne ». Il avait intégré en lui, digéré en quelque sorte, le symbole extérieur cher au Capricorne. Avec un Saturne direct il aurait pu devenir un grimpeur émérite, au lieu de cela il devint un archéologue du psychisme et découvrit la force et la profondeur de tous les sommets.

La relation avec la pierre, celle qui construit, la pierre du Capricorne, fut essentielle tout au long de sa vie. Toujours, il y trouva du ré­confort. Maçon talentueux, il avait un sens inné de la construction. Enfant, il s'amusait déjà à ériger des châteaux forts avec des presque rien, adulte il renoua avec le même jeu pour ne point sombrer dans la folie lors de sa difficile plongée dans son inconscient. A l'âge mûr il construisit de ses mains la tour de Böllingen, sa maison extérieure, symbole de sa réalisation intérieure. A la fin de sa vie il disait voir à travers la pierre ce que celle-ci lui demandait de sculpter. Il se contentait alors d’en révéler des formes. Toute l’existence de Jung fut un jeu de construction avec le rocher du Capricorne. Comme celle du facteur Cheval qui, avec une infinie patience, construisit son étrange palais dans la Drôme. Ici, avec la rétrogradation, ce qui est en jeu, c’est la construction intérieure dont l’élaboration de la maison extérieure est l’excuse.

Le sextile de Saturne rétrograde à Mars indique littéralement la capacité d'organiser (sextile) la pierre (Saturne) au moyen du burin (Mars)[3]. La co-dominante vénu­sienne ajoute à cela le sens esthétique. En sculptant, l'individu canalise ses énergies (Mars) pour cons­truire sa personnalité (Saturne en I). Dans ce contexte thématique le travail de la pierre est avant tout un travail sur soi.

Enfant, il avait sa pierre avec laquelle il entretenait un étrange jeu[4] :

« Assez souvent, lorsque j'étais seul, je m'asseyais dessus et alors com­mençait un jeu de pensée qui prenait à peu près la forme suivante : "je suis assis sur cette pierre. Je suis en haut, elle est en bas." Mais la pierre pouvait tout aussi bien dire : "Moi, je…" et penser : "je suis placée ici, sur cette pente, et il est placée sur moi" Alors se posait la question "Suis-je celui qui est assis sur la pierre, ou suis-je la pierre sur lequel il est assis ? - Cette question me troublait chaque fois; je me redressais, doutant de moi-même, me perdant en réflexions et me demandant "qui est quoi ?". Cela restait obscur et mon incertitude s'accompagnait du senti­ment d'une obscurité étrange et fascinante.

"... Cet instant m'est resté inoubliable , car il a illuminé pour moi, comme en un éclair, l'aspect d'éternité qui avait marqué mon enfance"

Vers l'âge de dix ans il sculpta dans sa règle un petit personnage « avec re­dingote, haut de forme et souliers reluisants » accompagné d'un petit galet peint qu'il avait découvert à proximité du Rhin[5].

"Le tout constituait mon grand secret auquel, d'ailleurs, je ne comprenais rien. Je portai le plumier avec le petit bonhomme tout en haut du grenier ou il m'était interdit de pé­nétrer. Je le cachai sur une poutre maîtresse de la charpente. J'en éprouvai une grande satis­faction, car personne ne le verrait. Je savais que personne ne pouvait le trouver là, que personne ne pouvait découvrir et détruire mon secret. Je me sentais sur de moi et le senti­ment troublant de désunion avec moi-même disparut."

Evidemment le personnage « en redingote et souliers reluisant » est, entre autres choses, une pro­jection de l'élitisme du Lion, de même que le jeu du « qui est qui » rappelle le goût du paradoxe et de l'inversion de la norme cher au Verseau. Cependant, c'est par l'entremise de la pierre que l'enfant se ré­concilie avec lui-même.

Remarquons qu'il existe deux « espèces » de pierre. Celle qui re­lève de Saturne, celle que l'on peut sculpter, et celle qui appartient à la symbolique de la Lune Noire. La Kabaa, la pierre sacrée de l'Islam, d'origine extrater­restre croie-t-on, en est l’image extérieure. Jung découvrit cette pierre sacrée en 1944, lorsqu'il faillit mourir. En songe sa personnalité se résor­ba alors dans une pierre lisse, noire comme du ba­salte et aussi dure que le granit.

Explorons à présent les diverses niveaux de lecture de la structure « ascendant Ca­pricorne / Saturne rétrograde » telles qu'elles furent expérimentées par Jung :

- Son identification inconsciente à son père eut pour conséquence de l'envelopper très tôt dans une aura de responsabilité et de sagesse. Enfant, il pa­raissait plus mur que son age. Parfois sa mère se confiait à lui comme elle aurait souhaité le faire avec son mari.

- Une grande puissance de concentration aida Jung toute sa vie durant. En réalité l'ambiguïté demeure, le thème suggère une surcompensation sous-tendue par un sentiment de ne pas se sentir à la hauteur de sa tâche. En ef­fet Saturne rétrograde ne serait pas maître d'un ascendant Capricorne, l'astrologue aurait volontiers suggéré une difficulté à ordonner son exis­tence et à gérer son temps.. Cette difficulté de poser clairement des limites devant les exigences du monde extérieur est assez typique de la rétrogradation de Saturne. De son propre aveu jamais Jung ne pouvait résister à un journaliste sollicitant un interview. Après un long débat intérieur entre le « oui » et le « non » il finissait toujours par accepter. De plus Saturne rétrograde en première maison est l’indice d'une déprécia­tion de sa valeur personnelle[6] :

« Tout succès l'étonnait, quelle que soit la joie qu'il lui causait et l'amertume qu'il éprouvait devant les critiques incompréhensives. Cependant le fait d'être compris et accepté constituait et demeurait pour lui un désir et une tentation. »

Son entourage était fasciné par ses longues journées de travail ou s'additionnaient séances d'analyse, lectures et écriture. Probablement compensait-il un sentiment de préciosité du temps qui toujours lui échappait. De même, comme le souligne sa biographe, Aniéla Jaffé, toute sa vie le conflit entre l'acceptation et le refus subsista (Saturne progressé reste rétrograde jusqu'à sa mort).

Ces quelques exemples soulignent à quel point on ne change pas son thème. Mais aussi à quel point il est loisible de l'approfondir dans une di­mension verti­cale, allant toujours plus loin dans la mise à jour des strates symboliques qui composent la personnalité.

Un saturne rétrograde devrait être vécu comme tel avec les désa­gréments que cela suppose dans l'appréhension de la réalité objective, et non transformé ar­bitrairement en un Saturne direct, du moins tant que les progressions n'indiquent pas le contraire. Une telle configuration astro­logique est un extraordinaire outil pour mettre de l'ordre dans son in­conscient. L'être sent intensément la pression des puissances subjectives qui cherchent à faire surface. D'une manière plus géné­rale une planète directe est aussi maladroite et inexpérimentée vis-à-vis du royaume sub­jectif que l'est une planète rétrograde par rapport à la vie objective.

Le sentiment de culpabilité symbolisé par la rétrogradation du maître de l’ascendant fut compensée par la lucidité envers soi-même typique d’un Soleil en Lion. L'un et l'autre s'articulent de la manière suivante[7] :

« Avoir des ennemis et être le plus souvent insoupçonné était pour moi inattendu, mais pas tout à fait incompréhensible. Tout ce que l'on me reprochait me mettait en colère. Cependant, au fond de moi, je ne pouvais pas le contester. Je savais si peu sur moi-même, et ce peu était si contradictoire, qu'il m'était impossible, en bonne conscience, de récuser un blâme. A vrai dire, j'avais toujours mauvaise conscience et j'étais conscient de ma culpabilité aussi bien actuelle que potentielle. Aussi étais-je particulièrement sensible aux reproches; tous m'atteignaient en un point plus ou moins vulnérable. Si je n'avais pas réellement commis la faute, j'aurais fort bien pu la commettre. Il m'arrivait même de noter des alibis pour le cas ou je serai accusé. Et je me sentais réellement allégé quand j'avais vraiment commis une blague. Alors, au moins, je savais le pourquoi de la mauvaise conscience. Naturellement je compensais mon incertitude intérieure en affichant une certitude extérieure, ou - mieux encore - la carence se compensait d'elle- même sans que je le veuille. »

L'expression « automatique » du Soleil en Lion est à rechercher dans l'interception du signe.

A la fin de sa vie, Jung découvrit le plus haut niveau actuellement connu des valeurs du Capricorne : le rôle du nombre comme facteur archétypal entrant dans la structure du monde psychique. Dans le royaume objectif (Saturne direct) le Capricorne symbolise l'esprit scientifique qui accumule des faits et des preuves expérimentales. Bien loin des envolées philosophiques du Sagittaire, il propose prudemment un modèle. Il scrute l'objet extérieur avec circonspection et lenteur mais arrive toujours à des résultats concrets, souvent spécialisés. La rétrogradation de Saturne en Maison I inverse le flux de l'attention consciente mais lui conserve toute sa spéci­ficité : Jung étudia « scientifiquement » le royaume de la psyché, il y découvrit les archétypes qui sont à l'univers intérieur ce que sont les objets à l'univers extérieur : ils ont une existence autonome et sont inconnaissables en soi. Le nombre-quantité qui entre dans les appareils de mesure et les équations mathé­matiques décrit l'univers objectif ; le nombre-archétype rythme l'évolution et la transformation des facteurs psychiques inconscients[8].

D'un point de vue plus événementiel, le psychanalyste termina sa vie en har­monie avec les valeurs du Capricorne. Sa maison de Böllingen était pour lui un refuge ou peu de personnes avaient l’autorisation de pénétrer. Comme l'ermite dans sa grotte, il y vivait sans eau ni électricité. Vêtu de vieux vêtements il refusait tout le confort mo­derne. Entre 1955 et 1957, deux an­nées durant, il grava dans la pierre son arbre généalogique.

Evidemment, il ne suffit pas d'être dépositaire d'un thème avec un ascendant en Ca­pricorne et un Saturne rétrograde, fut-il en première maison, pour s'appeler Jung. Gardons néanmoins à l'esprit que le psychanalyste réussit sa grande aventure grâce aux ingrédients psychiques contenus dans l’ascendant, mais aussi parce qu'il possédait une personnalité forte et affirmée (Soleil en Lion) ainsi qu'une facilité déconcertante à percevoir sous forme d'images les contenus de son inconscient (conjonction Lune-Neptune au Fond du Ciel et conjonction Soleil-Uranus en VII). Sa quête essentielle fut celle du sens (Lune Noire Sagittaire) bien qu'il finit par incarner dans sa personnalité la sym­bolique de la Montagne (ascendant Capricorne et Saturne rétrograde).



[1] C.G. Jung “Ma vie” p. 27, Gallimard (1973).

[2] Cité par Miguel Serrano dans C.G. Jung et Hermann Hesse p. 18 (Georg).

[3] Mars en Bélier forme un quinconce croissant avec Saturne dans le thème du facteur Cheval.

[4] C.G. Jung, Ma vie, p 40.

[5] C.G. Jung, Ma vie, p 41.

[6]Collectif, C. G. Jung et la voie des profondeurs p 43, La Fontaine de Pierre (1980).

[7] C.G. Jung, Ma vie p. 64-65.

[8] Voir l’ouvrage de Marie-Louise von Franz, Nombres et temps (La fontaine de pierre).

Les planètes rétrogrades en astrologie

Planètes rétrogrades en astrologie

Les planètes semblent parfois « rétrograder » dans le firmament, c’est-à-dire revenir en arrière. Au lieu de suivre le mouvement apparent du Soleil comme d’ordinaire, elles paraissent remonter le ciel à contre-courant. Ce phénomène est une « illusion d’optique » due à la proximité du corps céleste de la Terre. Pourtant sa lecture symbolique nous conduira à relever l’extraordinaire importance des rétrogradations dans la lecture du thème natal.

Les rétrogradations, la croix de la Lune Noire et les nœuds lunaires nous parlent des dimensions invisibles de l’être humain, de ces parties de nous-même qui ne savent se dire aux yeux du monde mais qui, pourtant, sont si importantes pour la transformation et le déploiement de la vie profonde de la personne. Les nœuds de la Lune marquent le point de rencontre entre la trajectoire apparente du Soleil et le mouvement de la Lune dans le ciel, ils nous parlent de la maturation de la personnalité, de la manière dont l’être pourrait utiliser ses acquis et sa spontanéité (le nœud sud) pour avancer sur le chemin du développement personnel par l’acquisition de nouvelles capacités (le nœud nord). la Lune Noire matérialise ce point de l’espace où l’orbite de la Lune est à son maximum d’éloignement de notre planète. Là dort le dragon de nos peurs les plus profondes (la lune noire corrigée) qui garde l’entrée de la grotte où se trouve le trésor de notre vie, l’absolu de vérité et de lumière autour duquel tourne toute notre existence (la Lune Noire moyenne). Et puis il y a les rétrogradations. A ce moment là les planètes s’approchent au plus près de la Terre. A nouveau la géométrie est sollicitée. Lors de la rétrogradation ce n’est pas seulement l’objet « planète » qui est important mais aussi le lieu géométrique de l’espace que ce mouvement contraire vient renforcer. Ceci, du reste, n’est guère étonnant puisque le zodiaque et les maisons astrologiques sont également un découpage de l’espace et n’ont aucune réalité physique matérielle. D’une certaine manière l’astrologie ressemble plus à une sorte de feng-shui cosmique qu’à un jeu d’ « influences » qui impacteraient les êtres vivants.

Novalis écrivit un jour dans son Brouillon Général cette petite phrase extraordinaire : « le temps est un espace intérieur ». La raison est incapable d’assimiler ces six mots. Par contre se poser en silence pendant plusieurs jours dans un endroit isolé du monde permet de prendre conscience de la profondeur de cette intuition géniale. Lorsque nous sortons de notre dépendance au rythme inexorable des événements du temps objectif il se passe comme un retournement. Le rythme intérieur surgit, l’espace intime se déploie, et le programme secret de l’être reprend ses droits et se remet en route. En ces moments privilégiés où l’être est comme suspendu à lui-même, l’évidence du sens surgit dans une étoffe douce et sensible. La rétrogradation d’une planète, vécue de l’intérieur et non jugée à l’aune des performances d’une planète directe qui se meut avec le temps de horloges, ressemble à cela : à ce temps suspendu, à cet espace intime qui se déploie chaleureusement à partir du cœur de l’être. Lorsque le temps objectif semble s’arrêter l’espace intérieur commence à se déployer. C’est là, en astrologie, la fonction des rétrogradations : permettre à la personne de renouer avec son programme intime en la déconnectant du temps extérieur de la vie dite « normale ». La rétrogradation est comme une porte qui ouvre la conscience vers les mondes intérieurs, vers les terres inexplorées de notre réalité magique.

Nous allons donc explorer le sens des rétrogradations selon plusieurs points de vue :

- En analysant symboliquement le sens de la boucle dessinée dans la ciel par la planète lorsque celle-ci se met à rétrograder. Il existe neuf points remarquables et un processus composé de cinq phases. La rétrogradation sera alors perçue comme une suite de transformations et non plus comme un handicap insurmontable.

- En questionnant la géométrie : que nous révèle le mouvement de la planète ? Que signifie par exemple que les rétrogradations de Mercure dessinent un grand triangle dans le ciel alors que Vénus, de son côté, affiche une magnifique étoile à cinq branches ?

- En développant des exemples d’interprétation afin d’illustrer, de vérifier (et rectifier) les idées précédemment développées. Ces exemples ont aussi pour utilité de montrer la nécessaire recontextualisation des rétrogradations dans l’ensemble du thème astrologique. En élargissant cette recherche aux personnages publics nous avons été surpris du nombre d’écrivains et d’orateurs possédant un Mercure rétrograde par exemple, alors que cette position est d’ordinaire réputée silencieuse avec une difficulté à exprimer clairement ses idées. Le illustrations proposées sont choisie parce que la planète dominante du thème astrologique est rétrograde. Cette « dominante » se réfère soit à la manière dont la personnalité dirige sa vie (Jung, Freud, Hitler), soit à la quête d’absolu qui à porté son existence, parfois jusqu’au sacrifice (Jeanne Guyon, Simone Weil, Alexandra David Néel, Satprem). Dans le premier cas de figure la planète rétrograde forme un aspect avec un « facteur du moi » comme l’Ascendant, son maître ou simplement le Soleil ; dans le second cas la planète rétrograde est en relation avec la Lune Noire natale par jeu de maîtrise et/ou par aspect. Les illustrations sont donc plus que des exemples. Par leurs vies ces personnages hors du commun dirent silencieusement la manière la plus subtile et la plus puissante de vivre une rétrogradation.

Le Soleil intérieur brille pour tout le monde, mais chacun d’entre nous est seul pour révéler le rayon dont il est dépositaire. Personne ne peut le faire à notre place. Chaque rétrogradation est l’occasion de revenir vers le Soleil de notre vérité profonde afin d’en recontacter la chaleur et la force pour la manifester ensuite dans le monde, lorsque la planète redeviendra directe. Faire contact, se laisser habiter puis mouvoir par une nouvelle et étrange lumière dans le silence de son cœur, telle est la meilleure manière de profiter de l’extraordinaire opportunité des rétrogradations. Une opportunité sans flonflons ni médailles mais toute de « vérité », de patience et de vie en puissance.

In fine ce petit ouvrage aura accompli son but si, à sa lecture, il vient l’idée que les rétrogradations sont comme des perles en formation dans le secret de l’huître, des perles bientôt portées dans le monde afin d’en rehausser la beauté et la vigueur.

 

La nature humaine, un Narcisse qui se regarde ?

La nature humaine, un Narcisse qui se regarde ?

 

 

 

La conscience de soi caractérise l’homme et le différentie des autres espèces vivantes. N’est-ce pas là aussi la grande aventure de Narcisse amené à découvrit qui il est ? La capacité de se donner la mort, par suicide ou par décision volontairement mûrie, semble également une spécificité de la nature humaine. N’est-ce pas ce que fit Narcisse ? En réalité les thèmes développés par le mythe sont les nôtres : l’amour, la relation à l’autre, la souffrance, la vie et la mort, la beauté, la jeunesse et la connaissance de soi. Et puis la solution aux errances de l’humanité ne tient-elle pas pour beaucoup dans la capacité de chaque individu à aller ver lui-même pour finalement rayonner sa nature aimante ? Si certains d’entre nous sont plus narcissiques que d’autres, nul n’échappe aujourd’hui aux questionnements que soulève la vie brève et en partie insouciante du fils de Liriopé. Certaines périodes historiques donnèrent une part belle à d’autres schémas mythologiques. Ainsi en fut-il du siècle des lumières qui, guidé par la flamme de Prométhée, fut tellement fasciné par le mythe du Progrès des connaissances censées apporter au monde la civilisation et la paix ! Quand au XXe siècle, celui qui enfanta de la bombe atomique, de deux guerres mondiales, du déverrouillage du code génétique, de la manipulation de l’information, de la mondialisation et de la spéculation financière, il ne rêva que de toute puissance et fut largement sous le contrôle des forces faustiennes. Mais au fond, par de-là toutes ces péripéties, l’homme reste l’homme avec sa lancinante question - « qui suis-je vraiment ? ». Avec, aussi, son inextinguible désir de se regarder dans le miroir. L’œil-lac prit son essor objectif avec la télévision ; la quête de la beauté s’élargit à la mode ; la vie, la mort et la souffrance sont aujourd’hui gérées par une industrie médicale florissante.

Et puis il suffit de regarder autour de soi et de lire les journaux : partout il n’est question que de l’homme, de ce qu’il fait, ne fait pas où pourrait faire. L’anthropocentrisme de l’être humain est effarent ! La civilisation occidentale fonctionne comme un immense Narcisse, elle ne voit qu’elle, semble autiste aux autres règnes de la nature excepté pour les blesser ou les utiliser à son profit. Les citadins oublient de perdre leur regard  dans le ciel étoilé et de mesurer leur petitesse à l’aune des infinités marines. Même la discipline théoriquement la plus ouverte au non-humain, l’écologie, évoque sans cesse le respect de « l’environnement ». Inconsciemment, elle place l’être humain au centre de la biosphère comme si la nature avait pour fonction de l’entourer, de s’en occuper, de le cajoler et d’entretenir ses plaisirs. Bref ! de l’« environner » comme une mère le ferait pour un bébé-humanité exigeant et immature. « Respecter l’environnement » reviendrait à faire de la Terre un immense jardin mis au service de l’homme, ce que l’on appelle aussi parfois le « développement durable ». Or ce n’est pas la réalité. Il suffit de se plonger dans la théorie de l’évolution, le darwinisme, pour réaliser que l’être humain est une espèce biologique  parmi d’autres au succès évolutif inattendu. En partie par hasard puisque sa naissance, elle la doit à la catastrophe écologique qui, il y a 250 millions d’années, fit disparaître les dinosaures. Nous ne devrions donc pas parler d’environnement mais de biosphère en nous percevant non pas au centre, mais seulement comme une partie spécifique – et relativement mineure – d’un monde vivant en permanente mutation. Il nous est aujourd’hui aussi difficile d’entrer en contact avec les autres règnes de la nature, de sentir la spécificité du monde végétal et d’accorder une « âme » - quelque soit le sens donné à ce terme – aux animaux qu’il fut malaisé à Narcisse de reconnaître l’amour d’Echo et la passion d’Ameinias. Comme l’enfant immature nous pensons que la beauté de notre humanité chérie des dieux justifie notre insolence vis-à-vis de la planète, et qu’il est sans importance de semer une invisible souffrance dans, par exemple, les conditions d’élevage des animaux, les abattoirs ou encore l’exploitation effrénée des espèces végétales. Comme Narcisse nous semons la mort autour de nous sans même nous en rendre compte : d’ici seulement vingt ans plus de trente-cinq pour cent des espèces vivantes disparaîtrons définitivement de la surface de la Terre. Comme Narcisse l’humanité est totalement imperméable à la réalité de ce qui l’entoure, excepté lorsqu’il s’agit de son propre confort. Les meilleures bonnes volontés écologiques modernes sont encore prisonnières d’une conception anthropocentrique de l’humanité. Elles rêvent d’un retour au jardin des origines (le Céphyse) où régnerait la beauté, l’abondance et l’insouciance. Or cela, nous prévient le mythe, serait une régression, une impossible chasse au cerf. Une écologie qui ne verrait la nature que par l’homme et pour l’homme ne serait qu’un « environnementalisme »  stérile et enfermant.

Nous savons que la clé du mythe passe par la connaissance de soi et l’acceptation de la souffrance qui accompagne ce processus. La conscience de l’autre en tant qu’autre, dans la reconnaissance pleine et entière de sa différence, passe par la plongée du regard dans ses profondeurs intimes jusqu’à la Source. Nous l’avons déjà souligné : c’est en devenant totalement unique que Narcisse atteignit à quelque chose d’universel. Pour sortir de l’enfermement il ne s’agit pas de s’ouvrir au monde de manière volontariste au nom d’une morale (chrétienne) ou d’une idéologie (socialiste) mais de s’enfermer encore plus, jusqu’à l’essence même de notre nature. Alors le contact réel et profond avec les autres vivants - plantes, animaux, univers – se produira naturellement. Pour clarifier cela prenons une métaphore biologique. Les généticiens ont creusé jusqu’au plus profond du corps humain pour en dégager finalement l’essentiel : la code génétique support de l’information biologique. Or, ce code, nous l’avons en commun avec tous les êtres vivants, du ver de terre aux grands singes. Ainsi en creusant jusqu’au cœur du cœur de notre réalité corporelle nous avons découvert un universel, une clé qui ouvre la porte secrète de l’ensemble du monde vivant. Si, pour Narcisse, se connaître c’est mourir à ses représentations la suite nous la connaissons, elle est inscrite en lettres immortelles au fronton du temple d’Apollon à Delphes : « connais-toi toi même »… et tu connaîtras l’univers et les dieux.

La connaissance de soi semble déjà d’une exploration difficile pour un individu particulier, comment dès lors la penser pour l’humanité prise comme un tout ? Comment découvrir et réaliser la fonction du règne humain en tant que simple participant au développement de la biosphère ? Aujourd’hui l’humanité-narcisse chasse encore le cerf de l’idéalisme  avec sa bande de potes : partis politiques et mouvements de masse. Pourtant cette chasse-là s’est toujours avérée décevante. Aucun cerf ne fut jamais enlacé dans les filets de la vie quotidienne. Le « Grand Soir » fraternel du socialisme et la société d’abondance promise par le capitalisme s’avèrent aujourd’hui n’être que des imaginations rêveuses d’une humanité qui n’a pas encore le courage de se regarder en face. Aujourd’hui le Narcisse mondial commence à réaliser cela. Il se sent perdu dans la forêt des espérances déçues et il ignore les appels d’Echo – les appels désespérés d’une nature dont il ne restera peut-être bientôt plus que la peau et les os. Et nous ne filons pas la métaphore, nous suivons simplement la logique symbolique de l’histoire de Narcisse !

Quand sortirons-nous de la Narcose ? Quand ouvrirons-nous notre sensibilité aux autres vivants ? Quand l’humanité s’éveillera-t-elle ?

Théoriquement, si nous suivons la logique symbolique de l’histoire, plusieurs domaines de la civilisation portent une responsabilité majeure pour accompagner l’Eveil du Narcisse mondial. Il s’agit de  l’art, de l’écologie, de l’audiovisuel, des cosmétiques et du monde médical, sans oublier les diverses formes de psychothérapie et de psychanalyse. Nous retrouvons ici les idées de Graf Durkheim qui avait remarqué que l’expérience de l’Eveil survenait souvent dans l’un des quatre environnements suivants : la contemplation de la beauté, l’immersion dans la nature, la vérité dans la relation à l’autre et l’expérience mystique.  Tous ces environnements tissent des liens d’amour entre le moi et le non-moi, tous prennent Narcisse par la main pour lui offrir l’immensité.