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Quelles attitudes face à la souffrance ?Lorsque la douleur apparaît, lorsque la souffrance ne cesse de rappeler sa présence ici et là, une seule pensée vient un l’esprit : cela doit cesser ! Parce que toutes l’attention de la personne est prise, comme captée, par cet endroit du corps qui appelle au secours et signe sa détresse, aucune autre alternative n’est envisagée. En cas d’incendie il est sage d’éteindre les flammes de toute urgence. Pourtant, une fois la douleur assagie, la réflexion devient possible : pourquoi la souffrance ? Est-ce seulement la marque d’un dysfonctionnement organique ou est-ce autre chose ? La réaction face à la souffrance dépend du regard que nous portons sur la maladie, c’est-à-dire de notre manière de comprendre le dysfonctionnement organique. Il existe au moins quatre possibilités[1] : La maladie est un problème objectif qui se réduit au symptômeNous sommes ici dans la logique de la lutte contre la souffrance. Des vecteurs chimiques (les médicaments) prennent pour cibles des virus et des bactéries pathogènes afin de les détruire. Il y a, certes, des dommages collatéraux (les effets secondaires) mais ceux-ci sont jugés négligeables par rapport au résultat souhaité. Dans cette logique de compétitivité et de destruction sur laquelle de larges pans de notre culture est bâtie, la souffrance doit être éradiquée au même titre que la maladie. Une violence – la douleur – appelle une autre violence – le combat contre la douleur… afin que l’organisme retrouve la paix, une paix conçue comme un fonctionnement biologique normal. Parfois c’est la peur de la souffrance et non le phénomène lui-même qui justifie le traitement. Cette manière de procéder est largement dominante dans le corps médical car celui-ci est instruit par une société qui accepte comme paradigme les valeurs de violence, de lutte et d’effort en les justifiant par un modèle (obsolète) darwinien de la Nature. En ce sens le monde médical ne diffère pas des domaines économiques et politiques. Cette approche à pourtant l’inconvénient de réifier l’individu en le rapprochant du statut de la machine : une pièce est cassée, il suffit de la changer pour que tout remarche au mieux. L’approche vaccinale de la grippe A (H1N1) entre bien sûr dans ce double cadre fondé à la fois sur la peur et la réification de l’individu. La maladie est une solution à un problèmeA présent la personne est considérée comme une totalité vivante en lien continu avec son environnement. Le véritable problème n’est pas le symptôme mais le contexte producteur du symptôme : la nourriture, l’ambiance familiale, l’absence de projet de vie, la pollution, une rupture affective ou un travail monotone. La douleur devient alors le signe vivant d’une disharmonie entre la personne et son environnement. Plutôt que de lutter contre le signal d’alarme, il s’agit de se demander « qu’est ce qui cloche dans ma manière de vivre ? ». Les pathologies psychosomatiques entrent bien sûr dans ce cadre. Et l’on sait aujourd’hui que certains cancers s’enracinent dans l’alimentation et le stress. La douleur est un signal d’alarme qui dit « attention ! il y a quelque chose à changer dans ton environnement social, familial ou professionnel ». Le corps prend en charge ce que la conscience ne veut pas voir afin que la personne maintienne une vie relativement agréable. Mais, un jour, il n’en peut plus d’accumuler les troubles engendrés par cette situation de cécité chronique ; il étouffe à force de prendre en charge ce que la conscience refuse de voir et d’accepter. La grippe, pour revenir à notre exemple, est certes facilités par les conditions atmosphériques mais elle signe aussi une difficulté à intégrer un choc affectif dans la conscience collective. On peut alors se poser la question suivante : l’atmosphère de contrôle et de peur collective entretenue depuis le 11 septembre 2001 ne génère-t-elle pas une fragilité du corps social qui est de moins en moins capable de digérer émotionnellement les menaces réelles ou inventées (peu importe ici) et réagit par une « épidémie » ? La maladie est un signe puisque le « mal à dit »Que veut donc « dire le mal ? »Dans le premier cas de figure le corps était un objet biologique qui subissait une attaque et qu’il fallait défendre. La souffrance dénonçait une défaillance mécanique dans un monde individualiste orienté objet. Dans le second cas de figure le corps se comportait comme une éponge qui souffrait à force d’absorber ce que la conscience n’était pas à même de métamorphoser ou de rejeter. La souffrance de la personneétait alors un signal d’alarme dénonçant une disharmonie de l’ensemble du système social. Les plus « faibles » ou les plus sensibles jouaient le rôle de la lumière rouge qui prévenait du danger. A présent le corps parle. A sa manière bien sur, dans son langage symbolique et non verbal. La maladie « dit le mal ». Quel mal ? Aucune généralisation n’est possible, tout dépend du type de pathologie et de symptôme. Une manière, parmi d’autres, de lire le dit du corps est d’utiliser la langue des oiseaux[2]. Ainsi j’avais récemment au téléphone une amie souffrant du pancréas qui, dans le langage de l’inconscient, s’entend « Pan – créas ». Pan, qui signifie « tout » en Grec, est le dieu du chaos et des bergers. Je lui dis alors que « pancréas » pouvait peut-être se lire : « dans la création que je suis entrain de mettre en place il y a quelqu’un qui sort du groupe avec qui je travaille et qui sème le chaos ». C’était effectivement sa problème difficulté moment. Pour des raisons sentimentales, elle se sentait incapable de remettre ce « mouton » récalcitrant dans le rang, ou de lui trouver une place ailleurs. Alors le pancréas prit sur lui ce conflit intérieur. La souffrance, dans cette troisième logique, est la parole du corps. Il dit quelque chose que la conscience n’a pas vu. Voir cela c’est déjà entrer dans le processus de guérison. Transformer la souffrance suppose ici de verbaliser la parole muette du corps en détresse. Quand à la « grippe » elle pourra se décoder de la manière suivante[3] : « Il y a un rouage qui grippe quelque part. Soit dans la vie de la personne s’il s’agit d’une maladie occasionnelle, soit dans celle de la société s’il est question d’une épidémie. Lorsque le système biologique se grippe c’est pour signer cet état de choses sur les plans plus subtils : celui de l’ordre psychologique et celui de l’organisation sociale. L’épidémie de grippe aviaire qui nous menace aujourd’hui (2006) concerne le poulet. Histoire de nous dire que quelque chose cloche dans notre besoin de vivre comme des poussins sous l’aile rassurante d’une infinité de moyens de contrôle ? Comme le rappelle la langue des oiseau quand il y a « grippe » cela se décode « j’ai (G) rippé », j’ai glissé quelque part… je ne peux plus m’accrocher à mes anciens repères. La maladie est le processus de guérisonC’est un processus qui vise à transformer le malade en réajustant ce qu’il croît être à ce qu’il est. Ce quatrième regard sur la souffrance est plus difficile à comprendre, à moins de l’avoir déjà vécu. Il s’agit d’entrer dans la douleur et de l’accepter totalement. Alors elle se transforme et le symptôme disparaît. Et avec lui la charge « énergétique » que constituait le symptôme. Ces pratiques demandent en général l’aide de spécialistes que les sociétés premières connaissaient sous le nom de chamans ou de sorciers. Alors le corps n’est plus seulement un objet, ni une éponge, ni même le dépositaire d’une parole, c’est une matière intelligente qui connaît ses propres voies de transformation et de guérison. A toute pathologie, à toute souffrance, l’une au moins de ces quatre causes sera à envisager. Attention cependant à ne pas se tromper d’origine : il ne sert à rien de changer d’air si l’origine d’un mal est une boisson qui ne respecte pas de bonnes conditions sanitaires par exemple. Pourtant toutes les souffrances ne sont pas dues à des dysfonctionnements mécaniques du corps-objet. Notre société, fondée sur la compétition, la guerre et l’exploitation d’une nature-objet à tendance à sur-évaluer la fréquence de la première cause, la cause objective, aux dépends des trois autres. Prendre en compte ces quatre présupposés philosophiques suppose une réponse différente de la part du soignant. En cas de fatigue, par exemple, chacune des quatre approches thérapeutique voudra imposer sa vérité, c’est-à-dire sa technique :
En conclusion celui qui cherche à guérir devrait, idéalement, être à la fois Médecin allopathe (cas 1), Thérapeute (cas 2), Sage (cas 3) et Sorcier (cas 4). Une approche intégrale de la médecine peut s’envisager d’au moins deux manières : en s’appliquant au praticien et/ou au patient. Dans un premier temps le demandeur devrait pourvoir, dans une société ouverte, explorer une ou plusieurs des quatre voies thérapeutiques esquissées plus haut en ayant la possibilité de consulter l’un ou l’autre de ces spécialistes afin de soulager son symptôme, de modifier sa posture au sein son environnement, d’écouter sa soif de sens et d’accompagner son processus de métamorphose ontologique. Mais, à terme, on peut aussi envisager la formation d’un nouveau corps médical composé de personnes ayant la connaissance et l’expérience intime de ces quatre approches du guérir… du « gai rire » nous rappelle la langue des oiseaux. Alors, enfin, l’être humain sera reconnu et exploré dans son intégralité : physique, affective, intellectuelle et spirituelle. La bonne nouvelle, c’est qu’il reste encore bien des chemins à explorer pour les générations futures ! Ce texte est extrait de notre ouvrage sur les quatre voies de connaissance intitulé La force du symbolique. [1] Nous avons développé les fondement biologiques et philosophique de ces quatre logiques dans La Force du Symbolique (Dervy, 2004). |
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