Le bélier et le système génital féminin


Ce texte est extrait du Parchemin Magnifique, opuscule VII : Bassin, système génital et système excrétoire.

Le Bélier sacrificiel

Jésus crucifié puis ressuscité fut surnommé « l’agneau de Dieu ». Lorsque Abraham s’apprêta à sacrifier son fils Isaac celui-ci fut miraculeusement remplacé in extremis par un bélier, en témoignage de l’obéissance du patriarche à la demande de Yahvé. Mais les monothéismes n’ont pas le monopole de la figure symbolique du bélier sacrificiel. Nous savons que la toison d’or appartenait à un bélier volant sacrifié dans le jardin d’Arès. On se souvient également de Médée qui plongea un agneau démembré dans le chaudron magique pour redonner son trône à Jason, et que le pourtour du bol d’argent de Gundestrup offrait au regard des divinités à tête de bélier qui meurent puis ressuscitent rajeunies. Dans tous les cas, le bélier métaphorise un processus de mort sacrificielle suivi d’une renaissance.

Ces étonnantes convergences s’expliquent peut-être par l’observation que le buste du Bélier est codé dans la morphologie féminine. La tête de l’animal dessine exactement le système génital féminin[i] :

 

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Lorsque Médée plonge un agneau dans son chaudron magique elle dévoile sa géographie intime ! Néanmoins, le vieux roi apprit à ses dépens qu’il ne suffisait pas de s’immerger dans une bassine d’eau bouillante pour redevenir vert. Seule la sourcière a le pouvoir de le rajeunir car elle intériorise l’éros et dirige la force jusqu’à sa bouche par la prononciation des formules magiques appropriées. La magicienne est celle qui sait orienter ses énergies sexuelles vers sa gorge. Elle transforme l’intensité vitale en paroles et produit un miracle. Elle « comprend » que les régions sexuelle et laryngée sont morphologiquement inversées et en correspondance l’une avec l’autre. De manière plus romantique, la femme conserve dans son petit bassin le secret de l’éternelle jeunesse. Lorsqu’elle l’élève jusqu’à sa bouche, elle propose à l’homme un baiser qui les rendra tous les deux jeunes et alertes comme aux premiers printemps de leur adolescence.

« Médée » vient d’une racine grecque qui a donné « méditer » au sens de « conceptualiser », et de « réfléchir ». La magicienne rappelle ce message si important déjà transmis par les héros de la hanche comme Jacob, Carmen et le Roi-pêcheur : il est essentiel de penser pour poser des questions, de conceptualiser pour nommer les forces, afin que le processus de renaissance dans le nouveau monde s’accomplisse avec succès.

Que savons-nous du mammifère qui meurt puis ressuscite ?

La constellation du Bélier

Dans le ciel, une figure approximativement triangulaire dessine la constellation du Bélier. Il s’agit de l’animal dont la toison en or est conservée dans le jardin d’Arès. Son buste est « caché » derrière une série d’étoiles qui évoquent, dans le corps, le triangle « pubien » dont nous avons déjà noté qu’il représentait la porte vers l’Autre Monde. Dans le ciel, comme dans le corps féminin, le « bélier » est caché derrière une porte triangulaire. Le Caché, c’est l’autre nom d’Amon, le dieu à figure de bélier si important dans l’ancienne Egypte. Quelle puissance et quel secret voilent cette partie du corps, si ce n’est celui de la procréation et, par analogie, de la création ? Ce qui expliquerait pourquoi le Bélier devint le nom du premier signe zodiacal : il procède à tous les commencements. Nous négligerons ici les descriptions psychologiques du signe[ii] pour nous intéresser au mystère métaphysique qu’il sous-tend : la question de l’origine.

La perception intuitive du mystère de l’Origine crée de l’angoisse. Une Origine à la fois inatteignable et inconceptualisable, irrémédiablement « Cachée ». Le corps la nomme « Éros », le mythe orphique de la création également. La Genèse décrit ce passage comme celui de la Création vers la Formation. Quelle que soit la formulation symbolique, l’intention reste la même : franchir un voile, passer du monde métaphysique vers celui de l’incarnation avec ses objets, ses couleurs et ses bruits.

Comment formuler cela autrement ? L’univers des physiciens naquit d’une singularité initiale, le Big Bang ; le monde des Titans et des dieux sortit d’une « faille » originelle, le « chaos » ; quant au bébé il jaillit du ventre maternel par une autre faille. Le Bélier « sait » qu’au-delà de toutes ces « fenêtres » qui s’ouvrent sur le monde sensible, un univers immense reste caché derrière elles. Alors oui, son angoisse est métaphysique. Il pressent le tournoiement ininterrompu des forces mystérieuses et insondables qu’il nomme la « Vie » mais qui, sur le chemin du retour, l’appellent à traverser la mort. Pourquoi la mort ? Parce que l’animal est toujours celui du sacrifice !

L’expérience du sacrifice est une partie intégrante du destin des Béliers. Naturellement, les femmes sont particulièrement porteuses de cette mémoire puisque le buste de l’animal se love dans leur petit bassin.

Quoi de plus emblématique que la procréation biologique pour symboliser la création d’un nouveau monde ? L’univers naquit du Caché exactement comme le bébé naît de l’obscurité du ventre. Le ciel conserve la trace de ce surgissement dans le triangle des étoiles dites du « bélier » et le corps dans le triangle pubien qui voile le système génital féminin si semblable au buste du mammifère.

Derrière l’enthousiasme pour tous les commencements qui caractérise ce signe astrologique subsiste un contact profond avec l’Origine, l’angoisse du vide, le non-représentable, l’inconceptualisable et l’impensable[iii]. Le sacrifice du Sans-Forme produisit le monde manifesté. Certains béliers se souviennent de ce passage qui va de l’invisible vers le visible en termes d’énergie. Ils le reproduisent dans leur vie ordinaire par des prises de risques, dans des combats dangereux ou en devenant cascadeurs. Mars/Arès, le maître traditionnel du signe, domine sur la voie de l’involution lorsque la mort est sans cesse frôlée par défi. Lorsque la conscience s’en mêle, dans l’évolution, l’utilité du sacrifice apparaît. Il surgit soit sous la forme d’événements extérieurs qui empêchent le sujet de réaliser ses désirs, soit dans le choix de se dévouer pour une famille ou une cause. Grâce à ce « sacrifice », le sujet découvre des capacités créatrices nouvelles, hors de tous les sentiers balisés. Découverte difficile car il entre périodiquement dans la peur du vide, parfois dans la tentation suicidaire. C’est que retentit intensément l’appel de l’Origine, le désir inconscient et puissant de revenir vers le Soi en franchissant à nouveau le voile qui sépare la vie ici-bas de son Origine, la complexité de la vie humaine de son innocence première. Et puis, dans la transvolution, la personne renoue enfin avec cette Origine après avoir traversé l’angoisse du Rien. Ce Vide devient paradoxalement le propulsif qui la conduit à accomplir la fonction spirituelle du bélier : initier un Nouveau Monde.

Selon le niveau de lecture, le « sacrifice » prend donc des sens distincts. Goût du risque et défi quotidien de l’accident dans l’involution ; obéissance au contexte social et familial aux dépens de ses désirs essentiels : cette phase douloureuse du processus d’évolution est nécessaire pour que la conscience regarde enfin vers l’intérieur, elle qui était si habituée au sport, à la vitesse et à l’action. Ce retournement déstabilise la confiance en soi, née de toutes les réussites dans la fulgurance extérieure. L’angoisse du Vide surgit, suivie du désir de mourir. Alors le sujet n’a plus d’autre choix que de sacrifier sa volonté personnelle afin que l’Œuvre prévue de toute éternité par le Soi s’accomplisse à travers lui.

Le Bélier détient la volonté spirituelle du sacrifice. Subie, l’homme devient « bouc-émissaire » ; utilisée, il risque de tomber dans son contraire, la figure du bourreau ; transformée, il s’immolera sur l’autel pour accomplir le dessein de Dieu.

Sa relation paradoxale au pouvoir conduit le sujet tantôt à dominer, tantôt à plier sans combattre. L’animal qui guide le troupeau est aussi l’emblème de la soumission. Ce schéma mythologique est remarquablement illustré par l’histoire d’Abraham à qui Yahvé demanda d’immoler son fils Isaac. En acceptant d’égorger son enfant Abraham démontre sa soumission absolue à la volonté de Dieu. Voyant cela, Yahvé se réjouit et envoie un bélier pour remplacer Isaac comme offrande sacrificielle. La soumission totale à un archétype, l’abandon du « moi » à un unique composant de l’univers métaphysique, est à la fois héroïque et générateur d’angoisse de mort.

Pour compléter cette exploration de la figure du Bélier voyons comment il apparaît dans les rêves éveillés[iv] :

« Le mouton du rêve non seulement invite au passage, mais il entraîne au franchissement, il participe au mouvement libérateur ». « Il est grand en ce qu’il ouvre un chemin. »

Que dire d’autre pour symboliser cette partie du corps qui représente le système génital féminin et le canal de la naissance ?

« Le mouton imaginé est un signe de résurrection. Quelles que soient les les racines de la problématique, lors de son apparition ce qui était figé retrouve la flexibilité, ce qui était comme mort redevient vivant. La psyché inhibée par l’emprise du mental retrouve sa capacité naturelle de métamorphose »

Corps, rêves et mythes puisent dans la même source du savoir. Le chaudron pelvien avec son éros bouillonnant est le lieu de la résurrection de ce qui est mort.

Au creux du petit bassin, l’homme sacrifie des idéaux devenus inutiles. Les explorateurs des pieds, des chevilles, des genoux, des cuisses et des hanches demandaient sans cesse : « où vais-je ? » « quel est le sens de ma vie ? », « quelle est ma voie ? ». Devant le bassin, le sujet se pose. Il descend au creux de son espace intérieur et sacrifie ses anciens rêves. Alors une autre question surgit : « Où est ma place ? ». Sa quête s’achève lorsqu’il réalise que sa place est précisément là où il se trouve, d’instant en instant.

La femme a littéralement la tête dans le petit bassin. Elle est profondément consciente que toute pensée est vivante, qu’œuvre de chair et œuvre d’esprit ne diffèrent guère que par leur Source. Le système génital de l’homme est extériorisé alors que celui de la femme reste majoritairement à l’intérieur du corps. La femme intériorise la force pour croître en conscience alors que l’homme l’extériorise et l’utilise pour comprendre puis agir sur les objets du monde. La force est intérieure dans le monde féminin alors qu’elle est projetée vers l’extérieur dans l’univers masculin. C’est pourquoi, en termes psychologiques, les femmes résistent mieux aux dépressions et sont plus à l’aise dans les processus de transformation psychique, comme le « développement personnel » aujourd’hui à la mode ; alors que les hommes choisissent souvent la transformation du monde par la science et la technologie, ou s’investissent dans des activités sportives. In fine les hommes sont fragiles intérieurement et forts physiquement, les femmes s’avèrent vulnérables dans l’exercice de la force et résistantes au stress.

Le thème du « sacrifice du bélier » sembla si important aux premières civilisations que deux des trois monothéismes choisirent de l’accentuer en le signant sur la biologie corporelle du nouveau-né.

Ce texte est extrait du Parchemin Magnifique, opuscule VII : Bassin, système génital et système excrétoire.

 

Notes

[i] Source des illustrations : wikipedia.

[ii] Pour une lecture psychologique des signes du zodiaque se reporter par exemple à notre ouvrage, La symphonie du Zodiaque (édition de Janus), ou encore au livre de Dane Rudhyar Le rythme du Zodiaque (édition du Rocher).

[iii] L’impensable n’est pas l’impensé. Ce dernier laisse une lueur d’espoir au sujet qui se dit que, un jour, le mystère sera éclairci. L’impensable ne pourra jamais être pensé, d’où le vertige qui surgit lorsque l’être réalise profondément qu’une partie du réel, et non des moindres, est absolument hors de contrôle.

[iv] Georges Romey, l’encyclopédie de la symbolique des rêves (Quintessence)

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